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de photos : 1-1
Aquarelle et dessin de Franz Schrader
Du cirque de Barrosa il existe trois illustrations de Franz Schrader, réalisées le 12 août 1877 lors de sa découverte du cirque (voir la page consacrée à cette découverte) : une aquarelle, une gravure sur bois, et une (mauvaise ) photographie.
Le
12 août 1877 Franz Schrader découvre le cirque de Barrosa (voir
la page Schrader).
Remontant la vallée du rio Barrosa il s'arrête avant d'avoir
atteint le fond du cirque, et peint sur place cette aquarelle.
On y voit au milieu le pic de Robiñera;
et à droite le pic de La Munia.
Ses dimensions sont :15 x 24 cm. Elle est reproduite
:
- au frontispice du livre (publié sous les auspices de
l'Académie de Béarn et avec l'autorisation du Club Alpin Français)
: Franz Schrader, "Pyrénées", tome I, Courses
et ascensions, éditions Privat-Didier, 1936 ;
- et dans le livre : Guy Auriol, Michel Rodes, Hélène
Saule-Sorbé, avec le concours de Jean Ritter, sous la direction de
Hélène Saule-Sorbé, "Franz Schrader 1844-1924.
L'homme des paysages rares", éditions du pin à crochets,
1997, tome 2, chapitre III, p. 267. .
Cette
gravure sur bois a été tirée de l'aquarelle et
d'un dessin d'aprés nature, et peut-être de la photo ci-dessous.
Elle illustre, p.37, l'article de l'Annuaire du Club Alpin Français
de 1877 où Schrader raconte sa découverte du cirque de Barrosa,
et elle est reproduite ici telle qu'elle figure en page 7 dans le livre d'Emile
Belloc "De la vallée d'Aure à Gavarnie par le Nord de
l'Espagne", imprimerie-stéréotypie Garet, Pau, 1902
Elle est également reproduite dans le livre de
Franz Schrader "Pyrénées",
tome I, Courses et ascensions, éditions Privat-Didier, 1936,
p. 171, et dans le livre "Franz
Schrader. L'homme des Paysages rares", sous
la direction de Hélène Saule-Sorbé, éditions du
pin à crochets, 1997,
tome 2, chapitre III, p. 266.
Cette aquarelle et cette gravure ne représentent que
la partie sud du cirque de Barrosa, seule visible de l'endroit où
Franz Schrader s'est arrêté lorsqu'il a découvert le cirque.
Ne s'étant pas avancé jusqu'au fond du cirque il n'a pu découvrir
sa partie nord qui monte vers le port de Barroude, à droite (note
1).
Le
goût qu'avait Franz Schrader pour la cartographie, l'orographie et la
géologie n'empêchait pas, chez ce passionné de montagne,
une grande sensibilité pour tous ses aspects, poétiques, esthétiques
et humains. Ses dons artistiques pour la peinture et le dessin, et son talent
littéraire, se combinaient avec un regard ethnographique (note
2).
Le 12
août 1877 Franz Schrader avait aussi réalisé cette
mauvaise PHOTO du cirque de Barrosa. Elle illustre un article de Henri Béraldi paru dans le Bulletin pyrénéen, n° 112, juin-juillet 1912, p. 441. |
A
gauche : le Docteur
Verdun (photo extraite d'un article consacré à Paul
Verdun, excursionniste photographe,
signé Gabriel Joly, paru dans le n° 20 (décembre 2020) de
la Revue Pyrénéenne, p. 33 à 37).
A
droite : photo
illustrant un article de l'annuaire du CAF, avec la légende : Cirque
de Barrosa : à droite, la Munia et le pic de Troumouse ; à gauche,
le Pic de las Louseras [pic Robiñera] ; c'est une photographie du Dr
Verdun
(voir la page
de photos consacrée
aux aquarelles et dessin de F.Schrader) ; elle a été
prise par lui le 9 août 1902, lors d'une course
de Fabian à Bielsa par le port de Barroude et illustre le récit
qu'il a fait de cette corse paru dans l'Annuaire du Club
Alpin Français 1902, p.223.
On
peut rapprocher ces deux PHOTOS du cirque de Barrosa, l'une de Schrader l'autre
du Dr Verdun.
Elles ont été trés critiquées
par Henri Béraldi, qui parle de "trahison" et proscrit
les "épreuves flasques et les tirages boueux" (dans
Cent ans aux Pyrénées, Librairie des Pyrénées
et de Gascogne, 2003, livre VII, p.268) (note
1).
*
Voici deux photos récentes
(prises le 28 juillet 2003 et le 30 mars 2012) du cirque de Barrosa,
tel que Franz Schrader a pu le voir depuis la haute vallée du rio Barrosa
(note 1)
:
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NOTES
:
1.
Le principal motif de la querelle que Lucien Briet a
cherchée à Franz Schrader (dite "L'AFFAIRE
SCHRADER" ),
portée à la connaissance des pyrénéistes par des
articles de Henri Béraldi et Louis Le Bondidier (dans le Bulletin
Pyrénéen au début des années 1910),
a été une carte au 1/40000 (dite "carte
Colomès") dessinée entre 1877 et 1882 à partir
des travaux de l'ingénieur des Ponts et Chaussées de Tarbes
Colomès de Juillan en vue du creusement d'un tunnel transpyrénéen
dans la région de Gavarnie. Briet accusait Schrader d'avoir repris
cette carte pour élaborer sa propre carte du Mont-perdu à partir
de 1874 : à tort puisque c'est l'inverse qui est vrai, pour la partie
espagnole de la carte, comme l'a minutieusement démontré Le
Bondidier en 1913 (à ce sujet voir, de Lucien Briet, "La
vallée de Ordesa et les gorges du Rio Vero", extraits
de son manuscrit inédit "Superbes Pyrénées [versant
espagnol]" publiés par André Galicia, 1990, p. 73 à
77 ; et dans la revue Pyrénées,
n° 220, 4-2004, p. 369, l'article de Silvio Trevisan, "Lucien Henri
César Briet, entre pinacle, pilori et oubli !")
Mais le cirque de Barrosa tient aussi une petite
place dans cette controverse. Les deux hommes ont échangé des
amabilités à son sujet :
* Lucien Briet
écrit dans "La vallée de Ordesa et les gorges du rio
Vero" (p. 86) : "[...] je suis
contraint d'observer que les dessins de M. Schrader ne sont pas d'une exactitude
scrupuleuse, et qu'ils rendent quelque peu fantastiquement les sites qu'ils
ont l'intention de révéler, surtout lorsqu'ils ont été
faits d'aprés nature. [...] Quant
à son dessin du cirque de Barrosa, il suffit de le comparer à
des photos du même cirque [...] pour le considérer comme une
simple fumisterie. [...] Ce
n'est pourtant pas le photograhe qui est blâmable en cette occasion,
mais bien le dessinateur qui, pour se donner la gloire d'une surprenante découverte,
a abusé de ses crayons. Dans la nature le fantastique existe ; nous
n'avons pas besoin de l'inventer. Le
cirque de Barrosa est d'ailleurs tout autre chose que ce qu'en a dit M. Schrader,
qui, lui, ne l'a aperçu que de loin, alors que j'y ai passé
moi-même une nuit, les 30 et 31 juillet 1897 [voir une page
spéciale, avec récit et photos]. Mon panorama en trois
parties de cet hémicycle [voir une page
de photos qui lui est consacrée] rend de biais le côté
dessiné par M. Schrader, qui n'est au fond que le tiers
de l'ensemble, soit son aile la moins intéressante."
* dans une lettre
condescendante datée du 26 mars 1902 (extrait cité par Claire
Dalzin dans son beau livre "A travers le Haut-Aragon dans les pas
de Lucien Briet, 1902-1911", éditions Cairn, 2007, p. 19)
Schrader écrit: "Je vous remercie pour votre bel envoi
de photographies, et surtout pour le cirque de Barrosa, qui m'a d'autant plus
intéressé que ce n'est pas le cirque de
Barrosa à proprement parler [...]".
Ces bisbilles s'expliquent probablement en partie par le
fait que dans le cirque de Barrosa il y a en fait deux cirques en un.
- d'une part le cirque sud (partie
en réalité la plus importante : les 3/5), dans
l'axe de la haute vallée du rio Barrosa (en aval du cirque), au
sud du "dôme", dominé par le pic de Robiñera.
- d'autre part le cirque nord,
au pied des versants est de La Munia et du pic de Troumouse, plus petit (occupant
à peu prés les 2/5 de l'ensemble du cirque)
; les espagnols lui réservent, semble-t-il, le nom de " Barroseta",
et il est dénommé "cul de Barrosa" sur les cartes
éditées par Prames (c'est la partie en jaune sur la carte
ci-dessous).
Or Schrader et Briet n'ont pas vu le même
cirque.
En effet SCHRADER, lorsqu'il a découvert
le cirque de Barrosa en 1877, sans s'avancer suffisamment dans la haute vallée
du rio Barrosa, n'en a vu que la grande partie sud (qui constitue pour lui
"le cirque de Barrosa à proprement parler"), et non
la petite partie nord, qui ne figure pas nettement sur la vue idéale
dessinée par lui pour les guides Joanne , ni sur les cartes
au 1/100000 qu'il a dressées en 1877 et 1887 (voir
la page consacrée
à cette vue, et à ces cartes dans la remarque n° 2).
< carte du cirque de Barrosa, figurant
les itinéraires de Schrader
(en rouge) et de Briet (en vert),
et les angles sous lesquels ils l'ont vu (en jaune : le "petit cirque
nord " , "Barroseta").
Alors que BRIET, lui, en
1897, abordant le cirque
par le port de Barroude, en a
exploré surtout le "petit cirque nord"
(voir la page consacrée à l'histoire
du chemin des mines).
Bien qu'il en ait parcouru une partie , sous le col de Robiñera, il
n'a eu sur le "cirque sud", comme le montre son panorama photographique
pris au centre du cirque nord, qu'une vue oblique, de profil, ce qui l'a conduit
à en sous-estimer à la fois l'importance et l'intérêt
(note a). Vu du port de Barroude le cirque sud est d'ailleurs
en partie masqué par le "dôme", c'est-à-dire
l'éperon projeté à l'est par La Munia.
Pourtant il avait bien vu qu'il y avait "deux
cirques dans un seul". Il
écrit (dans le récit de sa visite au cirque de Barrosa) : "Sous
le col de Louseras, se remarquait la partie que M. Schrader avait crayonnée
des granges de Barrosa, et ce qui lui avait paru, à cette distance,
le cirque tout entier, n'en était réellement que le tiers [...].
J'aurais voulu planer dans l'espace [...]. Peut-être alors, grâce
à un éperon lancé par La Munia, l'ensemble se fût-il
présenté sous l'aspect de deux amphithéatres conjugués".
Plus tard, en 1902, il reconnaît, dans le récit d'une ascension
de La Munia par le cirque de Troumouse, que La Munia "jette un éperon,
du côté du Barrosa, qui crée "deux cirques dans un
seul" (mais il ajoute, parlant du cirque nord, et faisant sans doute
allusion à Schrader : "le fragment le moins connu, le moins
fréquenté de La Munia -- j'entends par les alpinistes et non
par les chasseurs d'Aragnouet -- celui qu'on serait bien embarrassé
de dessiner en grand avec exactitude sur les cartes. Il s'éloigne tant
des chemins habituels ...").
Par ailleurs Lucien Briet défendait deux choses
: la supériorité de la photographie sur le dessin ou
la peinture pour représenter un paysage (du moins quand on est
trés soucieux, comme il l'était, d'exactitude), et la liberté,
et même le devoir, de critiquer les oeuvres des personnages importants
(comme l'était à ses yeux l'"éminent géographe"
Schrader). Mais on peut penser qu' il allait un peu trop loin dans ce sens
: si on compare soi-même le dessin de Schrader avec des photogaphies
(ci-dessus), notamment
celle du Dr Verdun (qu'il
cite, malgré sa mauvaise qualité),
ou une trés récente en couleurs, on peut trouver le mot "fumisterie"
(engaño en espagnol) exagéré. A
moins qu'il veuille dire par là que le dessin est une "tromperie",
ne représentant pas à ses yeux le véritable cirque de
Barrosa. En tout cas le mot donne une idée de l'animosité installée
entre les deux hommes.
note
a. Un
autre pyrénéiste, le Docteur Verdun, abordant comme lui
le cirque de Barrosa par le port de Barroude, a commis la même erreur.
Il écrit dans un article paru en 1902 : "Le Pic de Barroude
(Barrosa) [...]envoie un épaulement qui s'avance par sa base
très près du soubassement du Pic de Las Louseras (Robiñera),
pour fermer à peu près complètement le cirque à
l'Est et ne laisser qu'un espace rétréci constituant l'entrée
du cirque. Le torrent,
après
avoir coulé dans le cirque du Nord au Sud, décrit une courbe,
franchit la passe et s'engage dans la gorge de Barrosa, qui a une direction
Ouest-Est. Il résulte de cette disposition que le touriste venant de
Bielsa doit pénétrer très haut dans la gorge, presque
jusque dans sa région supérieure, pour apercevoir le cirque
dans toute son étendue."
Haut
de page
2.
Dans
son récit ("Pyrénées", tome I, p. 168),
il décrit longuement le village de Parzan en fête qu'il
traverse en partant pour le cirque de Barrosa le 12 août 1877 :
"Le soleil est éblouissant ; assises sur les portes, ou accoudées
aux fenêtres, les jeunes filles attendent le commencement de la danse
et donnent un dernier regard à leur toilette. Un foulard rouge, gracieudement
noué sur le front et flottant par derrière, un corset bleu ou
noir lacé d'un gros cordon rouge et recouvert en partie d'un fichu
blanc, une jupe noire ou à grands ramages bordée de bleu ou
de rouge vif, voilà le costume des femmes. Quels jolis groupes nous
rencontrons en approchant de la place ; quels bons éclats de rire nous
faisons jeter à ces fillettes qui nous trouvent probablement fort laids
et qui en ont le droit, surtout par comparaison ! Un murmure
lointain s'élève, toutes les figures pétillent
de joie, les jeunes filles se retirent sous les portes, avançant
la tête par-dessus celle des enfants qui restent au premier plan.
Ce sont quatre guitares et un tambour de basque qui s'approchent : entre
deux murailles inondées de soleil, nous voyons passer les musiciens
qui remontent lentement vers nous en contournant les maisons. Ils s'arrêtent
dans un angle de ruelle, à l'ombre d'un pan de mur, graves, immobiles,
sans discontinuer un instant leur musique vive et rythmée. Seul le
tambour de baque se livre, mais sans sourire et avec un sentiment visible
de devoir accompli, à des gambades insensées, pendant lesquelles
l'instrument vibre sur toutes les parties de son corps.
Puis le poète de la troupe improvise une invitation chantée
sur un air absolument indépendant de celui de la danse : "Ne viendrez-vous
pas danser avec nous ? Nous ne savons pas écrire avec des plumes et
du papier, aussi nous chantons. La fête va commencer, nous vous attendons,
il n'y aurait pas de fête sans vous, le soleil ne serait rien sans vous.
Descendez et suivez-nous." D'autres renchérissent au moyen de
la lune et des étoiles, puis la marche reprend et la musique s'éloigne.
Alors les jeunes filles sortent de leurs maisons pour se rendre à la
place [...] "
Le 15 août 1877, trois jours aprés avoir découvert
le cirque de Barrosa, ayant gravi entre-temps le Cotiella, il était
au bal donné à Bielsa ce soir-là, bal dont il
écrit, toujours dans "Pyrénées", tome
I, p.186 :
"Les bals de notre société civilisée peuvent
être plus brillants mais non plus charmants, plus gracieux, plus véritablement
distingués que cette fête de campagne. Je ne songeais qu'à
admirer cette élégance native sans prendre autrement part au
bal, quand l'une des danseuses vint m'adresser une invitation au nom de l'Alcade.
Je ne pouvais refuser sans perdre mon pays de réputation ; j'acceptai
donc, et je pris, avec appréhension d'abord, puis avec un véritable
plaisir, ma première leçon de chorégraphie espagnole."
Au frontispice du tome II du livre "Pyrénées",
figure la reproduction de cette autre aquarelle représentant
une jeune fille de Bielsa, réalisée le 15 août
1877 (ci-dessus).
Par ailleurs voici,
ci-dessous, un exemple du talent littéraire que ce géographe,
cartographe, géologue, ajoutait à ses dons artistiques : il
écrit, parmi d'autres souvenirs, sous le titre "Epictète",
ces quelques lignes, qui contiennent un peu de poésie et un brin de
philosophie ("Pyrénées", tome I, p.325) :
*
Franz
Schrader s'intéressait aussi à la géologie. En
témoignent les remarques qu'il fait dans le récit (Annuaire
du Club Alpin Français [année 1877], 1878) de son excursion,
avec Célestin Passet, dans les "Montagnes de Bielsa", du
10 au 12 août 1877, l'excursion au cours de laquelle il va découvrir
le cirque de Barrosa . Elles portent sur deux roches qui tranchent
sur le calcaire ambiant : le granite (près de Espierba) et le
grès rouge (autour de Bielsa) (voir une carte
géologique de la région).
Le 10 août, ayant gravi La Munia puis le pic
de Las Louseras (Robiñera), il descend par le col de Las Puertas sur
les vastes prairies de l'"Estibette" (probablement La Estiva), où
il passe la nuit dans une cabane, et le lendemain, sans doute après
être monté sur le pic Comodoto, il parcourt vers l'est la sierra
de Espierba jusqu'au "col d'Espierbe" (probablement le col Sarratillons)
d'où il descend sur le village du même nom dans le versant nord
de la vallée de Pineta, à l'approche duquel il remarque,
"accident bien imprévu, un caillou de granit sur
le chemin ; bientôt un second, puis un troisième, puis des blocs
partout, arrondis, roulés, une véritable moraine latérale
de granit [...] sur une chaîne absolument calcaire". Il
se demande "de quel point encore mal connu sont sortis ces cailloux
granitiques". Se refusant à soupçonner le cantonnier
d'Espierba il pense que "les agents-voyers s'appellent torrents, glaciers
ou avalanches".
Il traverse le village de Espierba, descend
à celui de Las Cortes au bord de la Cinca, et après avoir traversé
Javierre arrive à Bielsa, situé au confluent des rios Cinca
et Barrosa sur une belle terrasse glaciaire dont la composition le frappe
: " A droite, vers la Cinca de Pinéde, les blocs qui forment
l'entassement sont presque tous de formation calcaire ; cependant on y rencontre
des échantillons du granit que j'avais remarqué près
d'Espierbe ; à gauche, au contraire, vers le débouché
de la Cinca-Barrosa, tout est granitique et le torrent coule au milieu de
ces beaux blocs arrondis, gris de perle, qui se reconnaîtraient d'une
lieue".
Le lendemain, 12 août, ayant remonté
vers le nord la vallée du rio Barrosa, "à la recherche
du cirque que je croyais avoir aperçu sous mes pieds du haut de La
Munia" il approche le fond du cirque de Barrosa. Son idée
se précise alors : "nous y trouvons, dit-il, l'origine
des cailloux granitiques du versant d'Espierbe. C'est d'ici que tous ces blocs,
gros ou petits, ont été arrachés, puis transportés
par-delà les chaînons transversaux de Barrosa [Liena, en
fait] et de Chisaguës". Il imagine que les glaciers de La
Munia ou de Suelsa, "forcés de s'élever [par l'amoncellement
de la glace] jusqu'au sommet des montagnes, [...] rongaient les
montagnes de Chisaguës jusqu'à la cime,, et transportaient les
débris granitiques de Barrosa jusque dans la vallée de Pinède,
où le grand glacier du Mont-Perdu les reprenait à son tour et
les balayait vers la plaine espagnole".
En fait, à proximité d'Espierba on
est dans l'"autochtone" (opposé à l'"allochtone"
de la nappe de charriage de Gavarnie) : le calcaire crétacé
qu'on y trouve constitue la couverture du socle, donc du pluton de granite
(dit "de Bielsa") qu'il contient, et il est possible que cette couverture
soit ici peu épaisse, et que l'érosion ait creusé une
petite fenêtre laissant affleurer, par endroit, l'origine des "cailloux
de granit".
Autour du village de Bielsa c'est le grès
rouge qui retient son attention. Il remarque à "l'ouverture
de la vallée supérieure de Pinède, étranglée
entre la Punta de Salinas [Montinier ?] et les pentes du Pic del Queço
[Cuezo], [ces] pentes rouges, hérissées de grands
rochers couleur de feu, et formées en grande partie de couches inclinées
de 30° vers le Sud.. Ces couches se prolongent jusqu'aux rives de la Cinca,
supportant Xavierre et la terrasse [glaciaire] de Bielsa. Dès
le premier coup d'oeil, je les reconnus pour les grès permiens que
j'avais déjà remarqués à la Rhune [...].
Mais quelle lacune immense ! Des calcaires crétacés de la Punta
de Salinas, je tombais sur les formations primaires ; toute la période
jurassique [et du Crétacé inférieur] manquait
ou avait disparu. [Je] retrouvai sur la rive gauche les grès
permiens à feuilles rouges, mais brusquement et sans aucune espèce
de transition, le dernier feuillet de grès m'apparut posé sur
la masse de granit qui formait les montagnes septentrionales." Le
matin du 12 août il note : "Nous quittons Bielsa sur un chemin
couleur de vin rouge".
Page de photos mise à jour le
20 mai 2024