Géologie

                                  L'ampélite : "la couche-savon"

   Cette roche noirâtre mérite une page spéciale en raison de sa forte présence dans le cirque de Barrosa, de son rôle dans la géomorpholgie de la région du port de Barroude, et surtout de son rapport étroit avec le processus de chevauchement qui est l'élément essentiel du cirque sur le plan géologique.

    Son nom (on dit aussi" les ampélites," et elle en a plusieurs autres) a pour origine le mot grec ampélos qui veut dire vigne.Ce qui est peut-être en rapport avec sa couleur, noire (avec parfois une altération ocre, ou rouille), mais tirant vers le violet foncé, comme celle du raisin noir (figure ci-contre).
    Par ailleurs l'ampélite était autrefois utilisée pour traiter la vigne (elle était censée écarter les chenilles et les vers au début du bourgeonnement, effet attribué à la pyrite qu'elle contient). En effet la "théorie des signatures", communément admise de l'Antiquité à la Renaissance, voulait que la caractéristique d'une plante ou d'une roche (ici la couleur vineuse) soit l'indice (la "signature") d'une propriété bienfaisante dans un domaine présentant une caractéristique analogue (ici
le raisin et le vin). C'est ainsi que les extraits salicylés de Saule ou de Reine des prés (ou spirée), dont l'acide acétyl-salicylique (d'où a dérivé l'Aspirine), qui poussent dans des lieux humides étaientt censés (ce qui, par chance, s'est avéré exact) traiter les rhumatismes réputés être favorisés par l'humidité . De même ce qui était rouge était réputé bon pour le sang, etc..

    Il s'agit d'une variété de schiste (certains lui donnent le nom de "schistes ampéliteux", ou de "schistes noirs"), résultant du métamorphisme (modéré), par enfouissement, sous forte pression et haute température, lors de la surrection de la chaîne de montagne hercynienne (vers -350 à -300 millions d'années [Ma]), de sédiments argileux à grains fins(des "pélites"), déposés dans une mer calme, chaude, peu profonde, riches en organismes vivants, au Silurien (il y a 444 à 416 Ma). Ces sédiments contenaient donc des matières organiques marines (essentiellement du plancton) qui, en raison d'un milieu confiné pauvre en oxygène (dit "réducteur"), se sont par la suite conservées.
    Sa texture, schistosée et plus ou mouins plissée, simule une stratification parce qu'elle est constituée par de multiples plaquettes plus ou moins associées à des plis, posées à plat, notamment dans le cirque de Barrosa, sur la couverture de calcaire crétacé du "socle" (figure 1). Cette texture schistosée et plissée est parfois désordonnée, bouleversée par le cisaillement dû au charriage de la nappe de Gavarnie dont il constitue la base (la "semelle").

                            
   Figure 1 : bloc d'ampélite prélevé sous la tour de Lieussaube dans le cirque de Troumouse.

    Outre les silicates (surtout des phyllosilicates), propres aux schistes, sa composition est la suivante :
   - pyrite (ou "pyrite de soufre", = sulfure de fer, FeS2) en grains fins, ou en nodules, dont l'altération se traduit par des taches de couleur rouille ;
   - matière organique, donc du carbone, en forte proportion , principalement (dans les gîtes d'ampélite dits amorphes : jusqu'à 60% de graphite ; il existe d'autres gîtes d'ampélite : lamellaires, cristallins, plus rares)) sous forme de petites particules de graphite (on parle de "schistes graphiteux", quand il est abondant) qui lui donnent sa couleur noirâtre (on parle aussi de "schistes noirs") (note 1).
    De la décomposition de l'ampélite on peut tirer l'alun, sulfate double d'aluminium et de potassium (d'où le nom de"schistes alunifères").
    L'ampélite peut aussi contenir du calcaire, sous forme de bancs, ou de lits fins, ou plus souvent de gros nodules (dont la dissolution laisse parfois des trous dans la roche), et aussi des lits de quartz.
    On y trouve des fossiles d'animaux marins, préservés par une mince pellicule charbonneuse, les Graptolites (ou Graptolithes ; dessinant des lignes, droites ou courbes, simples ou composées, parfois crénelées), permettant de dater cette roche du Silurien (le plus souvent), soit en gros -450 à -400 millions d'années.

                                                                                                              **

    La présence du GRAPHITE dans l'ampélite explique sa couleur noirâtre. Celle-ci est peut-être à l'origine du nom que les espagnols donnent au chemin des mines : "camino de Las Pardas", tout le long duquel on cotoie la base de la sombre falaise d'ampélite.
    
   Mais à lui seul le graphite explique beaucoup des autres constatations qu'on peut faire concernant l'ampélite, et qui découlent de sa structure à l'échelle atomique.

   Celle-ci (figure 3, schéma 1) consiste en effet en un empilement de feuillets constitués d'atomes de carbone organisés en un plan dont l'épaisseur est celle d'un atome de carbone (on parle de plan monoatomique) et où les atomes de carbone sont arrangés en "nids d'abeilles" (structure hexagonale). Un tel feuillet isolé est appelé "graphène". Il a des propriétés très particulières par rapport à celles du graphite (note 3)
  
    
Dans ces plans les atomes de carbone sont très fortement liés entre eux, mais les feuillets ne sont liés entre eux que faiblement et peuvent facilement glisser les uns sur les autres : tout est là.  C'est ce qui explique en effet la friabilité du graphite (d'où son utilisation pour écrire) et son pouvoir lubrifiant (d'où son utilisation pour augmenter celui de l'huile) (figure 2).


  Figure 2 : utilisations du graphite  
  - mine pour crayon (mettant à profit sa friabilité),  
  -
huile pour moteur (mettant à profit son pouvoir lubrifiant ; le graphite supporte les hautes températures, son point de fusion étant élevé).

  

  Figure 3 : Schémas montrant :
 
 1) la structure du graphite,
 
  2) le processus de chevauchement, dans lequel intervient l'ampélite : clivage (décollement) et glissement d'une nappe,

  3) la structure géologique de la falaise nord du cirque de Barrosa,
 
  4) la place de l'ampélite dans le cirque de Barrosa, à la base de la nappe de charriage de Gavarnie.



    Ces propriétés du graphite, friabilité et pouvoir lubrifiant, sont aussi des propriétés de l'ampélite. Il est logique de penser que cela est lié au fait que l'ampélite contient beauccoup de GRAPHITE.
   En effet les constatations sont les suivantes


   *  la faible résistance mécanique de l'ampélite, donc sa faible dureté et son délitement facile. Cette friabilité (faible résistance à la friction) de l'ampélite explique les reliefs émoussés de la région du port de Barroude (du port lui-même et du Soum de Barroude), et le fait que l'ampélite tombe parfois en poussière sur le chemin des mines (figure 4) ;
  
 Figure 4 : montage de photos montrant :
  -
en haut, l'ensemble de la falaise nord du cirque (où le tracé du chemin des mines est repéré, entre le "dôme" à gauche et le port de Barroude à droite, par la limite inférieure de la couche d'ampélite, et le liseré blanc de calcaire crétacé de la couverture du socle.
  Au-dessus, les roches dévoniennes : calacire blanc de la "dalle", et schistes marrons sommitaux de la "formation de Bouneu"
(voir ci-dessous une autre photo : figure 5);

  -
en bas et à gauche, un passage du chemin des mines sur l'assise de calcaire crétacé, à la base de la falaise d'ampélite, qui le couvre de ses débris ;
   
  -
en bas et à droite, le port de Barroude et son relief émoussé, dans la couche d'ampélite.


   *  le noircissement des doigts au contact de l'ampélite, de la même façon que le glissement de la mine du crayon (graphite artificiel) sur la feuille de papier, y laisse une trace noire faite de particules de graphite.(le mot graphite vient du grec graphein, écrire ; on l'appelle aussi "plombagine", ou "mine de plomb"). D'ailleurs les charpentiers, qui l'appelaient la "pierre noire", ou le "crayon noir", utilisaient des blocs d'ampélite pour tirer des traits sur le bois. L'ampélite a aussi été utilisée pour noircir les sourcils ou les cheveux ;
   
    la situation de la couche d'ampélite juste au-dessus du plan de chevauchement de la nappe de charriage. Elle constitue en effet pour celle-ci une semelle d'épaisseur variable (jusqu'à 100 m.), voire discontinue (épaisse au nord du cirque, elle disparaît progressivement au sud), jalonnant son contact de base. Cette semelle repose donc directement sur la couverture du "socle" paléozoïque, qui est le plus souvent une mince (quelques mètres) couche de calcaire crétacé (figure 3), par un contact anormal puisque faisant reposer un terrain ancien sur un autre beaucoup plux récent.
    Ce qui
fait que sur la plus grande partie du parcours du chemin des mines dans le cirque on cotoie, en marchant sur le calcaire crétacé qui forme une corniche naturelle, la base de ce niveau d'ampélite.
    Et
que celui-ci permet, quand on regarde de loin la paroi du cirque, d'y repérer le plan de chevauchement, et donc le tracé du chemin, d'autant plus que s'y ajoute habituellement, juste au-dessous le liseré (vu de loin) de calcaire crétacé.
    Ecrasement et cisaillement ont donné d'ailleurs à la couche d'ampélite une franche texture feuilletée, ou plissée, surtout au voisinage du plan de chevauchement 
(figure 3 , schémas 3 et 4, et figures 4 , 5 et 6)
   
    L'explication de cette situation dans la paroi du cirque est logiquement la suivante.
    La faible liaison des plans de carbone entre eux confère au graphite, outre sa friabilité, un pouvoir lubrifiant, mis à profit lorsqu'on l'ajoute à l'huile pour en augmenter le pouvoir lubrifiant (le graphite est d'ailleurs à rapprocher du talc, qui est lui aussi un "phyllosilicate" (du grec phulos, feuillet) dont les feuillets, également peu liés entre eux, sont constitués de tétraèdres de silice [un atome de silice entouré de 4 atomes d'oxygène]).
   
    Or les chevauchements, dont l'empilement par le bas (on parle d'écaillage ; cliquer ici pour en voir un schéma) crée, en épaississant la croûte, la surrection d'une chaîne de montagne par collision continentale, impliquent un clivage (ou décollement) initial entre la future masse (ou unité) chevauchante et le "socle" sous-jacent (figure 3, schéma 2) Ce clivage se produit de préférence dans une couche de terrain de faible résistance. Celle-ci est souvent une couche d'ampélite, dont la partie qui fait corps avec la nappe chevauchante, et jalonne sa base, va ensuite favoriser son glissement, du fait de son pouvoir lubrifiant, ce qui fait parler de "COUCHE- SAVON" (on pourrait d'ailleurs aussi bien parler de "couche-graphite", si le pouvoir lubrifiant du graphite était aussi évident que celui du savon).
   
    C'est le cas de façon exemplaire dans le cirque de Barrosa, qui est une "coupe" dans l'un des chevauchements à l'origine des Pyrénées (figure 3, schemas 3 et 4).

   VOIR AUSSI :
       * Une page consacrée à la formation des montagnes en général
et des Pyrénées en particulier
       *
un schéma de la structure géologique du cirque de Barrosa)
 

         
   Figure 5 : PHOTO (avec calque), vers le nord, mettant bien en évidence la couche d'ampélite et ses rapports avec le socle sous-jacent, sur lequel le liseré blanc de la couche de calcaire crétacé (sa couverture qui est le support du chemin des mines, ou "camino Barrosa") est bien visible.
  Elle situe le port de Barroude vers lequel monte le chemin des mines, et derrière lui le cirque de Barroude voisin.
 

                            
    
Figure 6 : dans la falaise nord du cirque, vue de près sur la base de la couche d'ampélite (Silurien : 450 à 400 Ma environ), qui repose par un "contact anormal" sur la lame de calcaire qui couvre le "socle", beaucoup plus récente qu'elle (Crétacé supérieur : 75 Ma environ).   
   Ce contact est aussi le plan de chevauchement sur lequel l'ampélite, à la base de la nappe de charriage de Gavarnie, a,
en tant que "couche-savon", favorisé son glissement sur le calcaire, (parfois en le laminant), d'une dizaine de km du nord (à droite) vers le sud.
   Sur ce calcaire laminé une flèche à la peinture rouge balise le chemin des mines,
aménagé sur (parfois dans) le calcaire, ici au début de la corniche nord quand on vient du sud, sous une cascade

                                      *
    Ce rôle de couche-savon est parfois
joué, ailleurs, par d'AUTRES ROCHES , différentes de l'ampélite, mais où l'on retrouve le plus souvent sa structure en feuillets faiblement liés entre eux (ou au moins une faible consistance, une friabilité) :
  
  
-  le GRES ROUGE : il contient des minéraux argileux, qui sont des phyllosilicates, où les feuillets sont constitués le plus souvent de 2 couches de tétraèdres, enserrant des ions) ; il y en a d'ailleurs dans le cirque de Barrosa (figure 1, schéma 4) au-dessous du plan de chevauchement, en couverture du "socle" ; et aussi dans le massif du Cotiella où une couche de grès rouge a facilité le chevauchemnt d'une nappe de calcaire sur une autre plus récente (voir le paragaphe "un peu de géologie" dans une une page consacrée au Cotiella dans le site du club de montagne "Les Cadets de Toulouse").
   A noter que le talc, phyllosilicate dont la structure est voisine, est très friable et a un pouvoir lubrifiant encore plus important ;

   -  les MARNES : qui sont un mélange de calcaire et d'argile ;

   - les ÉVAPORITES (principalement le sel et le gypse) qui sont des dépôts de roches sédimentaires résultant de l'évaporation de mers ou de lagunes en climat tropical, datant le plus souvent du Trias supérieur (au début de la période mésozoÏque, il y a un plus que 200 Ma).
     

       
* 
le SEL (c'est-à-dire le sel gemme, ou halite, soit du chlorure de sodium), a un rôle de couche-savon dans certaines
parties des Pyrénées, au sud des Pyrénées centrales, ou dans leurs prolongements à l'ouest ou à l'est (pays basque, Corbières, Languedoc, Provence), ou même, d'une façon étonnante, qui justifie qu'on s'y attarde, dans le Jura (figure ci-dessous).

        

  Figure 7 : carte schématique du Jura et coupe schématique de sa partie occidentale, d'après (de même que le commentair eci-dessous) le très riche site web "La géologie le long du Tour dr France 2023", qui est une aide au commentaire géologique réalisée par Patrick de Wever avec la collaboration de Pierre Thomas ( https://planet-terre.ens-lyon.fr/veille/breves/geologie-TdF2023 ) ; voir les pages 119 à 134,

   
Le Jura, constitué d'une mince couche de calcaire sédimentaire, avec quelques plis-failles et des plateaux, datant du Jurassique (200 à 150 millions d'années [Ma]; pour encomprendre la formation voir à la page formpyr1, dans la note 2, la figure b) se déplace en masse, du sud-est vers le nord-ouest, tout en se déformant (sa partie centrale allant plus vite que ses côtés : d'où une forme en croissant sur une carte géologique) ; on peut dire qu'il"coule", un peu comme les glaciers). Il glisse en fait sur une couche de sel (dont témoigne la toponymie : Salins, Lons-le-Saunier), déposé sur le socle primaire hercynien au Trias supérieur (un peu plus de 200 Ma). Cette couche de sel, du fait de la grande plasticité de celui-ci (= faible viscosité) joue le rôle de couche-savon,
   Ce lent
glissement (1 mm par an, soit 1km par Ma), lié à une légère déclivité (0,5 à 1%) du socle (un peu soulevé dans la partie sud-est par la surrection des Alpes), a commencé il y a 11 Ma (3 pour ses parties les plus importantes) et a atteint les 25 km (dans sa partie centrale), allant jusqu'a faire déborder la nappe calcaire ancienne (plus de 150 Ma) sur le Tertiaire récent (20 Ma) du fossé d'effondrement de la plaine de Bresse, créant ainsi un contact anormal.

      * le GYPSE , roche qui est un sulfate dihydraté de calcium (formule CaSO4. 2H2O) résultant de l'évaporation de mers ou de lagunes sous climat tropicalpeu solublre, peu dense, friable, plastique, dont les cristaux sont facilement clivables car leurs feuillets, constitués de tétraèdres centrés par un atome de soufre entouré de 4 atomes d'oxygène, sont mal liés par des ions calcium associés à des molécules d'eau (note 4).
     
Par exemple dans les Alpes
le gypse du Trias supérieur joue le rôle de couche-savon pour l'un des principaux chevauchements alpins, celui par lequel la zone briançonnaise (qui appartient au continent apulio-africain, l'Apulie étant un prolongement de l'Afrique), dont le Trias forme la semelle, chevauche vers l'ouest le socle formé par la zone dauphinoise qui, elle, appartinent à l'Europe. Le gypse de cette semelle triasique affleure en particulier dans le flanc nord du col du Galibier.
     On y trouve d'ailleurs des "entonnoirs de dissolution" plus ou moins importants (30 à 100 m de diamètre et de profondeur) liés à la concentration de l'eau dans des dépressions du relief, eau stagnante qui en dissolvant le gypse, creuse et agrandit les dépressions, surtout en haute altitude où l'eau provient de la neige qui y reste longtemps
    
 Autre exemple, dans les Pyrénées : c'est notamment dans les Corbières (entre autres localisations), un peu à l'est de Durban-les-Corbières et du massif du Mouthoumet, que le gypse sert aussi de couche-savon, là aussi pour un chevauchement, celui par lequel la nappe des Corbières, qui appartient à la zone nord-pyrénéenne des Pyrénées, chevauche vers le nord-ouest (avec, à son front, sa semelle de gypse du Trias supérieur, et sur son corps une couche de calcaire jurassique), la zone sous-pyrénéenne.

   -  la SERPENTINE (ou plutôt les serpentines), résultat de l'hydratation de l'olivine. Ell a elle aussi une structure feuilletée, et de ce fait un pouvoir lubrifiant (pouvant par exemple rendre progressif, donc asismique, le déplacement réciproque de deux départements séparés par une faille).

                                                                                                                 *

   En résumé :

   La sombre couche d'ampélite, qui a une forte présence dans le cirque de Barrosa, et qui est bien visible à la base de son étage supérieur (surtout dans la falaise nord du cirque où elle est surmontée par celle, blanchâtre, de calcaire dévonien), est ainsi étroitement liée, par l'intermédiaire du graphite qu'elle contient, avec le processus de chevauchement qui est l'élément structurel essentiel du cirque sur le plan géologique, conditionnant en particulier la corniche qui supporte le chemin des mines.
   De plus sa couleur se retrouve dans le nom du "Camino de Las Pardas".
   
La STRUCTURE ET L'ASPECT D'UN PAYSAGE peuvent donc ici, comme dans d'autres cas (note 2), être mis en rapport avec la structure à l'échelle atomique d'un minéral : le GRAPHITE dans le cirque de Barrosa.

   D'une façon plus générale on pourrait aussi dire que :

   Il y a un lien entre la structure, à l'échelle atomique, du GRAPHITE et la FORMATION DES MONTAGNES (entre l'échelle du nanométre et celle du kilomètre)
  
 En effet la faible liaison entre eux des feuillets monoatomiques donne au graphite sa friabilité et lui confère un pouvoir lubrifiant. En raison de leur richesse en graphite ces caractéristiques se retrouvent à l'échelle de la centaine de mètres dans les couches d'ampélites. C'est ainsi que celles-ci facilitent les chevauchements ou les charriages causés par des forces compresives horizontales, en favorisant le décollement puis le glissement ("couche savon") des unités chevauchantes. Or c'est l'empilement par en bas de plusieurs chevauchements successifs qui entraine un épaississemnt de la croûte terrestre, c'est-à-dire la formation d'une montagne.

                                                                                       *

    VOIR AUSSI, dans le site (partie consacrée à la géologie du cirque de Barrosa) :
  
   
- les pages consacrées à :
          * une
description géologique du chemin des mines
;
          * une description du chemin des mines dans la falaise nord ;
          * la conséquence du charriage sur les roches ;
  
   - et des pages de photos, principalement les suivantes :

  8-10 : Le port de Barroude
  8-4
: La falaise nord (dont une photo de L. Briet)
  8-5 : L'extrémité sud du chemin des mines dans la falaise nord (dont une photo de L. Briet)
  8-6 : Une cascade dans la falaise nord (dont une photo de L. Briet)
  8-11 : L'aménagement du chemin des mines dans la falaise nord
  4-2 : Le calcaire crétacé
  10-15 : La tour de Lieussaube, dans le cirque de Troumouse

                                                                                                           *
  En dehors du cirque de Barrosa, la couche d'ampélite, très discontinue (et d'ailleurs déformée), apparaît, à la base de la nappe de Gavarnie, en plusieurs endroits, dont la figure 6 ci-dessous montre trois exemples.

                       
   
Figure 8 : la couche d'ampélite, surmontée par la couche de calcaire dévonien clair, est repérable, en particulier,
      
1 - à l'ouest du cirque de Barrosa, en aval du cirque de Troumouse, dans la vallée du gave d'Héas, sur son flanc nord, au-dessus de la chapelle d'Héas ; le plan de chevauchement (à mi-hauteur de l'image), qui la sépare du "socle" constitué de migmatites et de diorite, est net (voir aussi ci-dessous, Figure 8, deux photos élargies du même site)) ;
      
2 - au nord, en aval du balcon de Barroude, dans la vallée de La Géla, sur son flanc ouest, où elle est traversée par le sentier qui relie le balcon de Barroude à la Hourquette de Chermentas ; ici aussi le plan de chevauchement (qui plus au sud affleure la surface du balcon de Barroude) est nettement visible, souligné par la mince couverture de calcaire crétacé du "socle" constitué ici par des schistes cambro-ordoviciens ;
      
3 - à l'est, dans le chaînon qui sépare les vallées de Saux et du Moudang, au nord du port de Bataillance, au pied du pic de Pène Abeillère taillé dans la couche de calcaire dévonien surmontée elle-même par les schistes du pic Garlitz (à gauche) ; ici le plan de chevauchement entre ampélite et schistes cambro-ordoviciens sous jacents (au premier plan) est mal repérable.

 

                           
    Figure 9 : Deux photos du versant nord de la vallée du gave d'Héas, au-dessus de la chapelle d'Héas (voir aussi la page de photos consacrée à la tour de Lieussaube, dans le cirque de Troumouse) :
    
    - 
Photo du haut : vue vers l'aval de la vallée ; on y retrouve sur son flanc nord ensoleillé la couche d'ampélite (en haut à droite de l'image) à la base de la nappe de Gavarnie chevauchant les migmatites (les pentes rocheuses) du socle ; on suit le plan de chevauchement jusqu'à la gauche de la photo.
  La chapelle d'Héas est au-dessous du milieu de l'image.

   En bas à droite : la route de l'auberge du Maillet et du cirque de Troumouse.
   Noter à gauche, sur le plateau herbeux, un cercle de pierres
(voir à ce sujet la page consacrée à la haute vallée du rio Barrosa, note 1, où figurent 3 photos de ce cercle de pierres et du paysage environnant).
  
   -
Photo du bas : vue du flanc droit (nord) de la vallée, depuis le plateau de Coumély (rive gauche) ; la couche d'ampélite (à peu près horizontale, à mi-hauteur de l'image) y est bien visible entre la vallée de l'Aguila à droite (dominée par le pis des Aguilous) et les pâturages de la montagne de Camplong à gauche.

 
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   NOTES :
    1. Les "pompes" (ou puits) à CO2 sont l'océan (notamment à travers la précipitation des carbonates sous forme de calcaire et la photosynthèse. Mais l'altération des roches silicatées en est une autre (moins connue, d'une part parce qu'elle consomme du CO2, d'autre part parce qu'elle permet le stockage de carbone sous forme de graphite stable. En effet, si le carbone contenu dans les roches sous forme de matière organique subit en profondeur des transformations métamorphiques par augmentation de pression et de température pour donner du charbon et du pétrole (fragiles et facilement oxydés lors de leur retour à la surface, libérant ainsi le carbone qu'ils contiennent), l'étude des sédiments de l'Himalaya a montré que du carbone y était présent sous forme de particules de graphite, micrométriques et nanométriques. Or le graphite est une forme très stable du carbone et ces particules (par exemple celles contenues dans l'ampélite) sont, par l'érosion, entrainées sans être détruites (donc sans libérer le carbone) vers l'océan où elles sédimentent et y forment un important réservoir de stockage géologique de carbone. Important parce que ces particules représentent jusqu'à 50 p. 100 du carbone initialement présent dans les roches. (Source : Edouard Kaminski, Le stockage du CO2 dans les chaînes de montagnes, La science au présent 2010, p. 71, d'après un article de G. Valier et al. paru dans la revue Science).
   Dans les sédiments d'une croûte océanique en subduction du graphite peut se former à partir des carbonates dans des conditions de réduction et de basse température ; le graphite, donc du carbone, est ainsi entrainé en profondeur.sans se transformer.
   
    La présence du carbone dans l'ampélite pourrait expliquer que celle-ci puisse brûler dans certaines conditions (voir à ce sujet dans le  site "Moyenne Vilaine et Semnon" un fichier pd f [page 5] de découverte d'un lieu breton dit "Tertre gris" : pour le trouver cliquer sur Sortir et visiter, puis sur Sentiers d'interprétation, puis sur Le tertre gris). En fait la forte liaison des atomes de carbone entre eux et la faible distance qui les sépare (voir la note 3) feraient que le graphite ne brûle qu'à une température supérieure à 3000°.
   
 
2. Ce lien entre une structure kilométrique et une structure nanométrique se retrouve ailleurs : c'est le cas, par exemple, dans un autre lieu des Pyrénées, le village de Moncaup (dans le sud de la Haute-Garonne), dont le toponyme (qui signifie "mont chauve") est en relation avec la présence d'un petit massif de lherzolite (voir une page spéciale consacrée à ce village).
    
 
 3. Chaque feuillet isolé constitue un "graphène", c'est-à-dire un cristal à deux dimensions (le seul connu pour le moment, en 2011), fait d'une seule couche d'atomes de carbone, chacun lié à trois autres (la distance entre les atomes de carbone étant de 0,14 nanomètre [nm]), en une disposition hexagonale. Son épaisseur est donc celle d'un atome de carbone, soit 0,07 nm, et sa surface est quasi plane (légèrement bosselée). Le graphite est donc un empilement compact de graphènes faiblement liés entre eux (et distants de 0,34 nm).
   Le prix Nobel de physique 2010 a été décerné à deux chercheurs de l'université de Manchester qui ont obtenu en 2004 un cristal de graphène à partir de cristaux de graphite. Leurs travaux et ceux d'un nombre de plus en plus grand d'équipes de physiciens (dont ceux spécialisée dans les nanotechnologies) ont depuis mis en évidence les stupéfiantes propriétés de ce cristal :
  - très bonne conductivité électrique (sur les 4 électrons de la couche de valence de l'atome de carbone seuls 3 sont immobilisés par les valences avec les autres atomes dans le graphène, l'autre est libre ; les électrons s'y déplacent 130 fois plus vite que dans le silicium, sans dégager de chaleur) ;
  - très bonne conductivité thermique ;
  - grande solidité
grâce à la très forte liaison des atomes de carbone entre eux, grace à la faible distance qui les sépare (résistance à la traction 200 fois supérieure à celle de l'acier à densité égale) ;
   - ainsi que : transparence, légèreté, flexibilité.
   Les physiciens progressent dans la production de grandes surfaces de graphène à un coût raisonnable.
   D'où l'intérêt des industriels pour le graphène : en particulier dans le domaine de la micro- et nano-électronique et de l'informatique (il est plus ou moins semi-conducteur) où il est appelé à remplacer avantageusement le silicium quand le coût pour en produire de grandes surfaces aura diminué. Son utilisation est aussi envisagée pour la fabrication d'écrans plats tactiles, de panneaux lumineux, de détecteurs, de capteurs solaires, etc..
   Le graphène a également un grand intérêt dans le domaine de la physique quantique.
   (pour en savoir plus sur le graphène consulter le site d'information scientifique gratuit du CNRS mis en ligne début 2014, rubrique matière : cliquer ici)

   4. On trouve parfois, notamment dans les Alpes, à la base de nappes de charriage, une roche particulière appelée "cargneule", vacuolaire, faite d'un conglomérat de fragments de dolomie et de calcaire associés à du gypse. Elle n'est pas sans intérêt dans l'optique de la formation des montagne. Sa génèse serait la suivante : lors de la formation de la montagne des bancs de dolomie auraient subi une fracturation hydraulique par action de l'eau, sous la forte pression liée au poids des roches, eau dont l'abondance s'explique par la porosité naturelle de la dolomie et provient surtout de la déshydratation du gypse souvent souvent associé aux dolomies du Trias. Cette fracturation crée une bouillie qui diminue la résistance au cisaillemnt et facilite ainsi décollement et glissement des nappes de charriage. Lorsque, plus tard, cette bouillie arrive à l'air libre, l'eau qui l'imprègne dépose du calcaire qui soude les fragments de dolomie. Ces derniers tendent à se dissoudre, à la faveur du sulfate provenant du gypse, d'où les vacuoles de la cargneule. (source : site web : membres.multimania.fr/stephanerevel/cargneule.htm)

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   Page mise à jour le 21 janvier 2024