Géologie
: Formation des Pyrénées
Page 1
: Tectonique
des plaques et formation des montagnes
(nouvelle
version, 2016)
[...] il ne faut guère
d'imagination pour concevoir aujourd'hui que la façon la plus simple
d'épaissir la lithosphère est d'empiler, les unes sur les
autres, des unités originellement situées sur un même
plan horizontal. Pierre Choukroune, cité dans la préface du livre de Olivier Merle, Nappes et chevauchements, édition Masson, 1994 |
SOMMAIRE I - Bref appel sur la Terre et la Tectonique des plaques II - Formation des montagnes par collision continentale III - Autres processus complémentaires NOTES |
I - Un
bref rappel est utile pour comprendre la formation des montagnes (note
8) :
La structure
des couches superficielles de la terre est
la suivante (figure 1 et 2) :
La croûte se différencie du manteau
essentiellement par sa composition chimique :
- la croûte océanique (7
Km d'épaisseur) a une composition moyenne proche de celle
du "basalte" (résultat de la fusion partielle des péridotites),
donc une densité relativement élevée (2,9
g/cm3);
- la croûte continentale
(30 à 40 Km d'épaisseur, jusqu'à 70 dans les montagnes)
a une composition proche de celle du "granite", donc une densité
relativement faible (2,8) ;
Le manteau (qui
a prés de 3000 Km d'épaisseur) a une composition proche de celle
des "péridotites" (voir une page
consacrée à la lherzolite), donc une densité élevée
(3,25).
La frontière entre croûte
et manteau est appelée le " Moho " (nom abrégé d'un géophysicien : Mohorovicic).
La lithosphère (environ
100 km d'épaisseur) comprenant
la croûte et
la partie la plus superficielle du manteau (le "manteau lithosphérique")
se différencie par sa rigidité de l'asthénosphère (du grec asthenos
= mou), partie sous-jacente du manteau (jusqu'à
une profondeur de 500 à 700 km) qui, du fait d'une température
élevée (plus de 1300°),
est relativement plastique (à l'échelle des millions d'années
; sa consistance est celle du fer chauffé au rouge).
Figure
1 :
Structure de la terre entière (à gauche), et sructure
et dynamique du manteau (à droite).
La Terre, chauffée par l'impact
des corps célestes qui s'y sont écrasés et par la radioactivité
de certains minéraux du manteau, se refroidit : c'est ce
qui entraine une convection thermique dans le manteau. En effet, refroidie
en surface par conduction, la lithosphère s'alourdit ; quand sa masse
volumique dépasse celle de l'asthénosphère (densité
3,3 contre 3,25) elle coule dans le manteau (difficilement pour la lithosphère
continentale retenue par sa croûte légère) ; cette subduction
est le moteur du déplacement des plaques (figure 2) ; bien que
freinée à 670 m de profondeur, où la pression compacte
l'olivine dans la péridotite, la lithosphère descend juqu'à
la base du manteau, dont la matière, réchauffée par le
noyau et surtout la radioactvité, remonte, en particulier sous forme
de panaches responsables du volcanisme des points chauds, ou à
faible profondeur (moins de 100 km) sous les dorsales où la
fusion parielle de la péridotite, liée à la baisse de
la pression, produit du magma basaltique qui vient compenser l'écartement
des plaques.
Selon la théorie de la tectonique des
plaques, l'ensemble de la lithosphère est divisé en une douzaine
de grandes plaques principales qui se déplacent les unes par rapport aux autres
(à une vitesse de l'ordre de 1 à 10 cm par an).
Les frontières entre plaques sont de trois sortes (figure
2) :
- les subductions, où une plaque s'engloutit dans
le manteau (note 7),
. subduction océanique,
quand il s'agit d'une plaque océanique qui, vieillie et refroidie, donc alourdie
(densité de 3,3, donc supérieure à
celle du manteau sous-jacent) et légèrement déclive,
glisse sur l'asthénosphère (indépendamment des courants
de convection qui y règnent) puis y "coule" du fait de son
poids en "tirant" l'ensemble de la plaque et le continent qui lui
est rattaché ; c'est là le moteur principal (les dorsales y
participent un peu) du déplacement des plaques, lequel participe à
l'évacuation de la chaleur due (surtout) à la radioactivité ;
la subduction se produit le plus souvent au bord d'un continent (cas des Andes)
mais peut se produire en plein océan (cas des Antilles) ; la partie
subductée est pentue si la plaque est vieille, proche de l'horizontale
si elle est jeune et légère ;
. subduction continentale
(plus difficile en raison de la légèreté de la croûte
continentale), en cas de collision entre deux continents génératrice
de montagnes ;
- les dorsales océaniques, où de la
plaque océanique est créée par une montée de magma
basaltique (résultant d'une fusion partielle des péridotites
du manteau du fait d'une chute de pression, à une faible profondeur,
environ 10 km) dans le haut du manteau, compensant la perte de plaque dans
la subduction ;
- les failles transformantes, qui segmentent
les dorsales et peuvent se propager jusqu'aux zones de subduction.
Figure
2 : Une dorsale (à gauche) et une
subduction océanique précédant une collision continentale
(à droite).
(Sources :
- Dossier Pour la science
"La Terre à coeur ouvert", n°67, Avril-Juin 2010,
en particulier l'article de Pierre Thomas, p. 38-44, intitulé "La
convection, moteur du manteau" (plus développé dans
le site web http://planet-terre.ens-lyon.fr :
cliquer ici) ;
- "La valse des continents", par
Patrick De Wever et Francis Duranthon, EDP sciences, 2015, 90 p. (qu'on trouve,
entre autres, à la librairie du Museum d'histoire naturelle à
Toulouse)).
*
II
- Formation
des montagnes par collision continentale (est pris ici pour modèle
le scénario simplifié d'une collision succédant à une subduction
océanique sous un continent)
Le mot "collision"
est trompeur
parce qu'il suggère un événement frontal, brutal
et éphémère, alors qu'il s'agit de l'"affrontemant",
lent et durable, entre deux continents convergents, dont l'un se glisse difficilement
sous l'autre, une telle subduction impliquant une compression horizontale.
Le continent chevauchant arrache successivement
à la croûte du continent
en cours de subduction plusieurs écailles, qui, bloquées, s'empilent
par en dessous, ce qui épaissit le continent subducté et crée
ainsi
une montagne.
A noter qu'il n'est pas nécessaire de préciser
quels sont les déplacements respectifs des deux continents, ni par
rapport à quels repères : seul compte le déplacement
relatif entre les deux, bien qu'on ait tendance à "supposer"
immobile le plus grand.
1.
Une chaîne de montagne naît dans une zone du globe où deux plaques
tectoniques convergent (à
la vitesse de quelques cm par an, soit quelques dizaines de km par millions
d'années [Ma]) :
- soit lorsqu'une lithosphère océanique est en subduction :
> sous le bord d'un continent ("chaîne
de subduction", ou cordillère, type Andes) ;
> ou sous une autre lithosphère
océanique ("arc insulaire", chapelet d'îles volcaniques, type Japon,
ou Antilles) ;
- soit lorsque deux lithosphères continentales entrent en collision
("chaîne de collision", type Himalaya ou Alpes).
Il existe deux autres types plus rares (sans parler des chaînes
composites) :
> la "chaîne d'obduction", lorsqu'une
partie de croûte océanique, au lieu de s'enfoncer dans l'asthénosphère par
subduction, chevauche une autre croûte océanique ou le bord d'un continent
(type Oman).
> la "chaîne intracontinentale",
lorsque une convergence continentale non précédée par
la fermeture d'un océan comprime une zone continentale distendue et
amincie (par exemple par un coulissage). C'est le cas des Pyrénées
: l'écartement entre Ibérie et Europe, accompagné
d'un coulissage, a (dans un premier temps) distendu la zone continentale amincie
les séparant, mais sans que la lithosphére océanique
ainsi formée dans le golfe de Gascogne, ne se propage plus à
l'est ; dans un deuxième temps une compression a entraîné
un affrontement des deux continents qui a eu dans cette zone le même
effet qu'une collision succédanr à la fermeture d'un océan.
|
2.
Une "collision" continentale se produit quand
un continent, séparé d'un autre par de la croûte
océanique, vient, du fait de la résorption de celle-ci
par subduction sous ce dernier continent, affronter celui-ci.(figure
2). |
3.
Ce processus d'écaillage est le suivant (figure
3a et 3b) :
Venant buter et s'immobiliser contre le front de la croûte continentale
supposée fixe, une première grande " écaille tectonique " (dont
l'épaisseur est de l'ordre du km)
se décolle de la croûte supposée mobile suivant un plan de faille
inverse proche de l'horizontale, échappe ainsi à la subduction,
et, par à-coups, séisme après séisme, chevauche (sur
une ou plusieurs dizaines de km), le reste, aminci, de la croûte
qui, continuant de migrer en-dessous, poursuit sa subduction. Un pli anticlinal
du front de l'écaille (qui est souvent sédimentaire) accompagne son
chevauchement (on parle de " pli-faille ", ou de "pli-nappe")
(note 6)
Un nouveau plan de décollement apparaît ensuite dans la croûte
supposée mobile, et prend le relais, sous le premier, presque parallèle
à lui, un peu plus au large, de telle sorte qu'une deuxième écaille chevauchante
s'immobilise, de la même façon contre (ou sous) la première, qu'elle redresse
(ou soulève).
Et ainsi de suite.
<
Figure 3b : Schéma
(plus proche de la réalité que celui de la figure 3a) visant
à expliquer le processus d'empilement des écailles tectoniques
à l'origine de la surrection d'une montagne (il fait abstraction de
l'érosion).
Tandis que (pendant
plusieurs dizaines de Ma) la
plaque supposée mobile, presque réduite à sa partie mantellique, poursuit
sa subduction sous la plaque
supposée fixe (sur
plusieurs dizaines de km, à la vitesse de quelques cm par an)
et s'enfonce dans l'asthénosphère, un nombre variable d'écailles viennent
ainsi se coincer et s'empiler (sur
plusieurs km d'épaisseur), par chevauchements successifs,
les unes sous les autres (et non sur, chacune s'ajoutant à la base
de l'empilement), dans l'angle formé par le front de la croûte supérieure
et la plaque plongeante, laquelle s'épaissit donc par sa base, par
en-dessous (on parle de "prisme d'accrétion", ce mécanisme
étant analogue à celui par lequel se forme un prisme d'accrétion
lors de la subduction d'un plancher océanique : figure
2 ).
Le même processus affecte aussi, le plus souvent à une échelle
moindre, le front de la croûte continentale supposée fixe, également
débité en grandes lames, séparées par des plans de clivage en sens opposé.
De ce fait la cicatrice de l'affrontement entre les deux croûtes, la "
suture ", est parfois difficile à trouver, sous la forme d'une faille
de chevauchement parfois verticalisée, voire renversée (note
2 : chevauchement de la Dent Blanche).
Cet empilement s'accompagne de séismes liés à des ruptures
dans la couche fragile, cassante, de la croûte continentale, entre 0 et 15
km de profondeur.
4.
Les décollements (ou "plans de chevauchement") des écailles
(ou "nappes de charriage" quand elles sont grandes, "chevauchements" quand
elles sont plus petites, et maintenant plutôt "unités chevauchantes" [note
1] ), sont donc des failles
"inverses" (on se trouve dans le cas d'un raccourcissement par
compression ) alors que, inversement, celles liées à
une extension, ou étirement, avec amincissement, sont dites "normales"
(figure 4).
Figure
4 :
Les deux principaux types de failles : les failles normales et les
failles inverses.
Le glissement d'une unité chevauchante sur une autre
entraine un cisaillement des roches de part et d'autre du plan de chevauchement
(voir une page spéciale)
: le frottement, sous forte pression, est intense et une énergie abondante
est dissipée qui échauffe les roches. D'où un métamorphisme,
de moyenne pression et moyenne température, avec schistosité
(création d'une structure en mille-feuille), voire fusion partielle,
favorisée par la présence d'eau, créant de petites
poches de magma cristallisant en profondeur sous forme de petits massifs (des
"plutons") granitiques.
Le saut (ou le transfert) d'un décollement à un autre est favorisé
par l'augmentation de température et surtout de pression que crée l'unité
chevauchante (par son poids et sa base chaude) dans la croûte sous-jacente,
couverte de sédiments froids hydratés. Il en résulte une circulation d'eau
sous pression qui fragilise la roche par " fracturation hydraulique " : il
se crée une bouillie où la résistance au cisaillement
est diminuée, ce qui rend le décollement à ce niveau plus facile.
Quoiqu'il en soit les décollements se produisent, dans la croûte,
de préférence :
> par jeu en sens inverse, dans sa couche fragile
(cassante), de failles normales héritées de l'époque où sa marge constituait
la moitié d'un rift continental avec amorce d'une dorsale océanique
(déchirure semblable au rift africain actuel) ;
> à la limite entre les différents niveaux mécaniques
de la croûte continentale (entre croûte et sédiments, entre couche cassante
et couche ductile, ou entre couche ductile et manteau) ;
> à l'intérieur d'une couche de terrain de moindre
cohésion (par exemple une couche d'ampélite, comme on le voit dans le cirque
de Barrosa : voir la page
consacrée à l'ampélite), ou de grès argileux, ou
de gypse), qui par son effet lubrifiant (on parle de " couche-savon "),
favorise ensuite le glissement d'une unité sur la croûte sous-jacente.
5.
C'est cet empilement par en-dessous d'unités chevauchantes qui
produit (en quelques millions
d'années [Ma]) la surrection d'une montagne
(à la vitesse moyenne de quelques
mm par an).
En effet, s'ajoutant à la superposition des deux croûtes,
il épaissit, en la raccourcissant horizontalement (d'une
distance de l'ordre de la centaine de km),
la croûte continentale (dont l'épaisseur peut ainsi
doubler, atteignant 60 à 80 km).
Epaississement qui se fait vers le haut, créant une antiforme
en éventail à l'échelle de la chaîne, dans lequel l'érosion sculpte des reliefs
montagneux (qui peuvent
culminer jusqu'à une altitude de 8 à 9 km).
Mais aussi vers le bas, l'augmentation de son poids entraînant
un enfoncement de la lithosphère ainsi épaissie et alourdie (selon le principe
d'Archimède, ou d'"isostasie", comme dans le cas d'un iceberg) dans
l'asthénosphère chaude (1300°),
et ductile. Les reliefs montagneux
sont ainsi compensés en profondeur par une " racine " (figure
5).
Quand la collision n'est pas franchement frontale, mais oblique
et que les croûtes continentales coulissent le long de leur affrontement,
des étirements peuvent se combiner aux épaississements.
6.
Les sédiments portés par les continents sont aussi affectés
par les chevauchements, mais ils le sont surtout par des plissements.
La couverture sédimentaire peut (sous l'effet d'un chevauchement) se décoller
de son substratum cristallin (roches métamorphiques ou granitiques), et n'y
laisser qu'une mince couverture (telle la couche de calcaire crétacé
autochtone sous la nappe de Gavarnie).
Les terrains anciens impliqués dans les chevauchements,
et qui peuvent être ce qui reste de chaînes de montagne anciennes
(par exemple la chaîne hercynienne), sont également remaniés
par des plissements et par le métamorphisme lié à
une augmentation de la pression et de la température, métamorphisme
qui commence dès le début de la subduction continentale.
Figure 5 : Coupe d'une chaîne de montagne constituée, attaquée par l'érosion (note 3).
7.
Dès le début de sa surrection la montagne est attaquée par
l'érosion (figure 5).
Les sédiments détritiques (argile, sables, graviers arrachés
aux reliefs montagneux par les glaciers et les torrents) vont s'accumuler
(sous forme d'une roche appelée " molasse ", parfois
sur 1km d'épaisseur), de part et d'autre de la chaîne, dans de
larges bassins. Ce sont les " bassins molassiques " (tel celui de
la plaine du Pô), dont le poids accentue (on parle de "subsidence")
la flexure imprimée à la lithosphère par le poids de
la montagne (phénomène qui se fait sentir par exemple à
Venise).
Mécanique ou chimique, elle peut atteindre 4 mm/an
(et même 1 m/an sous l'effet des glaciers, comme cela a été
le cas il y a 20000 ans lorsque la terre était en grande partie couverte
de glace).
Lorsque la compression diminue, l'érosion, grandement
aidée par le phénomène d'effondrement gravitaire (voir
plus loin), amincit la chaîne de montagne et finit (en
quelques dizaines de Ma) par redonner son épaisseur normale
(environ 30 km) à la croûte continentale qui, ainsi allégée,
remonte par ajustement isostatique (comme un bateau qu'on décharge). En surface
l'érosion arase les reliefs montagneux, et réduit
ainsi la chaîne de montagne à l'état de "pénéplaine" ("presque
plaine", à l'altitude
de 100 à 200 m).
Apparaissent ainsi à l'affleurement, quand elles ne sont
pas recouvertes par des sédiments fluviatiles ou marins plus tardifs, des
roches qui ont subi, par enfouissement en profondeur, un métamorphisme
(changement de nature et réorientation de minéraux) plus
ou moins intense.
Se découvrent également (surtout dans les vieilles
chaînes de montagne fortement érodées) les "plutons
granitiques" (de 10 à
15 km de diamètre) résultant de la cristallisation
en profondeur, avant d'avoir pu atteindre la surface, de "bulles"
de magma qui montent lentement dans l'épaisseur de la croûte,
sous la poussée d'Archimède, magma produit par la fusion partielle de la croûte
(quand la température
dépasse 700 à 800°), favorisée par l'eau présente
le long des plans de chevauchement et qui abaisse la température de fusion)
(ces plutons sont nombreux dans ce qui reste de la chaîne de montagne hercynienne
érigée vers 300 Ma).
*
III - Aux effets de la collision continentale s'ajoutent ceux d'autres processus.
L'empilement d'écailles crustales
est le processus essentiel de la formation des montagnes par collision continentale
(ou intracontinentale).
Mais d'autres processus interviennent dans l'édification
d'une chaîne de montagne, pour y participer ou la contrecarrer, sans parler
du métamorphisme que subissent les roches du fait des modifications
de température et de pression. (figure
6 ):
- 1.
l'INCORPORATION, dans la chaîne de montagne, de divers
éléments :
* de micro-contients
qui ont pu s'interposer entre les deux continents avant leur collision (cas
de l'Himalaya et des Alpes) ;
* du prisme d'accrétion
(fig. 6, A1 ; fig. 5) formé,
pendant la subduction du plancher océanique, par l'accumulation des
sédiments raclés par le continent qui sera percuté (domaines
piémontais, avec ses "schistes lustrés", et valaisan,
avec ses flyschs, dans des Alpes [note
2]) ;
* d' OPHIOLITES
(fig. 6, A1 ; fig. 5), qui sont des
lambeaux (des "copeaux") de crôute océanique qui, avant
la collision, au cours de la subduction de cette croûte, sont venus
se mélanger aux sédiments accumulés dans le prisme d'accrétion.
Ils apparaissent ensuite à l'affleurement dans la chaîne de montagne
constituée, sous forme de lentilles entrelardant des sédiments
métamorphisés (c'est le cas, dans les Alpes, des ophiolites
mélangés aux "schistes lustrés" qu'on trouve
par exemple à la base du Cervin [note
2]). De plus grands fragments de crôute océanique
peuvent aussi, au lieu de s'enfoncer dans la subduction, venir affleurer ,
dans une chaîne de montagne (on parle d'"obduction"),
à la suture des deux continents entrés en collision, ou à
proximité de celle-ci ;
* de sédiments
déposés pendant la surrection de la montagne, et subissant les
déformations, plisements ou déplacements, qu'elle entraine.
- 2. l 'EROSION (voir ci-dessus) : elle rabote les reliefs montagneux (surtout l'érosion glaciaire), mais elle est incapable d'expliquer à elle seule l'arasement des montagnes. Il lui faudrait beaucoup plus de temps et on ne trouve pas les énormes dépots de sédiments que cela impliquerait.
- 3.
le REAJUSTEMEN ISOSTATIQUE : selon le principe d'isostasie la
chaîne de montagne, qui "flotte" sur l'asthénosphère
ductile, s'enfonce dans celle-ci, l'épaississement de la lithosphère,
par plissements et chevauchements, impliquant une augmentation de son poids,
mais remonte ensuite (poussée d'Archimède) lorsqu'elle est allégée
par l'érosion, comme un bateau qu'on décharge.
- 4. l 'EFFONDREMENT
GRAVITAIRE (fig. 6, A1-A4)
: une montagne ("colosse aux pieds d'argile") a en effet tendance
à s'affaisser sur elle-même et à s'étaler sous l'effet de la
gravité, ce qui implique une distension (ou extension) venant inverser
ou concurrencer la compression lorsque celle-ci s'atténue, et créer
un amincissement de la croûte (son épaisseur passant par exemple
de 60 km à 20-25, au lieu de 35 normalement), distension qui peut d'ailleurs
avoir d'autres causes, comme le recul d'une zone de subduction voisine.
D'ailleurs cette distension peut toucher une partie d'une chaîne de montagne
alors que la compression reste prédominante dans une autre (c'est le cas
par exemple dans les Alpes) :
* cet étalement de la croûte
se fait, dans la crôute supérieure cassante (la crôute
inférieure étant ductile) par un glissement vers le bas de
blocs crustaux le long de failles normales obliques (qui sont souvent
d'anciennes failles inverses jouant dans l'autre sens), glissement par des
à-coups qui se manifestent par des séismes ;
* l'amincissement s'accompagne,
.
d'une part d'un réchauffement de la croûte, avec augmentation
du gradient et du flux thermiques, et remontée de la limite inférieure
(isotherme 1300°) de la lithosphère mantellique ; ce réchauffement
s'ajoute, après la fin de l'édification de la chaîne de
montagne par empilement d'unités chevauchantes froides, à celui,
lent, lié à la radioactivité régnant dans la croûte
épaissie ;
.
d'autre part d'une diminution de la pression, en raison de la remontée
du Moho ;
* augmentation de la température
et décompression rapide entraînent à leur tour :
. un ramollissement de la croûte (avec accroissement de
l'épaisseur de sa partie ductile aux dépens de sa partie supérieure
cassante), qui favorise en retour l'étalement gravitaire (voire la formation
de grands plateaux, comme celui du Tibet), et les plissements ;
. un métamorphisme de haute température et de basse pression jusqu'à
un niveau de la croûte proche de la surface ; on peut le constater en particulier
à l'affleurement quand la quasi disparition de la couche cassante de
la croûte dans une partie très étirée, et le jeu de failles quasi horizontales
(dites "failles de détachement", au niveau de la transition cassante-ductile,
longées de mylonites [roches broyées] ), a favorisé la
remontée d'un dôme de sa partie ductile autrefois enfouie à
grande profondeur et métamorphisée sous haute pression et basse température
(c'est le cas, dans le Massif Central hercynien, des monts de l'Espinouse
dans la Montagne Noire) ;
. une fusion partielle, en profondeur, de la croûte (anatexie),
lorsque la température y approche les 600°, favorisée par la présence d'eau,
fusion productrice de magma et donc de plutons granitiques ;
. une fusion partielle également de la partie mantellique de la
lithosphère (qui peut elle aussi affleurer), produisant un volcanisme calco-alcalin
(avec un magma riche en andésite, car, basaltique à l'origine,
il est contaminé par le granite dans la traversée de la croûte
traversée), en général peu abondant.
Figure
6 : Schémas
simplifiés visant à expliquer,
A : l'évolution de la chaîne de montagne,
de la subduction du plancher océanique qui précède sa
surrection et de l'inclusion d'ophiolites à son effondrement gravitaire
;
B : l'exhumation d'une partie de la croûte
continentale en cours de subduction ;
C : la subduction de la croûte continentale,
qui peut être horizontale avant de sombrer dans l'asthénosphère
;
D : le détachement possible d'une partie
de la lithosphère mantellique en cours de subduction, ou de la racine
de la chaîne de montagne, avec les conséquences sur celle-ci
: proximité de l'asthénosphère chaude, réchauffement,
extension, et soulèvement
- 5. la SUBDUCTION
CONTINENTALE (fig. 6, B et
C) : une lithosphère continentale, du moins la partie
ayant échappé à l'écaillage, peut s'engager lentement (ce qui lui laisse le
temps de se réchauffer), presque horizontalement dans un premier temps, sous
la lithosphère avec laquelle elle est entrée en collision, et ainsi l'épaissir
(cas de l'Himalaya et du Tibet, et des Andes) ;
* mais, malgré la
relative légèreté de la croûte, elle finit par
plonger carrément dans l'asthénosphère : la crôute
continentale de cette lithosphère, entrainée par la partie mantellique
de celle-ci, peut alors, au cours de cette subduction, descendre jusqu'à une
grande profondeur (par exemple 100 km) ; il arrive alors qu'une partie de
cette croûte se détache du manteau et, sous l'effet de la pression latérale
qu'elle subit (comme le dentifrice dans un tube qu'on comprime), et de la
poussée d'Archimède (isostasie), remonte rapidement vers la
surface (on parle d'exhumation), où la présence d'un minéral (la coésite,
dont la cristallisation implique une forte pression) vient témoigner de son
séjour passé à grande profondeur ;
* elle tend à
produire un volcanisme calco-alcalin, comme dans les arcs volcaniques
(cas des Andes) ;
* la zone de subduction
a tendance à reculer (voir note
4, et la page
consacrée à la formation des Pyrénées, en note
5) : ce qui entraine à l'arrière de l'arc
volcanique créé par la subduction, une distension de la crôute
continentale supérieure et ainsi la création d'un "bassin
d'arrière-arc ; un tel phénomène peut effondrer en tout
ou partie d'une chaîne de montagne quand celle-ci est voisine d'une
subduction (cas de la création du Golfe du Lion, ou des Cyclades
dans la mer Egée).
- 6. la PARTIE MANTELLIQUE
DE LA LITHOSPHERE : comme elle est massive, dense et relativement rigide
par rapport à la croûte, son intervention est possible dans l'édification
d'une montagne :
* soit en s'encastrant comme
un coin ("coin mantellique"), ou un poinçonnemnt,
dans la croûte ramollie de la plaque avec laquelle elle entre en collision,
ce qui épaissit celle-ci par retro-charriage au-dessus, ou parfois crée
une extension crustale, ou les deux (cas des Alpes, voir note
2, figure b),
* soit en se rompant
(Fig. 6, D) : tandis qu'elle est
engagée dans une subduction une partie, froide et lourde, s'en détache
et sombre dans l'asthénosphère chaude et ductile ; celle-ci,
venant prendre sa place; réchauffe la chaîne de montagne, ce
qui provoque son soulèvement, et augmente sa ductilité, ce qui
favorise son étalement par effondrement gravitaire ; la racine d'une
chaîne de montagne pourrait, même en l'absence de subduction,
subir le même sort.
*
Dans le cirque de
Barrosa, sur le chemin des mines : l'ombre d'un randonneur montre du doigt
le plan de chevauchement de la nappe de charriage de Gavarnie sur le
calccaire crétacé supérieur de la couverture du socle,
par l'intermédiaire de sa semelle d'ampélite.
Le processus de chevauchement, que l'on a sous les yeux dans le cirque de Barrosa, et qu'on "touche du doigt" lorsqu'on le traverse par le "chemin des mines", tient finalement une grande place, associé à d'autres processus, dans la surrection des grandes chaînes de montagne par "collision" continentale, ou compression intracontinentale (comme les Pyrénées), surrection qu'on peut considérer comme étant essentiellement le résultat d'un empilement par en-dessous de chevauchements plus ou moins plissés (note 2). |
Cette théorie, selon laquelle
les montagnes sont faites d'un empilement de chevauchements charriés horizontalement
les uns sur les autres, est maintenant banale et n'est plus discutée, sauf
dans ses détails. Son HISTOIRE est la suivante.
Apparue à la fin du XIXe siècle elle a été longue à être acceptée
par la communauté des géologues encore influencés par une tectonique " verticaliste
", et réfractaires à la notion de longs déplacements horizontaux d'épaisses
masses de terrain.
Le principal artisan de la nouvelle tectonique a été le géologue
français Marcel Bertrand (1847-1907). Il la présente en 1884 dans un
article, qui restera longtemps ignoré ou accueilli avec scepticisme ou incrédulité,
dans lequel, par une brillante intuition, il réinterprète un vaste contact
anormal décrit dans les Alpes de Glaris (dans l'est de la Suisse : note
2) comme étant lié
non pas à un double pli couché, hypothèse admise jusque là, mais à un "recouvrement"
(autrement dit un chevauchement).
D'autres chevauchements ayant été décrits,
par lui ou par d'autres géologues (notamment les anglais Peach et Horne
dans les Highlands en Ecosse, en 1884, et M. A. Bresson dans les Pyrénées,
en 1903), M. Bertrand en déduit la nouvelle théorie générale selon laquelle
la surrection des montagnes est à base de chevauchements, tous dans le même
sens et résultant d'une compression, ce qui lui vaudra plus tard d'être
reconnu par ses successeurs comme un "génie de la tectonique" (note
5).(note 5).
Page
FORMATION DES PYRENEES
Haut
de page
NOTES
:
1.
Ailleurs dans le présent
site l'expression "nappe de charriage" est encore
utilisée. Classiquement "nappe de charriage"
désigne plutôt un "recouvrement" (c'est le mot
qu'on utilisait dans le passé) de faible amplitude, et le mot "chevauchement
" un recouvrement de grande ampleur. Mais actuellement
on utilise de préférence le mot "chevauchement"
dans tous les cas (il désigne d'ailleurs à la fois l'écaille
qui chevauche, et
le processus), ou
l'expression "unité chevauchante".
Cependant
on utilise couramment l'expression "nappe de Gavarnie" pour
désigner l'unité chevauchante dont fait partie l'étage
supérieur du cirque de Barrosa.
Les géologues utilisent aussi le mot "allochtone"
pour désigner l'unité qui chevauche (et qui vient d'ailleurs),
et le mot "autochtone" (ou encore "socle"),
pour désigner l'unité chevauchée.
2. A
la fin du XVIIe siècle, le genevois Horace Bénédict
de Saussure constate que les roches sédimentaires des Alpes ont
été non seulement soulevées mais aussi plissées,
donc raccourcies horizontalement. Il en conclut logiquement, en 1784, que
le plissement des Alpes, et des chaînes de montagne en général,
résulte de "refoulements horizontaux", c'est-à-dire
de compressions horizontales. Ses travaux s'opposaient ainsi aux visions "verticalistes"
alors en vogue (qui postulaient que les chaînes de montagnes se formaient
par simple soulèvement des terrains), et allaient donner le ton aux
recherches des "mobilistes" (postulant des mouvements horizontaux)
qui ont débouché sur la notion de "nappes de charriage".
C'est ainsi que le grand
géologue suisse Emile Argand (1879-1940), novateur et prophétique,
a mis en relation la dérive des continents (idée qu'argumente
alors Wegener, et qu'il approuve) avec les empilements de nappes de
charriage à l'origine de la surrection des montagnes, d'Europe et d'Asie
(notamment l'Himalaya et le Tibet : voir ci-dessous).
"
L'existence d'un certain reste de mouvements verticaux originaires demeure
extrêmement problématique, car à prolonger très
avant l'interprétation des faits, il semble qu'il n'y ait aucun
jeu tectonique, même exactement vertical, qui ne puisse être
regardé comme la manifestation ou la conséquence directe
ou indirecte, rapprochée ou lointaine, à délai relativement
bref ou à très longue échéance, de déformations
en volume dans lesquelles prévalent ou ont prévalu des
jeux horizontaux" (p. 269) |
|
Extraits du texte et des illustrations de l'ouvrage prémonitoire d'Emile Argand "La tectonique de l'Asie", publié en 1924 (la théorie de la tectonique des plaques a été élaborée dans les années 1960, et la structure de l'Himalaya-Tibet précisée plus tard), accessible dans une page du site Planet-terre (cliquer ici). |
Ces
recherches ont porté notamment, dans les Alpes suisses, sur
deux chevauchements célèbres :
* le
"chevauchement de GLARIS", dans
la Suisse orientale (canton de Glaris, ou Glarus)
(voir la
figure a ci-dessous, et les
notes 5 et 6)
De 35 km de long vers le nord,
et de 15 km de large,
il a participé, comme beaucoup d'autres chevauchements en Suisse et
en France, à la surrection des Alpes (voir ci-dessous le chevauchement
de la Dent Blanche). Sa
nappe a été rendue discontinue par l'érosion.
Son étude, par les géologues suisses
(Escher von der Linth en 1841, puis Albert Heim en 1878), a
permis de mieux comprendre la formation des Alpes et d'asseoir le concept
de nappe de charriage, théorisé en 1875 par le viennois Eduard
Suess, puis surtout, en 1884, par le français Marcel Bertrand),
pour expliquer la formation des montagnes en général
(voir la note 5).
Figure a : Photo
de la crête des "Tschingelhorner", au SW des pics de Sardona
et Segnas, vue du NW, montrant le chevauchement du Permien (appelé
"verrucano" ; en
haut de l'image),
sur le flysch tertiaire (environ - 50 Ma ; au bas de l'image, partiellement
masqué par les éboulis), par l'intermédiaire d'une lame
de calcaire, jurassique, percée d'un trou, le 'Martinsloch" (diamètre
: 15 m).
Pour la localisation de la photo, voir les dessins de la
figure g dans la note 5 >
Cliquer
sur l'image pour voir
le montage de deux photos en grand format qui permettent de faire des
comparaisons avec le cirque de Barrosa.
Phénomène
géologique le plus célèbre de la Suisse, le
chevauchement de Glaris a été inscrit en 2008 sur la liste du
Patrimoine mondial naturel de l'Unesco (sous le nom de "Haut lieu tectonique
suisse Sardona"). Au
centre d'un territoire plus vaste institué "géoparc"
par l'Unesco sous le nom de "Géoparc Sardona", il
est visité et étudié par de nombreux géologues
du monde entier, professionnels
ou amateurs.
Les Alpes de Glaris sont traversées par
l'un des 4 itinéraires de la "Via alpina", le vert
(dit "Via
Geo Alpina"),
qui va de Zucka dans le Liechtenstein à Lenk dans les Alpes bernoises
; plus précisément par les étapes C3 (Sargans-Elm, par
le Foopass), et C4 (Elm-Linthal par le Richetli Pass).
(pour en savoir plus sur ce célèbre
chevauchement voir :
- surtout la page qui lui est consacrée dans
l'intéressant site de l'Office fédéral de topographie
Swisstopo
: on y trouve des liens donnant accès à des pdf contenant des
topos d'excursion (2 étapes de la "Via Geo Alpina"
richement illustrés de photos spectaculaires et de schémas commentés),
ainsi que des cartes, des informations sur les chevauchements, et un glossaire
;
- et
dans
un autre site, une autre coupe
[en page 2 du pdf reproduisant un article de Deta Gasser et Bas den
Brock, de Zürich])
*
le "chevauchement de la DENT BLANCHE"
(dans les Alpes valaisanes), qui porte le Cervin.
Il a été étudié, cartographié
et expliqué, au début du XXe siècle, par le grand géologue
suisse Emile Argand (voir ci-dessus).
La
génèse de ce chevauchement est la suivante (image
ci-dessous et notes
3 et 6). Le sub-continent
sud-alpin (l'"Apulie" qui formera plus tard une partie de l'Italie
actuelle), dérivant à la proue de l'Afrique vers le nord-ouest,
entre vers -40 Ma en collision avec le continent européen, après
avoir broyé, laminé, déformé, le plancher de l''"océan
alpin", branche (divisée en deux, océan "piémontais",
ou liguro-piémontas, et océan "valaisan", par une
péninsule du micro-contnent Ibérie, la future "zone briançonnaise")
de la mer "Téthys" qui le séparait du continent européen.
La collision, à l'origine des Alpes, s'est accompagnée de la
mise en place, par-dessus le continent européen sur plus de 100 km,
d'une vaste nappe de charriage (dite "de la Dent Blanche")
constituée par une écaille du continent apulien-africain. Elle
repose sur les vestiges de l'océan piémontais : lambeaux
de croûte océanique (gabbros, basaltes et péridotites
transformées en serpentine : ce sont les ophiolites), enchassés
dans des sédiments marins déposés dans cet océan
entre -200 et - 100 Ma (transformés plus tard en "schistes lustrés").
D'abord entraînés et compressés en profondeur par la subduction
de l'Europe, ces vestiges, devenus plastiques, sont ensuite en partie remontés
vers la surface.
La nappe a été, elle, en grande partie détruite
par l'érosion, qui n'a laissé subsister qu'une "klippe",
celle de la Dent Blanche, et du Cervin (pyramide de gneiss
reposant sur une base constituée d'ophiolites et de schistes lustrés),
dont on peut dire qu'il a une origine africaine.
Figure
b : illustrant la formation des
Alpes et la mise en place du chevauchement de la Dent Blanche et du
Cervin :
- en haut, à gauche : carte
des continents et océans au milieu du Crétacé (- 100
Ma) ; les flèches rouges indiquent la dérive des
continents impliqués dans la future formation des Alpes, avec en particulier
rotation de l'Afrique sous l'effet de l'ouverture de l'Atlantique central,
et coulissages entre l'Ibérie et l'Europe, et entre l'Afrique et l'Ibérie
;
- en haut, à droite : la pyramide
du Cervin vue du nord-est ; le trait marron situe le plan de chevauchement
;
- en bas : coupe W-NW - E-SE schématique,
très simplifiée, des Alpes centrales actuelles,situant en particulier
la nappe de la Dent Blanche, réduite aujourd'hui à une klippe
formant le massif de la Dent Blanche et du Cervin.
Figure
c : Vue prise du Mont Fort vers le
sud-est. Au fond : la Dent Blanche (à gauche), et le Cervin
(à droite). Au premier plan : les Aiguilles rouges d'Arolla.
(Sources :
- DEBELMAS
Jacques, La
Recherche, n°
150, décembre 1983 , pp. 1542-1552
: La formation des Alpes
;
- MATTAUER
Maurice :
.
Monts et merveilles, Hermann,
1989 ;
.
Ce que disent les pierres,
Bibliothèque Pour la Science, 1998 ;
. Pour
la Science, n° 289, novembre 2001, pp. 26-29
: Coésite et formation des montagnes ;
- MARTHALER Michel, Le Cervin
est-il africain ?, LEP, 3e éd.ition, 2001 ;
- BOILLOT Gilbert, HUCHON Philippe, LAGABRIELLE
Yves : Introduction à la géologie, Dunod, 3e édition,
2003 ;
- LE MEUR Hélène, CALAIS Eric, TARDY
Marc : Les Alpes battent en retraite, La Recherche, n° 365, juin
2003, pp. 30-37. )
Parmi d'autres
chevauchements célèbres,
on peut mentionner aussi :
* dans
les Alpes françaises, le chevauchement de la LA
MEIJE,
parmi beaucoup d'autres ;
* en
dehors des Alpes, le "chevauchement du MOINE"
(the "Moine thrust"), dans les Highlands, au nord-ouest de l'Ecosse
(dont il est question dans la section 1 de la page
consacrée aux conséquences du chevauchement sur les roches)
(voir la figure d ci-dessous).
Il a été décrit par les géologues
écossais Peach et Horne, en 1884, dans une publication qui a
fortement contribué à faire admettre, par leurs confrères
géologues réticents, la réalité de charriages
horizontaux, impliqués dans la formation des montagnes, et pouvant
dépasser les 100 km.
Ce chevauchement a participé à
la surrection de la chaîne de montagne dite des Calédonides liée
à la collision entre les continents Baltica et Laurentia (le premier
chevauchant le second, d'est en ouest, de plus de 100 km) qui s'est produite
à la fin du Silurien (-420 millions d'années) et dont le résultat
a été la soudure des deux continents en un seul, la Laurasie.
VOIR AUSSI,
au sujet de ce chevauchement,
- les sites web suivants :
* de l'université
d'Oxford : une page contenant de
belles photos à comparer avec celles du cirque de Barrosa, notamment
avec celles de la page de photos consacrée au calcaire
crétacé ;
* de l'université
de Leeds où il est question du cisaillemnt des roches lié
au chevauchement (l'auteur du présent site remercie M.Andrew McCaig,
de cette université, qui a étudié aussi la région
du cirque de Barrosa, pour les indications qu'il lui a données, en
espérant les avoir bien interprêtées) ;
*
un site
montrant par une animation la dérive des continents.
- un coffret de DVD, "La valse des continents
2", réalisation Christopher
Hooke et Yanick Rose, Arte éditions, DVD 1, (il y en a deux :
5x53 minutes), 1-
"Aux
origines de l'Europe",
chapitre "Quand
l'est et l'Ouest s'assemblent".
Figure d :
le chevauchement du Moine, repérable
sur plus de 200 km ; la photo, prise au lieu dit "Knockan Crag",
montre le contact anormal dans une épaisseur de 3 m. ; elle est extraite
du site de l'université d'Oxford .
Dans les Pyrénées,
sont bien connus les chevauchements suivants :
*
la "NAPPE DE CHARRIAGE DE GAVARNIE",
mise en évidence par le géologue français Arthur
Bresson dès 1903 (voir figure e ci-dessous).
Elle forme l'étage supérieur du cirque
de Barrosa, où son plan de chevauchement
a été mis à profit pour aménager un ancien chemin
muletier, dont le parcours fait "toucher du doigt", sur
plusieurs km, le processus de chevauchement : on peut se demander s'il
existe ailleurs dans le monde une
telle particularité, qui est peut-être unique (la recherche sur
l'internet d'un chemin analogue,
par l'auteur du présent site, a
été infructueuse) ;
Figure
e : extraits (figure et texte) du document
où le géologue français Arthur.Bresson décrit
le premier la nappe de charriage de Gavarnie, et démontre qu'il
s'agit d'un chevauchement : "Etude sur les formations anciennes des
Hautes et Basses Pyrénées (Haute chaîne)", Bulletin
de la carte géologique de la France, t. XIV, 1902-1903, p. 45-322.
La figure est la planche IV de ce document : une
coupe E-NE - W-SW, depuis la vallée de Gavarnie à gauche jusqu'à
celle de La Gela (à droite, en passant par les cirques d'Estaubé
et de Troumouse
(où le mot recouvrement est synonyme du mot chevauchement ; le trait
pontillé passe par la base de la couche de calcaire crétacé
: le plan de chevauchement de la nappe passe à la limite supérieure
de celle-ci).
Le texte est à la page 309 du document.
(voir aussi la note 3,
dans la page consacrée
à la formation des Pyrénées centrales)
*
le chevauchement du PIC (ou Pech) DE BUGARACH
(voir la figure f ci-dessous),
dans les Corbières (dont il est le point culmnant : 1231 m) occidentales,
qui est un exemple d'un chevauchement non plus vers le sud et affectant la
plaque ibérique, mais un chevauchement vers le nord et affectant le
bord aquitain de la plaque Eurasie (par compression sous l'effet de la poussée
de la plaque ibérique), et faisant chevaucher, sur une dizaine km,
les terrains jurassique et crétacé inférieur de la zone
nord-pyrénéenne sur les terrains plus récents, crétacés
supérieurs, de la zone sous- pyrénéenne (voir
aussi le chevauchement du pic Saint-Loup dans la page
consacrée à la formation des montagnes, en note 5).
Curieusement ce serait cette inversion géologique
(terrains anciens reposant sur des terrains plus récents), causée
par le chevauchement, qui aurait participé à la fascination
qu'exerce depuis longtemps cette montagne (surnommée la "montagne
inversée"). Elle a nourri beaucoup de croyances farfelues, la
proximité des châteaux cathares et la légende du trésor
de Rennes-le-Château, tout proche, ayant renforcé le phénomène.
En
fait il y a une autre inversion, plus conforme à ce que les géologues
entendent habituellement par "inversion" : le front du chevauchement
esquisse dans le pic de Bugarach un pli couché, avec un flanc normal
en haut, mais en bas un flanc dit "inverse" parce que les couches
anciennes y sont anormalement en haut et les couches récentes en bas.
A noter que le Trias a pu favoriser le chevauchement, en
jouant le rôle de "couche-savon".
Figure
f : Elle illustre le chevauchement
du pic de Bugarach (calque explicatif,
carte, et coupe en couleurs conventionnelles)
VOIR AUSSI, au sujet du chevauchement du pic de Bugarach :
-
dans le site Planet-Terre (http://planet-terre.ens-lyon.fr)
un article consacré au pic de Bugarach par le géologue
Pierre Thomas, du laboratoire de géologie de l'Ecole Normale
Supérieure de Lyon ("Ce
que peut dire scientifiquement un géologue à propos de
la fin du monde et de... Bugarach",
dans les archives du mois de décembre 2012) (cliquer
ici) |
C = Crétacé (Supérieur, dont C7 = Santonien, C3 = Cénomanien ; et inférieur, dont C1 = Aptien) J = Jurassique, dont Ls = Lias marneux et Lc = Lias calcaire t = Trias h = Carbonifère La principale différence avec la coupe de la figure f consiste dans le fait qu'une lame de Cénomanien (C3 ) (flanc sud du synclinal, au nord du Pech) y est individualisée, étirée et entrainée sous le chevauchement, qui cependant affecte peu les strates de marne du Santonien (C7) (col de Linas). |
(Autres
sources :
- JAFFREZO M. (coordinateur), Pyrénées
orientales Corbières, Guides géologiques régionaux,
Masson, 1977, p. 29, 71, 72 ;
- DEBELMAS Jacques, Géologie de la France,
tome 2, Doin, 1974, p. 338 ;
- BOUSQUET Jean-Claude, Géologie du Languedoc-Roussillon,
Les Presses du Languedoc et BRGM éditions, 2006, p. 30, 62, 65 ).
3. Voir aussi dans le site de Chantal Coupin, d'un collège de Mauvezin dans le Gers, "Les sciences de la vie et de la terre", la reproduction d'un article de Fabienne Lemarchand, écrit avec la collaboration de Paul Tapponier, "La formation des chaînes de montagne" (paru dans la revue La Recherche, n° 297, avril 1997, p. 90 ). La principale figure, une coupe passant pat Turin et Genève, illustre la formation des Alpes mais peut illustrer aussi celle, par collision continentale, des montagnes en général, et mérite d'être reproduite dans une version plus grande et bien lisible (figure f, ci-dessous, à gauche) :
|
5.
Le concept de charriage
était déjà dans l'air.
En 1875 le géologue viennois Eduard Suess
avait publié un livre où il expliquait que la formation des montagnes est
associée à de grands déplacements horizontaux de terrains, résultant de compressions
latérales, les faisant chevaucher sur l'avant-pays de ces montagnes, tous
dans le même sens (du sud vers le nord dans les Alpes autrichiennes et suisses).
En 1979 Gosselet interprète la structure du
bassin houiller franco-belge à l'aide de failles inverses proches de l'horizontale.
Figure
h : Montage
(d'après le pdf en lien dans la note 2) associant
- en bas une localisation de la région
de Glaris dans la carte géologique de la Suisse, et une carte géologique
simplfiée de cette région (où un astérisque rouge
localise l'endroit d'où a été prise la photo de la crête
de Tschingelhorner et du Martinsloch ci-dessus, note 2, à l'
W du pic Sardona)
- en haut, schématiquement, les interprétations
de la structure de la région par Albert. Heim (double
pli couché, en haut), et par Marcel Bertrand au milieu (grand
charriage unique vers le nord). >
Les géologues zurichois Escher von der Linth, en
1841, puis son successeur Albert Heim, en 1878, avaient eux décrit
minutieusement les Alpes de Glaris, en Suisse orientale, et montré que sur
une surface de près de 50 km de long et 25 km de large le flysch du début
du Tertiaire est anormalement surmonté par des conglomérats permiens (terrain
appelé " Verucano "). Ils ont fait l'hypothèse que ce recouvrement était lié
à l'existence de deux plis couchés, l'un vers le sud, l'autre vers
le nord, maintenant fortement érodés, dont les têtes venaient presque à se
toucher au-dessus d'un col, le Foopass.
A la lumière des idées de
Suess, qui l'avaient enthousiasmé, Marcel Bertrand (photo ci-contre),
sans avoir mis les pieds dans les Alpes de Glaris, réinterprète donc ces données
dans son article de 1884 et substitue à l'hypothèse du double-pli celle d'un
unique charriage gigantesque vers le nord. Au simple examen de la carte
géologique il étend les phénomènes de charriage, du sud vers le nord, à l'échelle
de la Suisse, et s'autorise à supposer que de tels " recouvrements " sont
à l'origine des montagnes en général.
Par ailleurs, cette même année 1884, les géologues écossais Peach et
Horne, appuyés par la figure dominante de la géologie anglo-saxonne
de l'époque, Sir Archibald Geikie, publient également un article dans
lequel ils décrivent dans les montagnes d'Ecosse un charriage horizontal sur
plus de 16 km (le " chevauchement du Moine " : voir la note 2),
et le cisaillement intense dans la zone du contact anormal.
Pourtant la notion de charriage sur de grandes distances et la
nouvelle théorie vont susciter, pendant encore de longues années, une intense
opposition. Les descriptions, entre 1884 et 1903, de nombreux autres chevauchements
dans les montagnes vont cependant finir par la vaincre : entre autres la description
par Mc Connel, en 1886, d'un spectaculaire chevauchement dans les Montagnes
rocheuses au Canada ; celle par Marcel Bertrand lui-même, qui, entre
1887 et 1889, décrits de tels recouvrements dans le sud des Alpes de
Provence où il observe des renversements complets de séries sédimentaires
; par le norvégien Törnebohm en 1888, qui montre que la chaîne scandinave
a été charriée de plus de 100 km ; par Hans Schardt, qui, en 1893 puis
1898, s'appuie, lui, sur ses propres observations de terrain, pour mettre
en évidence que l'ensemble des Préalpes a subi un charriage vers le nord de
près de 100 km ; par le géologue suisse (de mère française) Maurice Lugeon
qui, en 1902, fait un tableau des Préalpes et de l'ensemble des Alpes suisses
sur la base de la nouvelle tectonique murie par ses prédécesseurs ; par Bresson,
en 1903, qui décrit la nappe de Gavarnie dans les Pyrénées (voir la figure
d de la note 2, et la note 3 de la page
consacrée à la formation des Pyrénées).
6.
La question se
pose : dans quelles conditions physiques et à quelle vitesse
se produisent les chevauchements ? En ce qui concerne, par exemple,
le célèbre chevauchement de Glaris, dans la Suisse orientale
(voir les notes 2 et 5), d'environ 40 km de long, on
estime qu'il s'est décollé il y a environ 20 millions d'années,
à une profondeur allant jusqu'à 16 km sous la surface, et s'est
déplacé vers le nord à une vitesse maximale annuelle
moyenne de quelques cm, sous une température atteignant 320°,
et des pressions de l'ordre de 5 kilobars.
7.
Depuis l'apparition
de la théorie de la tectonique des plaques dans les années 1960,
notamment dans la dernière décennie, les idées ont évolué
sous l'effet des progrès des techniques d'investigation : voir à
ce sujet,
- dans le
site Planet-Terre un article de Pierre Thomas (laboratoire de géologie
de l'ENS de Lyon), intitulé "La tectonique des plaques de 1970
à 2011 : qu'est-ce qui a changé dans le modèle et n'a
pas (assez) changé dans sa transmission depuis l'époque de pères
fondateurs ?" (9-6-2011) ;
- dans un dossier de la revue Pour la Science (La Terre
à coeur ouvert), n° 67, avril-juin 2010, un article du même
auteur intitulé "La convection, moteur du manteau", pp
38-44.
8. A signaler aux montagnards qu'il est paru dans la revue du CAF La montagne et alpinisme, n° 256, 2/2014, un article intitulé "Un trek géologique autour du Manaslu, en Himalaya central", signé Arnaud Pêcher, bien écrit, bref, très bien fait et illustré, facile à assimiler, où l'on trouve les notions essentielles relatives à la formation de l'Himalaya mais transposables (malgré des différences de détail) à toutes les montagnes liées à une collsion continentale : en particulier, empilement de grandes écailles qui se chevauchent, zone d'étirement et cisaillement au voisinage des plans de chevauchemet, formation de poches de granite, etc...
9. En laboratoire les géologues reproduisent l'effet d'une compression horizontale sur la partie crustale d'une plaque de matériau simulant celui d'une plaque réelle : figure ci-dessous, où la plaque se déplace de la gauche vers la droite, et où les failles (inverses) chevauchantes, qui apparaissent successivement, sont soulignées en rouge.
Page mise à jour le 5 février
2020