Chemin
des mines
Le port de Plan (note
6)
Dans
cette page nous nous éloignons un peu du cirque de Barrosa, pour
aller, une
dizaine de kms vers l'est, au-delà des vallées
de la Neste de Saux et du Moudang, dans une autre branche sud de la vallée
d'Aure, la vallée de Rioumajou.
Mais nous restons dans le domaine des hôpitaux ou hospices
construits au pied des ports (ici ceux de Rioumajou et de Gistain, au lieu
de celui de l'Hôpital de Parzan), dans le domaine des anciens chemins
transfrontaliers (ici le chemin du port de Plan, au lieu du
chemin des mines et des chemins du port de Barroude et du Port Vieux), et
dans celui des rapports historiques entre la vallée d'Aure et les vallées
du haut Aragon.
CARTE des ports et des chemins entre les vallées d'Aure et du rio Cinca avant la construction des routes, localisant les hospices ou hôpitaux >
VOIR
AUSSI la page consacrée à l'histoire
du port de Plan ;
( vous pouvez consulter cette
page en écoutant "l'hymne du Sobrarbe" ; "Pais
perdido", de la Ronda de Boltaña[MP3,
4 Mb, 4 mn] : pour cela cliquer
ici (on en trouvera les paroles, en espagnol, dans le
site du Sobrarbe
: dans la rubrique Comarca, en haut et à gauche de la page d'accueil,
cliquer sur "Himno de Sobrarbe").
SOMMAIRE
: 1- Géographie et géologie du port de Plan 2- Les vestiges d'un trés ancien chemin 3- Un "chemin de chars" ? 4- Idées de courses passanr par le port de Plan |
1-
GEOGRAPHIE ET GEOLOGIE
Sur
le versant espagnol :
Le chemin, à peine visible, s'appuyant sur
un petit relief rocheux, longe le bord du petit plateau, puis commence, sous
forme d'un sentier peu marqué (mais balisé en blanc et jaune),
sa descente dans les éboulis. On trouve là la ruine d'un petit
bâtiment : peut-être un abri contre les vents d'ouest balayant
le port.
Les lacets du chemin se poursuivent dans la pelouse,
où sa trace se marque par un simple relief pas toujours évident.
Mais où il reprend les proportions d'un "chemin de char",
soit environ 2 m. de large, dimension qu'il va garder jusqu'au rio Cinqueta.
Aprés une portion horizontale et une courte
montée il contourne la large croupe qui descend du Tuquet de Caouarère
(marquée par un gros cairn, et offrant une belle vue sur la vallée
de Chistau), et bascule dans le vallon de La Basa, au pied de la sierra
de Picaruela.
Le chemin y déploie quelques lacets, traverse un
replat herbeux, puis descend, par d'autres lacets, dans les genévriers
(les espagnols ne se sont pas contentés de baliser le chemin mais l'ont
aussi dégagé des genévriers qui l'encombraient), au niveau
d'un autre replat où persistent les ruines de la cabane des Cubridors
(1910 m ; en fait il y en a 2).
La descente se poursuit par d'agréables lacets dans
la forêt, la traversée du plan des carlistes où
la trace du chemin se perd dans un herbe épaisse. Puis, à gauche
(est) de la bosse boisée appelée Las Collas, il retrouve la
forêt, où, confondu provisoirement avec le GR 11 (balises rouge
et blanche), il est recoupé et masqué par les lacets d'une piste
qui se branche sur celle de Viados.
A l'endroit où le chemin quitte cette piste
et retrouve son balisage blanc et jaune, est planté, sur un promontoire
boisé, le petit refuge des Bordas de Licierte (1700 m; accessible
par la piste ; 3 à 5 places seulement, mais on peut camper à
côté).
Ensuite le chemin descend dans des prairies, puis
dans la forêt, et débouche sur une piste à proximité
des ruines de l'Hôpital de Gistain (1510 m) (voir les photos).
Au-dessous il traverse des dalles inclinées
de grés rouge (note
4) pour descendre jusqu'à son embranchement
sur la piste de Viados, juste aprés le pont (pont dit"
de l'hôpital") par lequel cette piste franchit la petite gorge
du rio Cinqueta (1450 m).Un panneau y donne des informations sur le port de
Plan et l'hospital de Gistain (dans
la page
consacrée à l'histoire du port de Plan, voir la photo de la
note 8).
Dans l'ensemble donc, sur
le versant espagnol, le chemin se déroule sur des pentes plus douces
que sur le versant français, le plus souvent herbeuses : il est par
conséquent, tout le long, plus régulier, plus facile et mieux
conservé. .
Haut
de page
On trouve donc encore aujourd'hui,
entre les hospices de Rioumajou et de Gistain, sur une bonne partie du trajet,
surtout sur le versant espagnol du port de Plan, les vestiges d'un chemin
qui avait, ou qui a eu à une certaine époque, les dimensions
d'un "chemin de chars" (ou "chemin charretier"),
soit 2, voire 3, mètres de large. Les espagnols distinguent deux
sortes de chemins : "los caminos de carros" (chemins de chars),
et "los caminos de herraduras" (chemins muletiers : suivies par
des bêtes de somme ferrées). Le chemin du port de Plan (comparable
au chemin du Port Vieux et des mines de La Géla, dans la vallée
de La Géla, par où des attelages de boeufs descendaient le minerai
: voir
la photo de la note 5) appartenait nettement
à la première catégorie, alors que les chemins muletiers
qui desservaient les mines de la région du cirque de Barrosa appartenaient
nettement à la seconde.
A certains endroits ce n'est plus actuellement qu'un simple
sentier. Selon L. Médan c'était encore au début du XXe
siècle un excellent chemin entre l'hospice de Rioumajou et le sommet
du port. Mais on peut penser que depuis qu'il n'est plus fréquenté
ou utilisé (c'est-à-dire à peu prés depuis le
milieu du XXe siècle), donc pas entretenu, ce chemin s'est fortement
dégradé sous l'effet de l'érosion, en partculier
sur le flanc gauche, pentu et schisteux, du vallon de Caouarère. De
plus, dans les pelouses il a été envahi par le gazon, et de
ce fait en partie effacé ou estompé, donc difficile à
repérer.
D'ailleurs il se dégradait souvent dans le passé,
surtout dans les éboulis instables ou dans les pentes raides peu ou
pas boisées, en particulier sur le versant français du port,
plus raide et plus arrosé, victime d'éboulements lors de pluies
torrentielles (en 1839 un violent orage détruit le chemin et une partie
de l'hospice de Rioumajou selon le conseil municipal de St-Lary), ou d'avalanches
(ou du simple fluage de la neige), notamment dans le haut de la forêt
(clairsemée) du vallon de Caouarère. De telles dégradations
rendaient nécessaires un entretien permanent, ce dont étaient
chargés les tenanciers de l'hospice de Rioumajou sur le versant français,
tenus par ailleurs de jalonner le chemin à l'entrée de l'hiver.
Dans son long passé il a dû être ainsi plusieurs fois remanié
et ce n'est évidemment pas les vestiges de la voie romaine (si "voie
romaine" il y a eu) qu'on voit aujourd'hui. Il est cependant probable
que son tracé est resté à peu prés le même.
Ce chemin semble donc avoir été
"carrossable", au moins à un certaine époque. Mais
y faisait-on vraiment passer des "carros", ou d'autres véhicules
à roues ? La question est controversée par les historiens (note
5). En tout cas il était certainement adapté
au passage de bêtes de somme, mulets ou chevaux, même lourdement
chargés, malgré une pente parfois forte, ou des passages peut-être
mal entretenus.
Le port d'Urdiceto,
l'un des autres ports dépendant de l'hospice de Rioumajou, à
l'ouest du port de Plan, entre les pics d'Urdiceto et de l'Espade, est plus
bas de 121 m.(2403 au lieu de 2524 m), et se situe dans l'axe de la vallée.
On peut donc se demander si ce n'était pas par lui que se faisaient
de préférence les passages entre France et Espagne. D'autant
plus que Arlaud de Saint-Saud mentionne, dans un récit d'excursion,
le 10 octobre 1879 (paru dans le Bulletin de la Société
Ramond, 2e trimestre de l'année 1880, pp.79-88, "Le pic d'Arré,de
Castets à Bielsa et à Gavarnie") : "Un excellent
chemin muletier nous conduisit de l'Hospice de Riou-Mayou [...] au Port d'Ordisetou.".
Mais peut-être que ce chemin passait par le plateau du Mommour (voir
ci-dessous).
Mais côté
français (ainsi que côté espagnol entre le port et le
Paso des Caballos), on ne trouve actuellement qu'un sentier, et nulle trace
d'un grand chemin adapté
au passage de bêtes de somme lourdement chargées. D'ailleurs
il n'est pas vraisemblable qu'un tel chemin ait pu être aménagé
dans les fortes pentes que le sentier actuel traverse à mi-chemin du
col au-dessus du ravin du ruisseau de la Plagne. De plus, s'il donne directement
accés à Parzan et Bielsa dans la vallée du rio Barrosa,
l'accés par ce sentier à la vallée du rio Cinqueta passe
par le Paso de los Caballos. Là non plus pas de traces de chemin muletier
sur le versant est de ce col.
Cependant de telles traces existent, semble-t-il,
côté français, juste sous le port d'Urdiceto. Peut-être
empruntait-on d'abord, dans le passé, pour gagner ce port, le chemin
du port de Plan jusqu'au plateau du Mommour pour traverser ensuite celui-ci
d'est en ouest. C'est ainsi que le guide Joanne dans sa 3e édition
(1877) signale, page 202, que pour aller de l'"Hospice de Rioumayou"
au "col d'Ourdissette" "on suit encore pendant 1 h. le chemin
du port du Plan, puis laissant à g. ce sentier et celui du col de Cavarrère
[à l'entrée du plateau de Mommour] on monte à
dr. vers le S.-O. [donc par le plateau]" (voir un extrait
de la carte d'état-major ci-dessous, et aussi une carte de la zone
sud de la vallée de Rioumajou, datant de 1889, dans une page du site
de Jean Prugent sur Le Moudang et Rioumajou)
(note 9). Malgré tout,
dans l'édition de 1883, le guide Joanne conseille, pour aller de France
en Espagne, de passer par Arreau, le Rioumajou, le port de Plan, le village
de Plan (et de là, sans doute pour éviter les défilés
de La Inclusa et de Las Devotas, le port de Sahun, la vallée de l'Esera,
Barbastro).
Par ailleurs le chemin muletier qui desservait la
mine de plomb argentifère exploitée autour de 1875 au-dessus
du lac d'Urdiceto remontait la vallée du barranco d'Urdiceto, depuis
celle du rio Barrosa jusqu'au Paso de los Caballos, et ne passait pas par
le col d'Urdiceto (voir la pages consacrée aux mines
de la région, note 2).
Cependant le sentier emprunté actuellement pour
monter de l'hospice de Rioumajou au port d'Urdiceto l'a sans doute été
dans le passé par des voyageurs à pied peu chargés, ou
des pélerins. En particulier ce port aurait été, autrefois,
un des cols pyrénéens franchis par les chemins de Saint-Jacques
de Compostelle. Il est signalé actuellement comme tel dans la vallée
d'Aure par le Comité Départemental de Randonnée Pédestre
(GR 105) et le Conseil général des Hautes-Pyrénées.
C'est ce qu'indique une plaque posée au port même en 2004 (photo
ci-dessus). L'itinéraire décrit rejoint ensuite le GR 11
au Paso de los Caballos pour descendre dans la vallée de Gistain (voir
à ce sujet trois sites : celui des chemins
de Saint-Jacques , celui des amis
de Saint-jacques en Hautes-Pyrénées, et celui de la voie
du piémont pyrénéen).
(VOIR
AUSSI la page consacrée à l'histoire
du port de Plan)
Haut de page
4-
IDEES DE COURSES PASSANT PAR LE PORT DE PLAN
LA MONTEE
AU PORT DE PLAN depuis l'hospice de Rioumajou (camping,
ou petit refuge sommaire non gardé encore en 2016, photo ci-dessous
prise en juin 2007; voir ci-dessous), par le chemin décrit ci-dessus,
constitue déjà une belle course, sans difficulté (dénivelé
: 964 m.; 3 h. à 3 h. 30).
Elle
présente plusieurs attraits : montée en forêt,
passage sur un promontoire dominant l'hospice, face au pic d'Aret, traversée
d'un vaste plateau pastoral où suivre
dans la pelouse la trace de l'ancien chemin est comme un jeu de piste, et
arrivée à un port caillouteux mais ouvert sur un large panorama.
A propos de l'hospice de Rioumajou
:
* en 2016 il est en cours de rénovation
de façon à devenir en 2017 un véritable refuge de montagne,
en même temps qu'une auberge et un logement pour les bergers.
Il sera doté de 34 lits en chambres et dortoirs.
Il comprendra : 2 salles pour les bergers, une salle de restauration,
une cuisine (déjà complètement rénovée)
permettant de servir jusqu'à 90 repas par jour, des sanitaires, des
locaux techniques.
Il sera donc en mesure d'accueillir les visiteurs 24 heures
sur 24.
Un espace d'exposition consacré à l'histoire
de l'hospice et de la vallée de Rioumajou est également prévu.
(information tirée de la revue Pyrénées,
n° 268, octobre 2016, section "Chroniques", p. 99)
* bien
situé (il est notamment sur le parcours de la Haute Route Pyrénéenne),
l'hospice de Rioumajou peut
être le point de départ de multiples autres courses
:
- pic d'Arriouère [2866 m],
- pic de Lia [2778 m],
- pic de l'Espade [2809 m],
- Puntas Suelsa [2967 m] et Fulsa [2860 m],
- pic de Caouarère [2901 m],
- et surtout le Pic Batoua [3034 m], par le pic
de Caouarère ; voir une page
de photos consacrée à ce 3000 mètres, et le guide
Ollivier, Pyrénées centrales III, Vallées d'Aure et de
Luchon, p. 44 à 56.
On peut apporter à la montée au port de Plan l'un
ou l'autre des quatre COMPLEMENTS suivants
:
* La montée sur les deux bosses qui dominent
(de peu) le port : le Tuc de Monmour (2628
m ; d'où on peut descendre par sa longue arête nord-ouest pour
retrouver au bout le chemin du port), et le Tuquet
de Caouarère (2683 m), plus élancée, d'où
le panorama est immense et circulaire sur les massifs des Batoua, Schrader,
Posets, Eristé, Cotiella, Punta Suelsa proche, Mont-Perdu, pic d'Aret)
et sur les hauts de la profonde vallée du rio Cinqueta ;
* La belle et régulière
descente dans la vallée de Chistau jusqu'au rio Cinqueta : on
réalise ainsi la traversée
que les habitants de la vallée d'Aure effectuaient pour se rendre chez
leurs amis espagnols. Elle implique une longue navette de voitures, à
moins que le retour se fasse le lendemain par le Paso del Caballos et le port
d'Urdiceto.
* Le parcours facile de la croupe caillouteuse
ou herbeuse qui va du port de Plan au pic d'Urdiceto
(2597 m ; 45 minutes), sommet dominant, face aux Puntas Suelsa et Fulsa, le
lac du même nom. Continuer par la descente sur le port d'Urdiceto
(2403 m) le long de son arête nord-ouest, rocheuse et déchiquetée,
descente (parfois sur son versant sud) aidée par des cairns ou des
bribes de sentier. Revenir ensuite à l'hospice de Rioumajou
par le sentier du port qui traverse l'ouest du plateau de La Plagne, puis
descend dans un ravin boisé. On boucle ainsi un trés beau
circuit, qui d'ailleurs peut être parcouru dans les deux sens
;
* Un autre beau
circuit (long,
mais pouvanr se faire dans la journée)
à partir de l'hospice de Rioumajou, peut être imaginé
: port de Plan, descente côté espagnol jusqu'au plan des Carlistes,
montée au Paso d'es Caballos par le GR 11, port d'Urdiceto.
L'ensemble des pages de photos consacrées
au port de Plan sont les suivantes :
13-1
- Le chemin du port de Plan
sur le versant français
13-2
- Le port de Plan lui
même
13-3
- Le chemin du port de Plan
sur le versant espagnol
13-4
- Panoramas et environs du
port de Plan
13-5
- La Ténarèse entre la
Garonne et la vallée d'Aure
(avec
un lien pour une page sur
la voie romaine de l'Aubrac
dans
l'Aveyron
(13-8)
13-6
- La Ténarèse en
vallée d'Aure
13-7
- Le pic Batoua
Page
CHEMIN DES MINES Haut
de page
Page
d'accueil
1.
Voici l'hospice de Rioumajou tel
que l'ont vu trois pionniers du pyrénéisme, à la fin
du XIXe siècle et au début du XXe (au sujet des hospices
et hôpitaux en général, voir la note 6 de la page
consacrée à la carte
Roussel) :
- Le 17 août 1874 Henry Russell,
après l'ascension du Pic Batoua, descend du port de Caouarère,
côté ouest. Il raconte (dans Souvenirs d'un montagnard,
au chapitre "Ports d'Aygues-Tortes, de Clarabide, de Caouarère,
et ascension du pic Batoua (3035 mètres)", éditions
Pyrémonde-PRNG 2008) :
"[...] nous arrivons avec la nuit à l'exécrable
auberge appelée par dérision "Hospice" de
Riou-Mayou (1560 mètres) où je dîne avec une soupe
au lait et un reste de poisson conservé, dont j'ai toujours une provision
dans les montagnes. Nous dormons dans du foin, comme il n'y a pas de lit !
Et cependant quel merveilleux endroit pour passer une semaine, s'il y avait
une auberge ! C'est un des sites les plus alpestres, les plus boisés
et les plus séduisants de toute la chaîne des Pyrénées."
- Le 10 octobre 1879, le baron Aymard d'Arlot
de Saint-Saud et ses compagnons (dont le guide Henri Passet), descendus
du pic d'Aret, couchent à l'hospice : "Hospice! on devrait
plutôt dire : Repoussoir. C'est non seulement de France mais peut-être
aussi d'Espagne - ce qui n'est pas peu dire - l'auberge la plus misérable.
Un peu de pain, un peu moins de vin, le foin pour couchette dans une grange
mal close et encore par une faveur toute spéciale, voilà ce
que nous eûmes pour nous réconforter.
Il est vraiment honteux que les communes de Tramezaïgues
et de Saint-Lary, à qui appartient cet immeuble sale, enfumé,
sans ressources, ne prennent pas plus de soin d'un refuge où passent
chaque jour tant de gens du peuple et où s'égarent parfois des
touristes. La Société Ramond devrait veiller moralement à
l'entretien d'un hospice isolé, situé au pied de montagnes magnifiques,
dans un lieu admirable, très fréquenté et qui pourrait
devenir un centre d'excursions."
(Bulletin de la Société Ramond, 2e trimestre de l'année
1880, pp.79-88, "Le pic d'Arré,de Castets à Bielsa et
à Gavarnie");
- En 1904, Georges Ledormeur s'arrête
vers 3 heures du matin à l'hospice de Rioumajou avant de faire
l'ascension du pic de Batoua ("Autour du pic Batoa, Pyrénées,
n° 6, avril 1951, pp. 52-55) :
"Dans un bassin pastoral, entouré de sapinières
(alt. 1560 m.), cet établissement hospitalier existe depuis des siècles,
ouvert, été comme hiver, aux voyageurs de passage. C'est un
long bâtiment sans étage, comportant : logement, remise, étables
et greniers à fourrages, où l'on trouve à boire, manger
et dormir.
Les gardiens, mari et femme, avaient acquis une réputation
équivoque (d'après les mauvaises langues) au sujet de laquelle
il ne serait pas charitable d'insister aujourd'hui, alors surtout qu'ils ont
rendu leur âme à Dieu, d'une façon peu banale.
Fort heureusement les chiens de garde vagabondaient je ne
sais où, l'échelle propice était encore adossée
à la porte extérieure du grenier et la nuit était d'un
beau noir d'ébène. Avec une souplesse et une discrétion
d'apache, je parvins à me glisser dans le foin, sans donner l'éveil,
ce qui aurait pu amener des complication regrettables dans les pourparlers
préalables.
A 5 heures du matin, en septembre, le jour n'apparaît
pas encore et je m'échappe furtivement de cet hospice peu rassurant."
Au retour, à Saint-Lary on lui en raconte "une
bien bonne" : "Au milieu de la nuit, l'aubergiste du Rioumajou,
alerté par un bruit suspect, avait rodé autour de l'hospice,
armé de son fusil redoutable..."
2.
Par cet accord (selon les informations données par un panneau
placé au départ du chemin : voir la pageconsacrée
à l'histoire du
port de Plan, note 8), les
habitants de Plan, San Juan et Gistain s'engageaient à "aménager,
disposer, réparer et maintenir en état le chemin dans cette
vallée jusqu'aprés le port qui donne sur la vallée d'Arreau
de manière à ce que des montures chargées de marchandises
puissent passer sans danger". L'engagement exigeait aussi de "construire
et de faire un logement de 2 salles assez grandes sur le chemin de ce port
à l'endroit appelé La Plana". Deux personnes vivaient
dans cet hospital de
Gistain pour porter secours, et donner gîte et couvert, aux
voyageurs à pied. En 1850 il est cité par un historien comme
étant un refuge-clé sur le chemin muletier qui allait de Barbastro
en France.
3. Dans
une brochure intitulée "La grand'route centrales des Pyrénées.
Le port de la Ténarèse", parue en 1897, l'histotien
Paul Labrouche écrit : "Le 17 août 1894, nous
avons parcouru la crête du Plan, dont l'altitude, de 2500 en moyenne,
s'affaisse d'une cinquantaine de mètres à la brèche du
col. Dans les schistes érodés de l'arête terminale et
sur les dernières pentes, la trace d'une ancienne voie, décrivant
de nombreux lacets, est visible sur tout le parcours, principalement sur le
revers méridional, où des murs de soutènement
subsistent encore."
Actuellement on ne voit aucune trace de
voie large "dans les schistes érodés" aux abords immédiats
du port, ni aucun mur de soutènement,
sauf à la traversée du thalveg pour aborder ces schistes. Mais
ces vestiges ont pu disparaître sous
le port dans les éboulis
instables , alors qu'une trace a pu persister dans les terrains stabilisés
par le gazon.
4. Malesherbes en parle dans son récit de la traversée du port de Plan en 1767 (au sujet de Malesherbes voir la page consacrée à l'histoire du port de Plan, note 10) : "[...] j'ay remarqué entre autres, à l'endroit précisément de l'arrivée à l'hôpital d'Espagne, des schistes rouges en forme de toit, rangés les uns sur les autres pareillement comme un toit fort aigu, avec cette différence que les ardoises d'un toit sont couchées les unes sur les autres pour laisser couler la pluye, au lieu que celles-ci le sont en sens contraire pour retenir, et les mulets enboutoient leurs pieds contre ces arêtes ; mais il y a, d'une arête à l'autre, bien plus loin que l'enjambée d'un mulet. Je ne comprends pas comment ils pouvaient s'y tenir ; j'avais bien de la peine à m'y tenir à pied" (revue Pyrénées, Malesherbes dans les Pyrénées en 1767, par Pierre Caillau-Lamicq, IV, n° 3/4, 1990, p. 263).
5.
Dans une pièce judiciaire datant de 1610 il est question de cinq
"voytures" ayant, venant d'Espagne,
franchi le port de Plan (d'ailleurs par un chemin décrit comme trés
mauvais). L'historien Paul Labrouche (voir la note
3) en conclut, en 1897, que des engins à roues pouvaient
y passer. Mais un géographe, Henri Cavaillés, dans un article
daté de 1935, rappelle que le mot "voyture" désignait
dans le français de l'époque un "transport" ou un
"moyen de transport", c'est-à-dire en fait un convoi de "bêtes
de somme", et Antoine de Baecque écrit, dans son livre
La traversée des Alpes. Essai d'histoire marchée,
éditions Gallimard, 2014, p. 161 : Le terme "voiturer"
ne doit pas tromper. Une "voiture",
dans le jargon des commerçants du XVII au XIXe siècle, est un
terme repris du parler montagnard désignant un convoi de bêtes
chargées de marchandises".
Sous l'Empire Dralet parlait de "chemins de
cols trop étroits et trop escarpés pour servir aux charrettes".
L'abbé Marsan (voir note 2) a signalé
qu'en 1601 il n'existait "ni chars ni charrettes à deux lieues
aux environs".
Mais Paul Labrouche écrit aussi : "Selon
les bergers de Gistain la route de Rioumajou est désignée courammment
sous la dénomination de "camino de carros",
chemin de chars. De tradition locale les colliers [attelages] franchissaient
le col. [...] Ainsi il existait, au moyen âge, un chemin de voitures
traversant les Pyrénées centrales [...] Cette voie, encore appelée
"chemin royal public" au XVIIe s dans le val de Rioumajou, ne peut
être que la contination du "chemin royal antique" d'Aure du
XVIe siècle, lequel est le prolongement immédiat du "chemin
de César" de l'Astarac, de la "Césarée"
du Fezensac et de la "Ténarèse" de l'Armagnac"
Chemin du Port Vieux et des mines de La
Géla, au-dessus du grand replat de la vallée de La Géla
(à gauche), et dans la partie basse de la vallée (à droite)
: par ses dimensions il est comparable à celui du port de Plan.
6.
Son nom est-il "Port de Plan" ou "Port du
Plan" ? Pour les français le port donne accès au
village espagnol relativement
important dénommé "Plan" : le "de" paraît
donc plus justifié. Mais l'existence d'une surface plane au
sommet du col, invoquée par certains, pourrait justifier à la
rigueur le nom "Port du plan". Il a un autre nom, que lui donne
les espagnols : "port de Rioumajou", et même parfois celui
de "Port du Plan de Rioumajou" (le "plan" serait alors
celui où est installé l'hospice de Rioumajou).
A noter qu'il y a sur les cartes espagnoles et la carte
au 1/ 50000 de Rando éditions n° 23, à
l'ouest de l'hospice de Rioumajou, un
"Puerto de la Plana" , à ne pas confondre avec le port de
Plan : en fait il s'agit du Port d'Arriouère de la carte au 1/25000
de l'IGN, col nettement plus difficile à franchir que le Port de Plan.
7. Selon le Guide Joanne de 1856, "Le port de Plan, bien que plus éloigné de l'Hospice [de Rioumajou] et plus élevé [que le port d'Urdiceto], est le seul qui soit fréquenté, à cause de son voisinage des lieux habités de la vallée de Gistain".
8.
C'est sans doute ce que veut dire le Guide Joanne de 1856 où
est écrit "Quand on croit enfin être arrivé sur
la ligne de partage, il faut encore gravir le sommet même de la montagne,
qu'on appelle improprement Port. Une croix sur un bloc de marbre y sépare
la limite des Deux Etats."
9.
Du 13 au 15 août 1911 Jean Bepmale a parcouru avec des
amis un circuit à partir de Tramezaygues passant par l'hospice de Riomajou,
le sommet de la Punta Suelsa et Bielsa (voir une page
de photos). Il a figuré sur une carte, peu différente de
la carte d'Etat-major, cet itinéraire. Entre l'hospice de Rioumajou
et le port d'Ourdissetou il passe, là aussi (ci-contre, extrait
de la carte), par le vallon du ruisseau de Caouarère et le plateau
de Mommour (ou "Montagne de Plâa Long") pour monter au port,
et non par le ravin du ruisseau de la Plagne, où le sentier du port
est cependant figuré.
10. Ces schistes sont datés du Cambro-ordovicien ou du Silurien par les géologues : de fait ce cailloutis et la morphologie du port de Plan ressemblent beaucoup à ceux du port de Barroude où il s'agit d'ampélite datée du Silurien, et où d'ailleurs on trouve la même flore : des Pensées de Lapeyrouse (voir la page consacrée aux fleurs).
11.
A ce sujet voici ce qu'écrit le grand géographe de
l'université de Toulouse, Daniel Faucher (dans un article paru
dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest,
intitulé "La Vallée d'Aure", tome 5, fascicule 4,
1934, pp.434-446) :
"La Vallée d'Aure, de par sa direction générale,
est, par apport aux apports pluvieux de l'Ouest, une vallée "sous
le vent", autrement dit une vallée d'abri. Sa sécheresse
relative (Arreau reçoit 982 mm. de pluie tandis que Lannemezan en recueille
1129) est accentuée par les influences méridionales qui accourent
du versant espagnol. Il faut bien voir icile rôle exceptionnel que joue
le tracé de la vallée supérieure et sa dissymétrie.
Le versant gauche face au Sud est un "adret", le versant droit une
ombrée. D'un côté subsistent le Chène et quelques
îlots de plantes méditerranéennes ; de l'autre les hêtraies
et les sapinières descendent jusqu'au bord de l'eau. Mais ce versant
qui tourne le dos au soleil du Midi, il est, par bonheur pour toute la vallée
d'Aure, percé de brêches par les affluents de la Neste supérieure
[...]. Le lourd et puissant massif de roches primaires qui s'étend
vers le Sud est ainsi fractionné et en quelque sorte aéré,
si bien que par de nombreux "ports" et "hourquettes",
les vents d'Espagne pénètrent dans la Vallée d'Aure,
y apportent une atmosphère plus légère, plus subtile
que dans la pluprt des autres vallées des Pyrénées Centrales.
Ainsi par la conjonction du relief et du climat, la Vallée
d'Aure est, au moins dans sa partie centrale, un fragment d'Aquitaine transporté
au coeur de la montagnz et le "fond d'Aure" ressemble plus aux vallées
des Pyrénées méditerranéennes ou à certines
vallées du versant sud qu'aux parties élevées des autres
vallées des Pyrénées centrales".
Haut
de page
(Sources
principales :
- travaux du géographe universitaire Jean Sermet
(1907-2003) sur la démarcation frontalière entre les Hautes-Pyrénées
et la Province de Huesca :" Les frontières des vallées
d'Aure et de Bielsa", et "Port du Plan (3527 m). Croix 327"
; Archives départementales des Hautes-Pyrénées ;
- Alain Bourneton : "Grands ports des Pyrénées",
éditions Sirius, 1986 (chapitre 7 : "Ports de la vallée
d'Aure", p. 151), et, dans le "Dictionnaire des Pyrénées",
éditions Privat, 1999, l'article "Ports et cols",
p. 662 ;
- Annie Brives : "Pyrénées sans frontière",
éditions Cairn, 2000 ;
- Breuils A. :" La Ténarèze",
Revue de Gascogne, 1891, p. 548 ;
- Vincent de Chausenque : "Les Pyrénées
ou Voyages pédestres dans toutes les parties de ces montagnes",
éditions Monhélios, 2006, tome 1, chapitre XX, p. 519 ;
- Guide Ollivier : Pyrénées centrales, III, Vallées
d'Aure et de Luchon, course n° 15 (Port du Plan), p. 23) ;
- Patrice de Bellefon, Michel Clin, Enrique Balcells Rocamora,
Jean-François Le Nail : "Tres serols - Mont-Perdu", édité
par l'association "Mont-Perdu Patrimoine Mondial", 2000 ;
- Antonio Badia, Celia Fontana, Philippe Vivez : "Rapports
historiques de la vallée de Bielsa avec la France", édité
par la municipalité et le musée ethnologique de Bielsa ;
- Les feuilles du pin à crochets, n° 7, Pyrénées
frontières : Hélène Velasco-Graciet, La frontière,
le douanier et le contrebandier, p. 5 ;
- Labrouche Paul : "La grand'route centrale des
Pyrénées. Le port de la Ténarèse", Imprimerie
nationale, 1897 ;
- Médan Léopold : "Une traversée
des Pyrénées centrales à la fin du XVIIe siècle.
Robinson Crusoé en Gascogne", Revue de Gascogne, 1910, p. 385
;
- Revue Pyrénées, n° 163-164, 3-4
1990 : Malesherbes dans les Pyrénées, par Pierre C. Lamicq,
p. 247 ; n° 233, janvier 2008 ; Les gorges de Sainte-Engrâce
lieux de passage, par Madeleine Cabidoche, p. 49 ;
- Jean-François Soulet : "La vie dans
les Pyrénées du XVIe au XVIII siècle", éditions
Cairn, pp. 138-140. )
Page mise à jour le 21 janvier 2018