Chemin
des mines
Histoire
L'auteur de ce site ignore quand exactement, et par qui,
le chemin des mines, qui a les caractéristiques d'un chemin muletier, a été
aménagé, AMENAGEMENT qui, malgré la mise
à profit de l'existence d'une corniche naturelle dans les falaises liée à
la géologie du cirque, a nécessité des travaux importants (construction de
murettes de soutènement, élargissement de la corniche en certains endroits
à coups d'explosifs) et difficiles à réaliser en raison de l'altitude et surtout
des dangers liés au fait qu'ils se déroulaient en partie dans des falaises
vertigineuses.
C'est vraisemblablement au XIXe siècle, peut-être vers le milieu
ou
la fin de celui-ci , époque où
la prospection et l'exploitation minières prenaient leur essor du fait des
progrés de l'industrialisation, que cet aménagement a été
réalisé.
Cependant
ce chemin est peut-être plus ancien. Dans la légende d'une
photo de son site Patrice Bonnefoy (n° 10 dans la liste des liens)
parle d'une "ancienne route commerciale utilisée jusqu'au
XIIIe ou XIVe siècle [...] permettant les échanges entre
les paysans des deux vallées". A noter qu'aux mines de la Mail de Bulard, en Ariège, au début du XXe siècle, l'accés s'est fait un temps par une corniche analogue, d'environ 500 m de long, dans une falaise. Des accidents ont eu lieu ; en fait peu nombreux, mais ayant contibué à l'attribution du surnom de "mangeuse d'hommes" à cette mine. Dans les Carnets de Jean Arlaud, sur une carte du cirque de Troumouse (dessinée par lui pour illustrée une course du 11-9-1921,elle déborde sur celui de Barrosa : voir ci-contre), tome I, p.165, on voit sur le tireté figurant le chemin, la mention "Ancienne voie du Decauille" (sans doute pour Ancienne voie Decauville) : y avait-il une petite voie ferrée sur une partie de la corniche? |
*
Cet aménagement à grands frais est à mettre en relation
avec l'EXPLOITATION DES MINES DE PLOMB ARGENTIFERE
DU PIC LIENA, dans une première phase, antérieure
à celle qui a commencé en 1912, et a été facilitée
par l'installation de câbles aériens. On peut raisonnablement
supposer (comme l'a fait dans d'autres pages l'auteur de ce site), sans pouvoir
l'affirmer, que le "chemin des mines" a été réalisé en vue du transport
du minerai à travers le cirque de Barrosa, vers la vallée française
de La Géla, à dos de mulet, ce d'autant plus que dans cette vallée
il était relayé, pour le franchissement de barres rocheuses, par un câble
transporteur aérien, et qu'il y passait par une laverie, à proximité d'un
torrent, où le minerai pouvait être débarassé de sa partie stérile, tandis
qu'une deuxième branche était proche de l'actuel chemin du refuge
deBarroude.
Cependant on ne peut pas exclure que la raison d'être de ce chemin
ait été simplement de faciliter le déplacement, entre la France et les
mines, des personnes qui y travaillaient (concessionnaires, ingénieurs,
ouvriers) pour leur prospection et leur exploitation, et le transport du matériel
que celles-ci impliquaient. Déplacement des personnes qui se faisait à l'époque,
pour certaines, à cheval, ou même en chaise à porteurs : "vers 1880
un ingénieur travaillant pour le compte du propriétaire des mines circule
tous les jours entre St-Lary où il réside et l'Espagne, sur des chemins qu'il
a fait aménager, en chaise à porteurs ", selon la thèse d'histoire de
Claude Dubois, " L'industrie minière du zinc en France, mi XIXe siècle
à mi XXe siècle ", Paris, 2004).
*
D'autre part, une fois aménagé, le chemin a pu être utilisé,
parallélement et postérieurement à sa destination minière, comme CHEMIN
TRANSFRONTALIER, par les populations de la vallée de Bielsa
et de la vallée d'Aure, en concurrence avec le Port Vieux et le port de Bielsa,
pour se rendre en France ou en Espagne, à pied, à dos de mulet ou même à cheval
(voir ci-dessous la citation d'un récit des frères Cadier).
Lithographies de Gavarni
:
- à gauche
: détail d'une lithographie (Chapelle de Pène Taillade, vallée
d'Aure [Cadéac]) extraite de l'album Souvenir
des Pyrénées ;
- à droite : planche représentant un contrebandier,
extraite de l'album Montagnards des Pyrénées Françaises
et Espagnoles, 1829 (remarquer, à terre, le grand chapeau, et des
crampons)
Jusqu'au début du XXe siècle, en raison
de la difficulté de franchir le redoutable Paso de Las Devotas,
les relations ont été, pour les habitants de ces
hautes vallées aragonaises (plus peuplées qu'aujourd'hui, comme on
peut le voir par exemple dans la vallée de Chisagües, au nombre des granges
et des anciennes terrasses de culture), plus étroites avec les vallées
d'Aure et "de Barèges" (le pays Toy, accessible par le port
de La Canau) qu'avec la lointaine vallée de l'Ebre, car plus faciles d'accés
malgré l'altitude des cols frontaliers.
La haute vallée d'Aure, était elle-même
dans le passé plus tournée vers l'Espagne que vers la France,
comme en témoigent deux détails : le nom Aragnouet viendrait
pour certains de Aragonet, "petit Aragon", et il existait
sur la route de la vallée d'Aure, à hauteur de Tramezaygues,
une porte métallique appelée "porte d'Espagne"(note
1).
Surtout, les Pyrénées
sont asymétriques sur le plan du climat : humide et froid sur le versant
nord, sec et chaud sur le versant sud. Ce qui implique un pastoralisme, une
agriculture et un artisanat différents, mais complémentaires
: notamment production de vin, huile, sel, laine, fruits, au sud, de textiles,
objets artisanaux, lin, mulets au nord. D'où l'intérêt
d' échanges permanents entre les deux versants pour améliorer
le sort des populations de vallées qui, par ailleurs, jouissaient d'une
relative autonomie, surtout du côté français, par rapport
au pouvoir royal et seigneurial. Les "lies et passeries"
(mots anciens qu'on peut traduire, en gardant leur étymologie, par
"alliances et pactes"), discutées par des assemblées
locales associant français et espagnols, étaient d'ailleurs
destinées à assurer cette permanence dans un climat de paix.
(pour en savoir plus à ce sujet voir la page consacrée
au port de Plan).
< Chromolithographie
de Pierre Gorse, extraite de l'album Les
Pyrénées monumentales et pittoresques, représentant
des marchands de raisins espagnols.
Entre la vallée d'Aure et celle du rio Cinca ces échanges
se faisaient surtout par le port de Bielsa et le port Vieux,
mais aussi par le port de Barroude en passant par l'Hôpital de
Parzan et le fond du cirque de Barrosa. Ces trois ports (le port de Barroude
sous le nom de "Port de Birousse") figurent sur la carte de Roussel
commandée par le Régent (dressée entre 1716 et 1719,
sa première édition est parue en 1730), pour mieux connaître
les "cols, passages et ports qui vont de France en Espagne traversant
les Pyrénées". Les chemins qui les empruntent convergent
côté français vers l'"Hôpital de Chaubère"
(attenant à la chapelle des Templiers) et côté français
sur l'"Hôpital de Parzan" (ou de "Bielsa")
(voir la page consacrée
à la carte de Roussel).
Mais pour atteindre le port de Barroude, les habitants
de Bielsa, et surtout ceux de Chisagües, de Parzan, et de Espierba, pouvaient,
par la vallée du rio Real ou par le col des Sarratillons, gagner le plateau
de Liena et de là traverser le cirque de Barrosa par le chemin des mines,
sans perdre d'altitude, et descendre ensuite dans la vallée de La Géla par
le chemin actuel.
Il était aussi emprunté par des bergers
amenant leurs troupeaux paître les pâturages du cirque de Barrosa ou du versant
français
plus humide, dans la vallée de La Géla. C'est d'ailleurs le
cas encore aujourd'hui, malgré le mauvais état du chemin : quand
on parcourt la corniche sud on trouve, à un endroit où elle
s'élargit sous un surplomb de la falaise, une plateforme où
manifestement se rassemblent des moutons, dont par ailleurs on trouve des
traces le long du chemin
(voir aussi ci-dessous un paragraphe
consacré aux frères Ravier).
Le chemin était aussi probablement emprunté par des contrebandiers
. C'est un passage transfrontalier plus discret que les ports voisins.
Ci-dessous : gravure de Gustave Doré,
1876 : Contrebandiers espagnols sur un sentier ardu
Sous le port de Barroude, à l'extrémité de la corniche nord, une
construction dont les ruines, presque arasées, sont maintenant à peine
visibles, était appelée, dans les écrits de certains,
"cabane des douaniers" (voir une page de PHOTOS en cliquant sur
la vignette ci-dessus, et, ci-dessous, des citations de pyrénéistes).
Ce qui permet de supposer que ce port frontalier a été à
un moment donné très fréquenté.
Ce chemin aurait aussi été emprunté,
en concurrence avec celui du port de Bielsa,.et surtout celui du Port Vieux,
pendant la guerre d'Espagne, lors de l'épisode de résistance
à l'avancée franquiste dit "Bolsa de Bielsa", par
les populations civiles au mois d'avril1938, puis par des militaires républicains
espagnols au mois de juin, pour se réfugier en France ).
Vers les années 1950 des habitants de la vallée
d'Aure passaient le port de Barroude pour aller chasser l'isard sous le col
de Robiñera en empruntant le chemin des mines sur la corniche de la
falaise nord.
Pour
en savoir plus :
- sur les rapports historiques entre les habitants des
vallées françaises et aragonaises : voir la page consacrée
au port
de Plan , et surtout celle consacrée
à l'histoire
du chemin qui passe par ce port à une
dizaine de km à l'est du cirque de Barrosa ;
- voir la page consacrée à la "Bolsa
de Bielsa", et la page de photos
de l'exode auquel elle a donné lieu.
Haut
de page
AUTOUR DE 1900, DES
PYRENEISTES FRANCAIS, explorant les Pyrénées, souvent accompagnés
de guides ou de porteurs locaux capables de les informer, ont (voir
la page qui lui est consacrée)
visité le cirque de Barrosa, encore " mystérieux ", et vu, croisé ou même
parfois parcouru en partie (comme Lucien Briet), le chemin des mines, sans
doute alors en bien meilleur état qu'aujourd'hui.
En 1878 Henry Russell
voit le cirque du sommet du pic Robiñera. En 1874, il avait,
venant de Héas par les Hourquettes de Héas et de Chermentas,
traversé le balcon de Barroude pour monter au pic de Barrosa mais
il "laisse à droite le port de Barroude et son petit
sentier" ; il ne parle pas de chemin des mines, à moins que
ce "petit sentier" ait été le chemin des mines
? : impossible de l'affirmer). Franz Schrader
découvre le cirque en 1877, et Emile Belloc
le visite en 1879 après avoir remonté la vallée du rio
Barrosa, mais ils ne parlent pas non plus de chemin des mines (voir la
page consacrée à Schrader).
En revanche d'autres en parlent dans leurs récits, en particulier
:
* Bertrand
de LASSUS (1868-1909)
Le 6 septembre 1892, venant de la Hourquette
de Chermentas, il contourne le pic de La Géla et (cité dans
l'ouvrage de Jean Ritter, Le pyrénéisme avec Henry Russell
et Bertrand de Lassus, p. 216-217) :
"J'arrive ainsi bientôt en dessous du pic Gerbats
qui me sépare de la région de Troumouse. Je me jette ensuite
dans l'ancien chemin muletier des mines espagnoles de
Ruego [versant français] que je suis et qui me
fait passer successivement en dessous des pics de Serre-Mourène [en
fait Heïd ?] et de Troumouse qui, par leurs parois lisses et verticales
qui se reflètent dans un joli lac d'où émergent ça
et là des rochers couverts de mousses, forment un tableau à
la fois pittoresque et terrifiant. Ce sont peut-être les plus beaux
et les plus grands précipices des Pyrénées que ceux qui
dominent cette région des lacs de Barroude [...].
Repos au col de Barroude qui sépare la haute vallée
de La Géla d'avec la gorge espagnole de Barroude [...]. Je descends
ensuite d'une dizaine de mètres [en fait un peu plus] sur le
versant espagnol du col et je vais installer mon campement dans une ancienne
baraque en planches à moitié démolie, reste
de l'exploitation des mines de Ruego. Bonne source à côté
[voir une photo].
En face de moi s'ouvre le petit cirque désolé de Barroude [Barrosa]
terminant une gorge étroite qui mène à Parsan [...].
A l'ouest le sombre massif des pics de Troumouse et de La Munia. A l'OSO,
le pic de Las Lozeras [Robiñera]. A noter le curieux
chemin taillé presque à pic dans les parois et qui conduisait
jadis aux mines.
Installation du campement. Mes hommes allument un grand
feu dans un des coins de la baraque et ne tardent pas à mettre le feu
à la baraque elle-même. Nous l'éteignons rapidement grâce
au voisinage de l'eau et faisons vite avec nos piolets la part de l'incendie".
< Détail
d'une lithographie de Sorrieu, illustrant Ascension
au Vignemale par le Prince de la Moskowa, 1842
Haut de page
*
Lucien BRIET
(1860-1921)
Le pyrénéiste photographe
originaire de Charly-sur-Marne,
avait découvert, émerveillé, le cirque de Gavarnie, Ordesa
et le Mont-Perdu dans les années 1889-1891
Plus tard, entre 1902 et 1911, il va tous les étés
parcourir le haut Aragon, entre les
rios Cinca et Gallego, photographiant ses sites, ses villages et ses habitants,
se faisant ainsi connaitre, par
ses photos et ses écrits, des espagnols,
et gagner leur estime et leur amitié.
Mais entre 1892 et 1902, basé à Gavarnie
puis à Gèdre, il explore le chaînon qui va du pic Long
à La Munia (notamment le cirque de Troumouse en 1902). Inspiré
par les écrits de Russell et Schrader et attiré par le "mystérieux
cirque de Barrosa", il réalise, les 29, 30 et 31 juillet 1897,
une randonnée
au départ de Héas, en circuit autour de
La Munia (plan ci-contre ; cliquer dessus pour ouvrir une carte
détaillée de ce circuit tel qu'on peut le réaliser aujourd'hui
en couchant au refuge de Barroude au lieu des cabanes de La Géla).
Il est accompagné d'un guide et d'un porteur (chargé de son
énorme et lourd appareil photo fonctionnant avec des plaques de verre
d'un format de 18 sur 24 cm). Venant de la vallée de La Géla
il va le 2e jour traverser la partie nord du cirque en empruntant,
ainsi équipé, le "chemin de la mine",
qui était alors sans doute en meilleur état qu'aujourd'hui.
Au cours de cette randonnée il prend de nombreuses et splendides
photographies (dont les négatifs et les tirages originaux sont
conservés au Musée pyrénéen deLourdes,
comme ceux de l'ensemble des photos de L.Briet), puis écrit un récit
qui paraîtra dans la revue Explorations pyrénéennes,
Bulletin de la Société Ramond, 1er (p. 23) et 2e trimestre
(p. 71) 1902, sous le titre Autour du Mont Perdu, La Géla et le
cirque de Barrosa.
Cela
justifiait une PAGE SPECIALE (qu'on peut ouvrir
en cliquant sur l'antique appareil photo ci-contre), contenant
des extraits de ce récit, illustrés par des reproductions de
ces photographies, du moins une grande partie de celles prises entre la Hourquette
de Chermentas et le col Robiñera (note
2).
* Le
Docteur VERDUN
Pyrénéiste du CAF, il
aborde le cirque de Barrosa en remontant la haute vallée du rio Barrosa
et écrit dans l'Annuaire
du Club Alpin Français, année 1902 :
"Sur les flancs de
cette paroi, notre guide nous montre les restes d'un
ancien chemin, construit à grands frais pour amener
jusqu'au col de Barroude le minerai prélevé dans les
entrailles du Pic de las Louseras [plus précisement
du pic Liena]. On aperçoit même,
à quelques mètres en contre-bas du port, les ruines
de l'ancienne cantine qui servait de logement aux ouvriers
travaillant dans les mines."
* Les
cinq frères CADIER
Le 16 Août 1902 (note
3),
au cours d'une traversée des Pyrénées de l'Aneto à La Munia, ils gravissent
(probablement par l'itinéraire 4a) la
partie centrale du cirque de Barrosa ("cette merveille", disent-ils).
Livre "Au pays des isards",
édité par les Amis du livre
pyrénéen en 1968 : sa couverture,
et des extraits de la page 60, et de la carte où est tracé l'itinéraire
suivi par les frères Cadier en 1902.
A noter le mot "Ruines" au bord du rio Barrosa : celles de
l'ancien "Hospital" de Parzan.
Aprés le récit de leur approche du cirque et de
la nuit passée au pied de la muraille (voir une note dans la page
consacrée à Schrader),
ils écrivent (dans
"Au pays des isards", les Amis du livre pyrénéen, 1968, p. 60),
aprés la mention d'"une petite terrasse (2400 m ?) encombrée
d'un chaos rocheux", ces lignes surprenantes (encadré
rouge dans l'image ci-dessus) :
"Nous coupons ici un sentier
qui vient du port de Barroude et va, par une ride de stratification, en
corniche vertigineuse, à un autre col
ouvert, au-dessus d'abîmes et à l'E de Las Loseras [pic Robiñera],
sur la vallée de Chisagües. Par cette route originale et hardie nous
voyons s'avancer, rapides, deux femmes et un homme. On nous a dit que des
chevaux y passeraient sans peine".
Ce court texte est important. Si on l'en croit, il témoigne
du fait que le "chemin des mines" était facilement emprunté,
en 1902, par des marcheurs, pour passer de la vallée de Chisaguës,
en Espagne, à la vallée de La Gela, en France, par le port de
Barroude, et que son parcours ne présentait apparemment aucune difficulté,
même pour des cavaliers.
D'ailleurs le bâtiment dont on voit encore les
ruines, pas loin de la
sortie de la corniche de la falaise nord, sous
le port de Barroude, est désigné dans certains écrits
comme étant la "cabane des douaniers".
Aujourd'hui il est difficile d'imaginer des chevaux
dans les falaises du cirque (note
4 ). Mais on peut penser qu'en un siècle
l'érosion a fortement
dégradé le chemin dans ces
falaises, en particulier dans les couloirs d'éboulis. Il en reste cependant
un court secteur presque intact, dans la falaise sud, qui témoigne
de l'état dans lequel il était à l'origine, tout le long
des corniches, à une époque (milieu du XIXe siècle ?)
où il était régulièrement utilisé et entretenu
(voir une page de photos).
EN RESUME,
plusieurs pyrénéistes parlent dans leurs récits de courses,
entre 1892 et 1902, d'un "ancien" chemin qui conduisait
"jadis" à des mines "un moment exploitées"
au pic Liena. Lucien Briet en a même parcouru la partie en corniche
dans la falaise nord du cirque sans signaler d'autres difficultés que
la traversée des cascades. A noter que le docteur Verdun, en 1902,
après avoir parlé de "restes" au sujet
du chemin (déjà) et de "ruine" au sujet
de la cabane des ouvriers, précise, informé par son guide, que
"le chemin avait servi au transport du minerai", probablement
à dos de mulets.
Finalement il semble qu'on puisse situer dans le temps
une ancienne phase d'exploitation des mines du pic Liena, avec utilisation
probable du chemin des mines pour le transport du minerai, vers le milieu
du XIXe siècle, ou un peu plus tard (note
5).
*
Dans
les DERNIERES DECENNIES DU XXe SIECLE
le chemin était très dégradé, notamment dans les couloirs d'éboulis de la
falaise sud du cirque où les murettes de soutènement étaient
effondrées (sauf à un endroit), ou le chemin recouvert par la pierraille,
et dans la falaise nord, où il était effondré, ou encombré d'une
terre herbeuse et déclive. Ce qui rendait son parcours intégral difficile
et périlleux (il semble que des bergers aient toujours emprunté la
partie sud).
Cependant certains pyrénéistes s'y étaient
risqués, comme, en particulier; les
frères Jean et Pierre Ravier, du
port de Barroude au col d'Espluca Ruego, en deux temps : le 4 août 1981
pour la partie nord, avec passages de cascades, et de névés
par en dessous, et le 13 août 1982 pour la partie sud du chemin (en
deux heures), qu'ils trouvent encombré par un troupeau de moutons qui
refusent de céder le passage aux intrus qu'ils étaient (renseignements
aimablement communiqués par les frères Ravier, et article de
Pierre Ravier dans la Revue Pyrénéenne n° 27, sept.
1984, p. 6-13 ; voir dans une page
de photos, celle des frères Ravier).
*
EN 2003 ET 2004 le chemin a été sommairement rénové
par les espagnols, et rendu praticable par des montagnards, dans les falaises
du cirque. Ils n'ont pas remonté les murettes mais ont tracé un étroit sentier
dans les éboulis pentus de la falaise sud et nettoyé la corniche
de la falaise nord. Un câble métallique a été scellé dans le rocher aux endroits
les plus impresssionnants, notamment dans les premières centaines de mètres
à partir du col d'Espluca Ruego.
La traversée du cirque par le
chemin des mines est ainsi redevenue possible (de préférence
en milieu ou fin de saison, quand il n'y a plus de neige), quoique réservée
à des montagnards aguerris, ayant le pied sûr, et familiers du vide. Dans
la vallée de Chisagües, sur le plateau de Liena et à l'Hôpital de Parzan des
panneaux orientent vers le " Camino de Las Pardas" .On peut intégrer
ce parcours dans le circuit indiqué par la carte ci-dessous
(y cliquer pour voir une carte détaillée), dans un sens
ou dans l'autre
(dans la rubrique Courses voir la page pic
Liena).
Sans se lancer dans cette traversée qui reste un peu difficile,
on peut parcourir ou visiter des secteurs du chemin à partir
de trois endroits :
- le plateau de Liena et au col d'Espluca Ruego,
accessibles par la vallée de Chisagües (voir les courses pic
Liena et pic Robiñera)
;
- le " dôme " (le gros éperon, ou épaule,
granitique médian, où on croise le chemin, comme les frères Cadier), sur l'itinéraire
de La Munia par le cirque (voir la course pic
de La Munia). De son sommet on a une vue d'ensemble sur la traversée du
cirque. Sur son flanc sud les vestiges du chemin sont à peine visibles dans
l'herbe mais repérables si on se laisse guider par la géologie. Mais l'accès
direct à cette partie depuis le fond du cirque est plus difficile ;
-
sous le port de Barroude, à l'extrémité nord de la corniche.
NOTES :
1.
Cette étymologie du toponyme
Aragnouet est intéressante. Elle est défendue par l'abbé
érudit François Marsan. Les habitants d'Aragnouet étaient
appelés "les ahouarcats", nom (devenu sobriquet) que leur
donnait le roi d'Aragon Sanche qui poursuivait les Sarrazins chaussé
d'"abarcas", chaussures typiquement aragonaises comportant des courroies
et portées avec des bas de laine (voir le livre Si Aragnouet m'était
conté, des origines à 1939, de Jean-Bernard Vidal, éditions
Cairn, p. 31). Dans le recueil de lithographies de A.-I. Melling, publié
en 1830, l'auteur des textes qui accompagnent ces lithographies, J. Cervini,
appele Aragnouet "Aragonet". L'instituteur qui a rédigé
en 1887 la monographie d'Aragnouet fait de même et donne lui aussi comme
origine du nom "petit Aragon",en invoquant l'indépendance
de l'extrémité de la vallée d'Aure marquée par
l'existence d'une porte métallique à hauteur de Tramezaygues (selon
une monographie du village de Tramezaygues datant également de 1887
"un document de 1177 parle
de la Porte d'Espagne, une porte fortifiée dont les montants et le
cintre en marbre sont encore debouts à 110 mètres d'ici, à
l'entrée de la gorge d'Aragnouet, sur l'ancienne route royale")
et sa proximité avec l'Aragon.
Mais une autreétymologie est retenue (notamment
dans le calendrier Pyrénées, sites botaniques, 2006,
aquarelles d'Hélène Saule-Sorbé, textes de Marcel Saule,
éditions du Pin à Crochets, Pau, et dans les Archives départementales
des Hautes-Pyrénées) : le Prunellier épineux,
qui se dit aranhoet en gascon (aragnou, prunelle, et suffixe
collectif -et qui dérive du suffixe latin -etum), aranyoner
en catalan, arñonero (et son fruit arañon) en
aragonais.. Ce mot aranhoet désigne ainsi un lieu couvert de
buissons épineux de prunelliers. Aragnouet serait ainsi un endroit
où on trouve des prunelles (ou plus largement un lieu couvert de végétation
épineuse). On en trouve effectivement beaucoup entre Aragnouet-village
et Le Plan, sur la rive gauche de la vallée, tout le long du sentier
dit "des Arribes" qui rejoignait les deux villages (voir le livre
de Jean-Bernard Vidal cité plus haut).
Une troisième origine est même avancée :
le mot aran, la "vallée" en basque, associé
à un suffixe diminutif.
(retour
au texte)
2. Ce
trés beau circuit, au
départ d'Héas (voir la carte),
qu'on peut appeler "circuit Lucien Briet",
fait visiter les 3 cirques (Barroude, Barrosa, Troumouse). Il peut
être réalisé en 2 jours en couchant au refuge de Barroude
(voir
la page indiquant les accés
au cirque de Barrosa),
alors
que L. Briet avait couché aux cabanes de La Géla .
On
peut s'y amuser à refaire les photos de Lucien Briet. Le deuxième
jour peut être agrémenté par l'ascension de La Munia
depuis le col Robiñera (voir une page
de photos faisant un compte-rendu en images d'une telle randonnée
réalisée fin juillet 2012).
(retour
au texte)
3.
Pour
leur biographie, voir une page du site : www.pyrénées-team.com
(n° 14 dans les Liens).
Dans la page consacrée
ici à Schrader , voir une
citation de leur récit de la traversée du cirque de Barrosa
entre Parzan et Héas. (retour
au texte)
4.
La PHOTO ci-contre peut aider à imaginer le parcours à
cheval du chemin des mines à travers le cirque. Elle est extraite d'un
western d'Henry Hathaway, "Le jardin du diable" (USA, 1954),
où ce chemin en corniche est censé donner accès, lui
aussi,
à
des mines,
en
l'occurence des mines d'or.
(retour au texte)
5. A noter que l'espagnol Lucas Mallada (cité par Philippe Vivez dans l'article à paraître Argent, plomb et fer dans les vallées de Bielsa et Chistau : chronologie des activités minières et métallurgiques de la protohistoire à nos jours, 2008) parle dans un livre (Description physique et géologique de la province de Huesca, Madrid, 1878) de l'enregistrement, en 1869, de la concession San Evaristo, à Monte Ruego, et dit que "jusqu'en 1870, on [y] avait extrait 3000 quintaux métriques de minerai. Les travaux consistaient en une galerie de 35 m de long, et plusieurs excavations au-dessus et au-dessous".
Mise à jour de la page le 7 septembre 2024