Chemin des mines

  Le port de Plan : histoire

SOMMAIRE :
 
1- La longue histoire du chemin du port de Plan
 2-
Les échanges entre vallée d'Aure et haut Aragon
 3-
Les lies et passeries

  
   "A l'époque [XIIe siècle], les Pyrénées, loin de constituer une barrière infranchissable, sont au contraire un lieu de passage et de contacts. C'est à partir du XIXe seulement, avec le chemin de fer et l'automobile, que la chaîne paraîtra se dresser comme un obstacle aux communications. Au Moyen Age, les choses étaient plus aisées ; il suffit de penser à ces gens de Montaillou, dans les Pyrénées ariégeoises, qu'a étudié Le Roy Ladurie : ils semblent aller plus facilement en Catalogne et en Andorre qu'à Toulouse. Du Pays basque au Roussillon, les populations ne tiennent aucun compte des frontières telles que nous les entendons aujourd'hui ; hommes et troupeaux passent sans cesse d'un versant à l'autre." (note 20)   
                                                                                                               (Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne, Fayard, 1996, p. 74)

   "Les Pyrénées séparent et relient la France et l'Espagne."
                                                                                    (Henri Lefebvre, Pyrénées, éditions Cairn, 2000, p. 29)
 
   ( VOIR AUSSI la page consacrée à la description du port du Plan
)
 
 (vous pouvez consulter cette page en écoutant "l'hymne du Sobrarbe" ; "Pais perdido", de la Ronda de Boltaña[MP3, 4 Mb, 4 mn] : pour cela cliquer ici (on en trouvera les paroles, en espagnol, dans le site du Sobrarbe : dans la rubrique Comarca, en haut et à gauche de la page d'accueil, cliquer sur "Himno de Sobrarbe")
  

   1-  LA LONGUE HISTOIRE DU CHEMIN DU PORT DE PLAN
    
  
Jusqu'au milieu du XXe siècle et la construction des routes transfrontalières, le port de Plan a été, de tous les ports des Pyrénées centrales, le plus connu et le plus emprunté par les hommes pour traverser à pied, ou à dos de mulet, la chaîne frontière.

   Carte figurant dans la brochure de l'historien Paul Labrouche La grand'route centrale des Pyrénées. Le port de la Ténarèse, Imprimerie nationale, 1897,p.9.                                            >
   

    Le chemin du port de Plan a été probablement tracé, déjà, à une époque pré-romaine, par les Ibères (métissés de Celtes), dont le territoire débordait sur le versant nord des Pyrénées.
    
Selon la tradition les Romains seraient les constructeurs d'une "voie romaine", dont parle César, et qui prendra plus tard le nom de "Ténarèse" (note 1). Il est possible qu'elle ait été la grande voie suivie par les lieutenants de César (Crassus en particulier) pendant la période de conquête de l'Aquitaine entre 56 et 51 av. J.-C..
  
Partant de Bordeaux et traversant le nord des Landes selon les uns, ou de la vallée de la Garonne, selon les autres, entre Aiguillon et Port-Sainte-Marie (où elle prolongeait la grande voie celtique venant du centre de la Gaule), la Ténarèse traversait la Gascogne, le plus souvent sur les hauteurs entre les bassins de l'Adour et de la Garonne, puis le plateau de Lannmezan, et abordait la vallée d'Aure entre Capvern et La Barthe de Neste.

   Dans la vallée d'Aure elle était prolongée par un chemin important sans qu'on puisse, faute de preuves, affirmer qu'il s'agissait là aussi d'une voie romaine à proprement parler, et lui garder le nom de Ténarèse. Ce chemin remontait la vallée, où son tracé est souvent confondu avec celui de l'actuelle route nationale, sur la rive gauche de la Neste d'Aure, jusqu'à Tramezaygues.

   
A Tramezaygues, dont le nom signifie confluent des eaux, et dont le chateau a été le siège d'une garnison qui avait son pendant à Aïnsa, on a de bonnes raisons de penser qu'il s'engageait vers le sud dans la vallée de Rioumajou et passait par le port de Plan pour descendre en Espagne dans la vallée de Gistain, et gagner Aïnsa, puis la vallée de L'Ebre.
   
 
 (voir une carte de la Ténarèse, de Bordeaux, ou de la Garonne, à Aïnsa [note 3])

  
    Le chemin de port de Plan ne fait pas partie des grandes voies romaines qui traversaient les Pyrénées, figurant sur des documents comme la table de Peutinguer ou l'Itinéraire d'Antonin. Ces voies (voir la carte ci-dessous), par où passaient de lourds convois d'une province à une autre limitrophe, sont au nombre de trois : à l'est le col de Panissars (juste à l'ouest du col du Perthus), à l'ouest le col du Somport (ou le col de Pau (note 21) un peu plus à l'ouest), et les ports de Cize au-dessus du col de Roncevaux (note 23).
     Cependant le port de Plan a toujours été le port frontalier le plus fréquenté des Pyrénées centrales. D'autre part les Romains étaient bien implantés dans la vallée d'Aure, proche de la cité gallo-romaine de Lugdunum Convenarum (St-Bertrand de Comminges ; du latin con-venit, rassembler), foyer du "Pays des Convènes" (la cité aurait été fondée en 72 av. J.-C. par Pompée qui y rassembla des débris de l'armée de Sertorius qu'il venait de vaincre en Espagne). Ce pays, qui regroupe populations locales, colons romains, anciens soldats romains à qui ont été attribuées des terres, devient au IIe siècle après J. C. une importante et très prospère colonie romaine.
   De cette romanisation témoignent des autels votifs et des monuments funéraires (images ci-dessous) trouvés dans plusieurs villages de la vallée, y compris à Tramezaïgues, ainsi que l'exploitation de mines de fer dans les Baronnies (sur la crête de Sarramer à l'ouest de Rebouc), et des carrières de marbre. Des pièces de monnaie romaines ont également été trouvées dans la vallée (ainsi qu'au port de plan : voir ci-dessous). De plus la toponymie évoque le souvenir de grands domaines ayant appartenu à des Romains : le suffixe -an (anum), fréquent dans les lieux de passage, abonde dans la vallée d'Aure (Grézian, Sailhan, Cadeilhan, Estensan, etc.), alors que le suffixe celtique -akos, latinisé -acum, fréquent ailleurs en Aquitaine, y est rare (Cadéac, Pailhac).

            Vestiges gallo-romains qu'on peut voir dans la vallée d'Aure : à gauche une plaque funéraire (45x43cm) remployée dans le fronton du portail de l'église de Guchen (traduction de l'inscription : AUX MANES DE MODESTUS, FILS DE FESTUS, FESTA, SON AFFRANCHIE ET SES FILS, SES HERITIERS) ; au milieu un autel votif réemployé (couché) dans un angle du mur de l'église de Vignec ; à droite une stèle visible dans le cimetière de Guchan (pour en savoir plus sur cette stèle et son intéressante symbolique voir une page du blog de Michel Bessone).

    Il n'y a pas
de preuves archéologiques en amont de Tramezaïgues et sur le versant espagnol du port de Plan permettant de dire qu'il s'agit à proprement parler d'une "voie romaine", mais on peut penser que le chemin du port de Plan a quand même été utilisé, donc probablement restauré et consolidé, par les Romains, peut-être dès le début de leur implantation dans la péninsule ibérique (en 218 av. J.-C.),
au moins en tant que voie secondaire, pour des relations à courte distance ou le passage de convois légers, ou de troupeaux, pour traverser la crête frontière, comme il l'était par des personnes étrangères aux Pyrénées pour passer d'un pays limitrophe à l'autre, et surtout par les populations de la vallée d'Aure dans le cadre de leurs échanges immémoriaux (voir ci-dessous) avec ceux du bassin du rio Cinca (note 22). D'autant plus qu'il n'existe pas d'autres passages faciles, pour traverser les Pyrénées, entre le col de Panissars à l'est et le col de Somport à l'ouest (mis à part le port de La Bonaïgue dans le val d'Aran, et le col de La Perche en Cerdagne), et que le port de Plan, relativement peu enneigé l'hiver, se situe sur l'axe Toulouse-Saragosse. En particulier des troupes romaines ont pu le franchir afin de soumettre les populations remuantes de la péninsule ibérique, notamment lors de l'épisode historique du général Sertorius, dans les années 70 avant J.-C (note 2), puis lors de la conquête de l'Aquitaine par les troupes de César entre 56 et 51 av. J.-C., et au début du règne d'Auguste à la fin du 1er siècle av. J.-C.

    Au début des années 2010 de nombreuses pièces de monnaie ont été trouvées dans le sol du port de Plan, au nombre de 202 (plus une autre trouvée au port d'Ourdiceto). Elles ont été expertisées par L. Callegarin et A. Campo de l'Université de Pau et des pays de l'Adour. La période de leur création va du IIe siècle avant J.-C. pour la plus ancienne (gauloise), à 1937 pour la plus récente (République espagnole) : période romaine impériale pour la plupart (144, donc près de 3/4), période moderne pour les autres (monarchies française [8], de François Ier à Louis XIV, et espagnole [18], de Philippe III à Philippe IV).

  Ces pièces de monnaie illustrent l'utilisation très régulière du port de Plan comme lieu de passage privilégié aux époques antiques (Empire romain surtout) et modernes entre les deux vallées, y compris par des convois militaires. Mais ce port a pu aussi constituer un lieu cultuel ou un sanctuaire d'altitude où les voyageurs faisaient des offrandes à une divinité au moment de franchir le col.

  VOIR le site de Jean Prugent qui contient, dans la partie "Vallée de Rioumajou", des pages consacrées à une étude très minutieuse et complète sur ce "patrimoine numéraire", étude basée sur les travaux de l'université de Pau, avec l'aide des archives de la municipalité de Saint-Lary. Cliquer ici pour ouvrir la page "Vallée de Rioumajou", puis sur la mention "son patrimoine numéraire".

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Ci-contre, photos de 2 des pièces faisant partie de ce lot :
 - en haut
, une pièce datant du règne de Hadrien, empereur romain de 117 à 138 : avers à gauche, avec son buste et la mention [H] ADRIANVS-AVGVSTVS, revers à droite, représentant Salus alimentant un serpent, sa main gauche tenant un sceptre, avec la mention SALUS AVGUSTI S-C/COS III ;
  - en bas
, la pièce de 50 centimos datant de la République espagnole en 1937 (donc époque de la guerre d'Espagne).                             >

  
                                                                                                          
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     Ce chemin a été très fréquenté au long des siècles (des documents l'attestent dès le XIIe siècle) par toutes sortes de personnes. Des Arabes, venus s'implanter ou faire des incursions en vallée d'Aure, jusqu'en 1012. Des religieux de plus en plus nombreux à mesure des avancées de la Reconquista : moines clunisiens puis cisterciens assurant les relations entre les abbayes du sud de la France et leurs filiales créées en Espagne ; prêtres séculiers allant y fonder des diocèses ; pélerins se rendant à St-Jacques de Compostelle, ou (lors de "romerias") à d'autres sanctuaires du nord de l'Espagne, tels Montserrat ou Montgarri. Des ouvriers : mineurs, forgeurs, charbonniers. Des troupes lors des guerres entre les royaumes, notamment en 1709, pendant la guerre de Succession d'Espagne. Des Miquelets, ces militaires espagnols irréguliers partisans de l'Archiduc et opposés aux Bourbons lors de cette guerre, passant la frontière pour effectuer des razzias dans la vallée d'Aure (vol de chevaux à l'hospice de Rioumajou en 1708, pillage du village d' Aragnouet en 1710). Des bandits (des "bandouliers", bandits de grand chemin, style Robin des bois).
   
   Mais le chemin a été aussi emprunté de tout temps par beaucoup de bergers, par des marchands, des colporteurs, des trafiquants, des saltimbanques, des chasseurs d'isards, D'autre part un puissant courant migratoire s'était instauré en direction de l'Espagne où de jeunes pyrénéens allaient chercher du travail, principalement agricole, ou fuir le service militaire, ou exercer certians métiers (en particulier celui de forgeur).
   Emprunté également par des contrebandiers, la contrebande ayant été dans les villages proches de la frontière, notamment lorsque les franchises traditionnelles étaient suspendues, surtout au XIXe siècle, une activité habituelle, apportant un indispensable complément aux revenus agricoles (note 4).
 
 

<  Ci-contre, surcharges d'une carte ancienne de Trutat (1894), indiquant les cols franchis le plus facilement dans le passé pour traverser les Pyrénées (les tirets verts figurent l'itinéraire suivi en 1688 par Robinson Crusoé entre la région de Pampelune et Toulouse [note 6]).                                                                                             

   Durant tout l'Ancien Régime et une grande partie du XIXe siècle, il a été fréquenté, surtout, par les habitants de la vallée d'Aure et des sept villages de la vallée du rio Cinqueta (vallée de Gistain, ou Christau) pour passer sur l'autre versant. Plus que les deux autres ports importants, le port de Bielsa et le Port Vieux, qui font communiquer, plus à l'ouest, la vallée d'Aure et la vallée de Barrosa. Sa fréquentation devait être du même ordre que celle du port de Boucharo entre la "vallée de Barèges" (la haute vallée du gave de Pau, "pays Toy" actuel), et la vallée de Broto, c'est-à-dire du rio Ara. Hommes ou femmes ont passé le port, par tous les temps, même en hiver, pour aller, chargés de ballots (jusqu'à 35 kg), ou menant des bêtes de somme (les mulets surtout, capables de porter des charges de 120 à 150 kg, deux fois plus que les ânes), en longues caravanes, vendre leur maigre production agricole ou leurs marchandises de l'autre côté du port, aux marchés et foires qui s'y tenaient périodiquement, ou s'y approvisionner, ou y mener leurs troupeaux (voir la section 2, Les échanges).
  Par exemple des aragonais se rendant aux foires d'Arreau, de nombreux ouvriers agricoles aurois (3000 en 1804), saisonniers, allant cueillir ou presser les olives ou faire les foins en Espagne, travaux agricoles bien payés, des déserteurs échappant à la conscription en France (notamment sous l'Empire), des espagnols allant se placer en France, des Aurois allant travailler dans les mines du versant espagnol, comme celles du pic Liena (note 5). Ou encore, simplement, des personnes allant rencontrer de l'autre côté du port des parents (des familles ont encore aujourd'hui des représentants des deux côtés de la crête frontière), des correspondants de la famille (encore aujourd'hui des familles ont des membres des deux côtés de la frontière), ou des amis. Ou des jeunes allant danser aux bals des villages de l'autre versant, sans craindre les longues heures de marche.

                    
   

   Extraits de deux cartes datant du XVII siècle, et d'une carte du XIXème siècle :
   
   -
à gauche, carte datant de 1650, où on voit figuré le "Port du Plan" au bout de la vallée de Rioumajou. Manque la vallée de Saux. entre celle-ci et la vallée de l'"Atgella", au bout de laquelle sont situés plusieurs ports (Aure, Albe et Agella) difficiles à identifier ;
   
   -
au milieu, carte qui est la plus ancienne (1696) des cartes françaises des Pyrénées, dressée par Sanson, intitulée : "Les Monts Pyrénées, où sont remarqués Les Passages de France en Espagne.". On y voit figuré le passage d'un chemin entre Gistain et Tramesaïgues, dans le "Val d'Aure", par un col dénommé "Port d'Albe", mais qui ne peut être, ici, que le port de Plan. Le passage voisin qu'on trouve plus à l'ouest , est le "Port de Brousse" entre Héas et Bielsa : sans doute le port de La Canau, ou le port Vieux de la vallée d'Estaubé.

   - à droite, carte illustrant le guide Joanne de 1883, indiquant un itinéraire pour aller de Lannemezan à Barbastro, passant par le port de Plan, le village de Plan, puis par la vallée de l'Esera (donc nécessairement par le port de Sahun pour aller de Plan à cette vallée , peut-être pour éviter les défilés des vallées du rio Cinqueta et du rio Cinca).

                                                                                                            Haut de page
   
   Dans le roman publié par Daniel Defoe en 1719, Robinson Crusoe et Vendredi, revenant de Lisbonne pour rentrer en Angleterre par l'Espagne et la France (dans la deuxième partie du livre), traversent les Pyrénées. C'est par le port de Plan que l'auteur les fait passer, en décembre, dans la neige, avant d'affronter à la descente, dans la vallée d'Aure, deux ou trois ours et une multitude de loups affamés (note 6).
  
Au XVIIIe siècle c'est également le port de Plan que Malesherbes, homme politique féru de géologie, a franchi le 23 juillet 1867 pour se rendre, venant de Luchon, à San Juan de Plan dans l'espoir (déçu) de visiter les mines de cobalt (note 7)."Je n'ay point vu de plus mauvais chemin " dit-il dans le récit qu'il a fait de ce voyage en Aragon.
   Autre personnage historique, le général Prim, figure de proue de l'opposition à Isabelle II, doit, en novembre 1867, aprés avoir fomenté plusieurs prononciamentos manqués, fuir l'Espagne par le port de Plan, avant, l'année suivante, de chasser la reine du trône par un coup d'état organisé avec le général Serrano (note 8).

      
   Au XXe siècle, le chemin du port de Plan, sera, en concurrence avec le Port Vieux (quoique moins que lui), emprunté, pendant la guerre d'Espagne, au mois d'avril 1938, par de nombreux civils républicains espagnols fuyant la " Bolsa de Bielsa ", poche de résistance farouche opposée par la 43e division de l'armée républicaine espagnole à l'avancée franquiste en Aragon (voir la page qui lui est consacrée). Pour la même raison de grands troupeaux ont aussi, alors, franchi le port. Au mois de juin 1938, ce sont les rescapés de la 43e division qui se sont repliés en France en partie par le port de Plan, et l'hospice de Rioumajou qui a servi d'hôpital pour les bléssés. A l'occasion de ces exodes s'est manifestée la solidarité ancestrale entre les habitants de la vallée d'Aure et ceux des vallées espagnoles.
   Cette solidarité, dans l'esprit des anciennes "lies et passeries" (voir plus loin, section 3), a joué également en faveur des évadés qui pendant la guerre 39-45 ont traversé les Pyrénées en sens inverse pour échapper au Service du Travail Obligatoire, aux persécutions nazies, ou rejoindre la Résistance. Beaucoup d'entre eux (environ 2000), aidés par des passeurs, et par les habitants de la montagne pour tromper la vigilance allemande, sont passés par la vallée d'Aure, et principalement par le port de Plan, avec la complicité des tenanciers de l'hospice de Rioumajou (note 9).

               

Extraits d'
autres cartes anciennes, des XVIIIe et XIXe siècles, où figurent le port de Plan et son chemin :
 

   


 - en haut, cartes (où le sud est en haut)
   * de Roussel
à gauche (où le port de Plan est proche du centre de l'image, et où l'"Hopital d'Arragon" est l'hôpital de Gistain ; voir une page consacrée à cette carte),
    * et de Ramond
à droite ;
 

 

 








-
en bas,
   * cartes de Cassini
à gauche,
   * et d'Etat-major
à droite.

 

 

 


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  2-  LES ECHANGES COMMERCIAUX ENTRE VALLEE D'AURE ET HAUT ARAGON PAR LE PORT DE PLAN

   Par ce chemin étaient transportées dans les deux sens toutes sortes de denrées et des productions agricoles provenant des vallées et des basses régions extérieures aux Pyrénées. Au début du XVIIe siècle les Pyrénées (donc très probablement le port de Plan) ont même servi de relais au grand commerce international entre l'Europe de nord et la péninsule ibérique. Y passaient en particulier beaucoup d'animaux (plusieurs centaines de milliers), le commerce des bestiaux suppléant pour les habitants de la vallée d'Aure à la faiblesse de la production agricole..
   Dans le sens de la vallée d'Aure vers l'Aragon c'étaient des produits laitiers (beurre, fromage), des salaisons, des grains (surtout du blé), des poissons, du cuir, des objets artisanaux (par exemple de grands chaudrons, des récipients de verre, des parapluies de bergers, des sonnailles, des appareils à carder, des clous, des peignes, etc..), des draps (tissés dans les vallées d'Aure et de Campan avec de la laine importée d'Aragon), des vêtements (chemises, robes, bas, voiles noirs de Bagnères, tricots), des objets religieux, prisés au Moyen Age (chapelets, reliques, etc..). De longues files de mulets passaient le port, venant du Poitou ou du Rouergue, pour être vendus en Aragon, mais aussi des ânes, des chevaux, des moutons ou des chèvres, parfois des porcs.
    De l'Aragon vers la vallée d'Aure les bêtes de somme ou les hommes transportaient surtout de l'huile d'olive, du sel, des fruits (note 19), des balles de laine (la laine des mérinos était au Moyen Age en Espagne un des principaux articles d'exportation, et d'ailleurs de contrebande, dans les Pyrénées), du vin dans des outres en peau de chèvre, parfois du blé, des peaux de brebis, du savon, du chocolat, du tabac (en fraude), des allumettes. Par exemple des marchands de Aïnsa venaient par le port de Plan échanger en vallée d'Aure et jusqu'à Toulouse de la laine contre des draps
    Les bergers espagnols, à date fixe et en vertu d'accord ancestraux, conduisaient, par le port, de longs troupeaux de bovins (les grandes "ramades" aragonaises), pour leur faire paître les grasses prairies du versant nord. En sens inverse des troupeaux de moutons passaient le port pour aller hiverner en Aragon
    Il y avait donc d'importants échanges commerciaux entre les deux versants par le port de Plan. D'ailleurs sur les cartes le nom "Plagne du Marcadau", qu'on trouve sous le pic d'Espade, à l'ouest du plateau, devrait figurer en fait, selon le berger de l'hospice de Rioumajou, sous le port de Plan. Des deux côtés du port, des douaniers inspectaient les chargements prés de l'hospice pour lutter contre la contrebande (note 4)
  
                                           

   
Cette photo, destinée à faire la publicité de ses cartes postales, a été légendée par le photographe A. Villatte, de Tarbes, en 1903 : "Bergers espagnols à la douane du Rioumajous".

   C'est par le port de Plan qu'était évacué, à dos de mulets, pour être transporté dans la vallée d'Aure, le minerai de cobalt, matière première servant à fabriquer l'azur, colorant trés apprécié alors, utilisé notamment dans les célèbres faïenceries de Delft pour le décor en camaïeu bleu (le" bleu de Delft"). Ce minerai était extrait dans la vallée de Gistain au-dessus de San Juan de Plan (plus précisément à 1750 m. d'altitude dans le vallon du barranco affluent de la rive gauche du rio Cinqueta qui descend de l'ibon de Sein), essentiellement dans la première moitié du XVIIIe siècle et au XIXe siècle. De la vallée d'Aure il était transporté à St-Mamet, près de Luchon (où il était transformé dans une usine en bleu de cobalt) puis à Toulouse où il était embarqué sur le canal du midi à destination de l'Allemagne ou des Pays-bas)(note 7).
    Lorsqu'il a été question de creuser le tunnel de La Pez on a projeté de faire passer par le port de Plan les hommes et l'outillage nécessaires à ces travaux. D'ailleurs vers 1783 on rêvait d'établir une route par le port de Plan.
   Au moins une partie du chemin du port de Plan a servi également à l'exploitation des forêts espagnoles pour les besoins de la mature de la marine française, au XVIIIe siècle, les ressources en bois, surexploitées en vallée d'Aure (ce qui d'ailleurs y aggravait l'érosion des pentes), s'étant avérées insuffisantes du côté français et n'étant pas mises à profit du côté espagnol. Les troncs de sapins abattus dans la haute vallée du rio Cinqueta étaient tirés sur des chars par des boeufs peut-être jusqu'au port de Plan, en tout cas jusqu'aux ports de Madère (d'où son nom) et de Caouarère, d'où on les faisait dévaler jusqu'au chemin du port de Plan, pour les acheminer à St-Lary, où commençait leur flottage sur la Neste vers Toulouse et Bordeaux (note 10).

   Passages et échanges par le port de Plan, intenses aux XVIIe et XVIIIe siècle, ont diminué progressivement à partir du milieu du XIXe pour cesser vers le milieu du XXe, lors de la construction des routes transfrontalières.

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  3-  LES LIES ET PASSERIES (note 25)
                        
("Les montagnes unissaient les hommes bien plus qu'elles ne les séparaient"    Henri Cavaillès)
    L'énumération des échanges entre vallée d'Aure et haut Aragon montre que les deux versants étaient complémentaires
. Complémentarité liée à la différence du climat, chaud et sec sur le versant sud, où les maigres pâturages se libèrent des neiges tôt au printemps, froid et humide sur le versant nord   (note 11), où les pâturages, plus riches, peuvent être ouverts au bétail plus tard dans la saison.
    L'intérêt bien compris des populations pastorales des deux versants, qui par ailleurs sont parentes par leur origine (en témoignent leurs groupes sanguins), leur culture (note 17) et leur langue (le gascon et l'aragonais se ressemblent), était donc d'exploiter en commun les faibles ressources de la montagne, de façon à assurer aux habitants, par ces échanges, une survie de toutes façons précaire, si possible dans un climat de paix, et de façon permanente.

    Etait en particulier importante, pour cette civilisation agro-pastorale, l'organisation d'une jouissance commune, si possible pacifique, des pâturages. Comme dans la "vallée de Barèges" (haute vallée du Gave de Pau, pays Toy actuel), mais à un moindre degré, et les autres vallées françaises, les pâturages de la vallée d'Aure étaient loués par les communes propriétaires aux espagnols, qui, notamment par le port de Plan, y menaient paître leurs troupeaux pendant l'été et l'automne. En sens inverse des Aurois louaient aux espagnols des pâturages en Aragon pour l'hivernage de leurs moutons.
    Mais ce partage n'était pas toujours idyllique. Les occasions étaient nombreuses de conflits (comme celui pour la montagne d'Ossoue entre vallée de Barèges et habitants de Broto) qui pouvaient aller jusqu'à des rixes sanglantes. Pour les prévenir, éviter leur extension, en apaiser les conséquences, et ainsi garantir la liberté et la sécurité des échanges, s'est donc fait sentir, en particulier à partir du XIe siècle, mais sans doute depuis un temps immémorial, la nécessité de régler en commun les relations pastorales et commerciales.
    Or depuis le Haut Moyen Age les habitants de la vallée de la vallée d'Aure, comme ceux de la vallée de Barèges, ou ceux d'autres vallées du versant français, surtout dans la partie ouest des Pyrénées, jouissaient, du fait d'une situation marginale, de leur pauvreté et de leur intégration tardive, et parfois difficile, au domaine royal, d'une autonomie relative par rapport au pouvoir central, qui la leur accordait pour avoir la paix, leur demandant seulement d'assurer l'intégrité de la frontière, l'entretien des chemins, et leur imposant quelques tarifs douaniers, par exemple pour les armes et les chevaux. De plus le pouvoir féodal était lui aussi relativement léger, les droits féodaux étant peu onéreux.  Côté espagnol, les habitants de la haute vallée du rio Cinca et de la vallée du rio Cinqueta, jouissaient également d'une certaine autonomie, d'autant plus que ces vallées sont, elles, plus ou moins enclavées, des défilés comme celui de Las Devotas ou de La Inclusa entravant les communications avec la vallée de l'Ebre (note 12).

< Photo ancienne du village de Tramezaïgues (entre les eaux), perché sur un verrou glaciaire au confluent des vallées du Rioumajou et de la Neste d'Aure. Dans un château édifié au XIe siècle était installée une petite garnison chargée de surveiller la frontière, seule contrainte imposée par l'autorité royale aux habitants des vallées (au sujet de ce château, en voir des images dans une page de photos consacrée à la Ténarèse dans la vallée d'Aure). 
    
  Les habitants des vallées avaient ainsi la liberté de circuler et de commercer sans payer de tarifs douaniers (sauf pour les armes et les chevaux), et le privilège de passer des accords entre vallées d'un même versant ou surtout des deux versants (privilège dont ils jouissaient depuis au moins 1300, mais qui sera reconnu à plusieurs reprises par le pouvoir royal entre le XIIe et le XVe siècle, confirmé notamment par Louis XI en 1475 [note 13] ).
  
 
    Or les habitants des vallées françaises, en particulier les bergers, étaient plus tournés vers l'Aragon que vers les plaines du nord, et la notion actuelle de "frontière" n'avait pour eux guère de signification. Leurs habitudes n'ont pas été modifiées par le traité des Pyrénées (1659) qui établissait les Pyrénées comme division des deux royaumes (d'ailleurs la ligne frontière n'a été définie avec précision qu'entre 1853 et 1868 par les travaux d'abornement d'une commission mixte).
    Jalouses de cette liberté les populations des deux versants, solidaires, se sont donc donné, entre le XIe et le XIVe siècles, en vue de favoriser le pastoralisme et le commerce, et mettre fin à des conflits incessants entre vallées frontalières, un ensemble de règles communes, réunies et précisées dans une sorte de charte, qu'on jurait solennellement d'observer, applicable des deux côtés de la frontière, appelé "lies et passeries", expression qui peut être traduite par "alliances et pactes" (note 14) (on les appelle aussi "faceries", côté français, et "pacerias" ou "facerias" côté espagnol).
    D'abord orales, ces règles ont été, dès le Moyen Age, mais surtout à partir du début du XVIe siècle, écrites en présence de notaires, lors d'assemblées solennelles réunissant de façon démocratique les représentants des habitants des vallées aragonaises et françaises. Le premier traité écrit qu'on connaisse, passé entre Bielsa et la vallée de Barèges, date de 1384 (note 18). Ces lies et passeries ont été reconnues par un traité entre Louis XII et l'Espagne en 1512, reconnaissance qui sera ensuite renouvelée par les rois de France, de François 1er à Louis XIV (note 15).
    En 1513-1514 un pacte était signé lors d'une importante assemblée au Plan d'Arem (en amont de Fos) entre la vallée d'Aure et les vallées de Gistain et de Bielsa, confédérées à d'autres vallées voisines du même versant. Il en a été de même ailleurs dans les Pyrénées, plus à l'ouest entre les vallées de Barèges et Broto (dès 1390), et entre Aragon et Navarre, plus à l'est entre Vicdessos et val Ferrera. En 1597 une paceria est signée de nouveau entre la vallée d'Aure et celles de Bielsa, Puertolas et Chistau, malgré l'accentuation à cette époque de l'absolutisme royal (Philippe II remet alors en question l'indépendance de l'Aragon en donnant la mort à son magistrat suprème Juan de Lanuza).
    Par ces lies et passeries les habitants des vallées s'engageaient, dans un esprit de solidarité entre montagnrds des deux versants :
 
 - à mettre en commun certains biens indivis : pâturages, bois ;
   - à ne pas commettre d'agression ou d'actes de brigandages, touchant en particulier les bergers et le bétail (leur principale richesse), de façon à désamorcer toute menace de conflit ;
   - à se tenir à l'écart des guerres entre les royaumes, en toute neutralité (ce fut le cas notamment pendant la guerre de succesion d'Espagne au début du XVIIIe siècle), afin que la permanence des échanges commerciaux, indispensables à leur survie, soit assurée. Pour cela les habitants d'un versant devaient avertir ceux de l'autre versant des mouvements de troupes. Des clauses étaient destinées à repousser les attaques d'irréguliers (des Miquelets, en particulier) ;
    - à se porter secours mutuellement, ce qu'ils firent à plusieurs reprises (note 24) ;
    - à répondre réciproquement des vols commis, des transgressions des limites de pacage, à livrer les coupables de méfaits aux juges compétents du lieu de leur crime, et à réparer les dégats. Ceci en vue, notamment, de la protection des bergers et de la sauvegarde des troupeaux ;
    - à préserver la liberté de circulation des hommes, des marchandises et du bétail, exemptant en particulier de droits de passage les ports de Plan et de Bielsa (sauf pour les armes et les chevaux).

    Des assemblées se tiendront par la suite tous les ans, aux XVIe et XVIIe siècles, pour renouveler ou réactiver les serments d'entente, mettre à jour, si nécessaire, les lies et passeries, et règler les litiges en cours en prescrivant, sinon des sanctions, du moins des réparations pour les dommages causés. Plusieurs fois c'est même au port de Plan que cette réunion annuelle eut lieu, notamment le 18 juin 1543 (en pleine guerre entre Charles Quint et François 1er), le 19 août 1598, et à la fin du mois d'août 1708 (pendant la Guerre de succession), ce qui confirme le rôle detrait-d'union entre les deux versants que jouait le port de Plan
(de même des représentants des vallées de Bielsa et de Barèges, qui en 1648 avaient créé une autorité juridique commune, se sont rencontrés, au cours du XVIIe siècle, alternativement au sanctuaire d'Héas et à l'ermitage de la vallée de Pineta).
  
   Trois photos d'aragonais dans leur costume traditionnel ; de gauche à droite :
    - aragonais de San Juan de Plan, en 1914  (photo extraite du site espagnol : http://usuarios.lycos.es , à la page : Gistain) ,
   - José Montaner Barcés, alcade de Bielsa en 1875 (photo figurant sur des panneaux consacrés au massif du Cotiella, au musée de Morillo de Tou en 2009) ,
   - aragonais photographié au lac d'Orédon par Eugène Trutat (détail d'une photo figurant dans le livre
Eugène Trutat, savant et photographe, éditions du Muséum de Toulouse) (note 16)                >
  

     En 1718, à la suite de la guerre de succession d'Espagne, une telle assemblée est réunie pour se prémunir contre les attaques des Miquelets (militaires irréguliers partisans des Habsbourg, opposés aux Bourbons) qui passaient le port de Plan.

    Mais par la suite, du fait de l'absolutisme croissant des monarchies et de leur centralisation, aggravée par la Révolution puis l'Empire, l'autonomie des populations valléennes du versant français, comme sur le versant espagnol, ira en régressant, et ces accords perdront de leur portée au XVIIIe siècle, puis tomberont en désuétude au XIXe (devenant de simples accords pastoraux), non sans, d'ailleurs, laisser des traces.
  
    Sans exclure complètement de nombreuses querelles (voire des batailles rangées, parfois meurtrières, entre bergers français et bergers espagnols, notamment lors d'empiétements de limites par les troupeaux), les lies et passeries ont toutefois, pendant plusieurs siècles, donné liberté et sécurité aux passages et échanges entre vallées des deux versants, conformément à leur but qui était la "conservation de la paix, la concorde, l'amitié et le commerce". 
Ainsi les vallées limitrophes des deux versants ont formé, du fait de leur relative autonomie, de la multiplicité des échanges et des déplacements, et des accords passés entre elles, une sorte de confédération à cheval sur la frontière, ou même une sorte d'Etat, mais sans capitale, ni gouvernement, ni armée, ni police, associant l'ensemble des communautés villageoises de ces vallées.
   
    Pour apprécier l'importance des lies et passeries il faut avoir présente à l'esprit, outre cette relative autonomie, l
a complémentarité climatique des deux versants, donc celle des productions agricoles, laquelle commandait, pour améliorer le sort des habitants des vallées, des échanges permanents impliquant des accords réciproquement respectés. Il y a ainsi un lien entre la géographie physique et ces lies et passeries historiques.
  
  

   Ainsi le chemin du port de Plan, ancienne et importante voie de traversée des Pyrénées centrales, a été aussi jusqu'au XIXe siècle, sous la protection de "lies et passeries" librement décidées par les habitants, un lien qui a uni ceux de la vallée d'Aure et ceux de la vallée de Chistau, pour une exploitation en commun des ressources agro-pastorales complémentaires des deux versants de la montagne, dans un relatif climat de sécurité, de paix et de solidarité.

   
     (Les hommes qui venaient de franchir le port de Plan pour passer d'un versant à l'autre trouvaient gîte, couvert et réconfort dans l'hospice de Rioumajou côté français et dans l'hôpital de Gistain côté espagnol. Au sujet de ces anciens "refuges" au pied des ports pyrénéens, voir aussi dans ce site des pages où il est question des deux hôpitaux situés à la convergence des sentiers franchissant le port de Bielsa, le Port Vieux et le port de Barroude :
   - l'
Hôpital de Parzan ;
   - l'
Hôpital de Chaubère, dont il ne reste que la chapelle dite "des Templiers", côté français (voir notamment la note 6).

   
   (VOIR AUSSI :
   
o dans le site :
           * 
une page où est faite la description du chemin du port du Plan ;
           * et les pages de photos suivantes :                       

                     13-1 - Le chemin du port de Plan sur le versant français
                     13-2 - Le port de Plan
lui même
                     13-3 - Le chemin du port de Plan sur le versant espagnol   
                     13-4 - Panoramas et environs du port de Plan 
                     13-5 - La Ténarèse entre la Garonne et la vallée d'Aure
                             
(avec un lien pour une page sur la voie romaine de l'Aubrac dans l'Aveyron (13-8)
                    13-6 - La Ténarèse en vallée d'Aure                
                    13-7 - Le pic Batoua

  
 o au sujet de l'histoire de la vallée d'Aure ;
         * les sites web suivants (entre autres) :
                  -
http://www.randonnee-passion.com (en musique)
                  -
http://pagesperso-orange.fr/le.moudang (n° 17 dans la liste des liens)
                  - http://moulindelamousquere.pagesperso-orange.fr (n° 18 dans la liste des liens)
;
          
                * le livre de Raymond RATIO : "Histoire Franco-espagnole et Rioumajou-Cinca", éditions Cairn, 2013 ;
         * le livre de Jacques BRAU :
"Pays des Nestes et de Comminges des origines à nos jours", éditions Monhélios, 2014.
     
     o au sujet des liens entre entre vallées françaises et espagnoles, une belle video, de Emmanuel Rondeau, sur la transhumance, dans la région de Gavarnie, entre la vallée de Broto et la vallée d'Ossoue, par le col de La Bernatoire : cette vidéo est accessible dans le site du Parc Nationl en recherchant "la bernatoire" (ou en allant dans Média et en cherchant, dans la longue longue liste des vidéos, "la bernatoire") ; durée = 16 mn 34

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    NOTES :

  1.   Ce nom dériverait de l'expression, en bas latin, " itinerem cesarem " ("chemin de César", nom qui n'implique pas que César l'ait emprunté, mais fait allusion au fait que ce chemin a été dans le passé une voie restaurée par les romains et par laquelle l'armée de Crassus a envahi l'Aquitaine) en passant par les étapes suivantes : disparition des lettres initiales et de la terminaison en em, soudure des deux mots (-> Tineresar) ; interversion des lettres e et a (-> Tinareser), ce qui donne en gascon (l'i bref devenant un é, et l'r final ne se prononçant pas), "Ténarèse". Cette étymologie est la plus communément admise : c'est celle indiquée par l'historien Paul Labrouche en 1897 (voir la page port de Plan, note 3). D'autres ont été proposées, plus ou moins fantaisistes.
   
Dans la vallée d'Aure ce chemin était aussi appelé " Cami antic " , ou " Cami real [royal]". A noter qu'en Gascogne les vieilles routes du Moyen Age portent le nom de "Camin nau".
(retour au texte)

  2. Sertorius, homme d'état et général romain, tribun militaire en Espagne révolté contre Sylla, alors maître du pouvoir à Rome, avait dû se replier en Afrique à l'avance des forces de ce dernier dans les Pyrénées. Mais en 83 av. J.-C., il franchit difficilement les Pyrénées enneigées, peut-être par le port de Plan, et instaure en Espagne, avec le soutien et la coopération du peuple conquis par ses qualités humaines, une république sécessionniste à l'image de celle de Rome (" Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis", lui fait dire Corneille). Les troupes de Pompée (le nom de Pampelune dérive de son nom), envoyé en 77 av. J.-C. par Sylla pour le combattre, mirent cinq ans pour en venir à bout, en utilisant la Gaule comme base arrière et donc sans doute le col de Panissars (proche du Perthus) et peut-être même le port de Plan pour le déplacement des troupes. (retour au texte)

  3.  Carte dessinée d'aprés celles établies par François Bonnenfant dans son site : http://www.francoisbonnenfant.fr/tenareze/route.htm (voir aussi le site : www.gasconha.com/debat/article.php3?id_article=30 ).
   A la fin du XVIIIe siècle le baron d'Etigny
avait entrepris de creuser un tunnel transfrontalier entre la vallée d'Aure et la vallée de Gistain sous le port de La Pez, trés voisin, à l'est, du port de Plan, au fond de la vallée du Louron, et Napoléon 1er a formé le projet de faire passer par le port de Plan une route militaire de Toulouse à Saragosse. (retour au texte)

  4. La contrebande était dans les villages frontaliers quelque chose d'habituel.
  Il en est question dans le site Recurut (https://recurut.eu/fr/itineraires/port-vieux/contexte-historique.html) : "Déjà au XIXème siècle, la route à travers la frontière franco-espagnole par le Port-Vieux qui [...]a été suivie par des milliers de réfugiés et de soldats républicains fuyant les troupes franquistes en 1938, a aussi été utilisée par les contrebandiers, de bétail et de produits de consommation principalement. Développant leur activité entre la France et la Vallée de Bielsa, ils sont aussi connus sous le nom de "paqueteros" (paquete = paquet, colis). Non seulement dans la vallée de Bielsa mais sur l'ensemble de la chaîne pyrénéenne, les contrebandiers sont, pendant des décennies, à l'origine du maintien du commerce aux marges des lois économiques dictées par les autorités espagnoles et françaises par des chemins qu'ils ont eux-mêmes tracés. Ces routes servent, entre 1939 et 1945, à dissimuler le passage de marchandises par la frontière, mais permettent aussi la sortie d'Europe à ceux qui fuient les persécutions nazies ou qui souhaitent rejoindre Londres ou l'Afrique du Nord dans le but d'intégrer la lutte contre l'occupant et ses alliés".
   
Relativement bien payée la contrebande apportait un complément aux revenus de la ferme, améliorant ainsi la condition des villageois, et a même été à certaines époques le principal outil de survie économique des montagnards.
    Dans les récits des premiers pyrénéistes on trouve des rencontres avec des contrebandiers : le 9 août 1797 B. de Mirbel et Jules Pasquier
viennent au secours d'un contrebandier tombé dans une crevasse sous la brèche de Roland ; le 12 Ramond et son équipe aident un contrebandier espagnol, qui se rend à Fanlo, à remonter le couloir de Tuquerouye ; le 12 août 1807 le botaniste de Candolle trouve au port de Pinède "une demi-douzaine de contrebandiers beaucoup moins génés par les douaniers que par les honnêtes gens".

    Octave Penguilly L'Haridon, Les contrebandiers, lithographie, vers 1850 (image extraite de la revue  Les feuilles du pin à crochets, n° 7, p. 4, et reproduite avec l'aimable autorisation des éditions du pin à crochets).                                                                               >
   
    La liberté des échanges transfrontaliers, assurée par les lies et passeries, était grande, surtout avant le XIXe siècle. Cependant les franchises commerciales traditionnelles étaient parfois suspendues et certains produits étaient frappés de droits de douanes élevés. D'autre part les autorités, féodales ou royales, ont jugé nécessaire à certaines époques de contrôler les déplacements de leurs sujets ou de percevoir des impôts sur les marchandises transportées à travers la frontière.
    Des douaniers vérifiaient donc le contenu des ballots, en particulier aux abords des hospices : c'était le cas à l'hospice de Rioumajou (comme le voit de Chausenque en 1836 ; voir une photo ci-dessus), et à l'hôpital de Gistain. Les guerres ou les blocus ont donné un coup de fouet à la contrebande, notamment au XIXe siècle (époque napoléonienne et première guerre carliste dans les années 1830).
    Les passeurs étaient principalement des bergers, jeunes, bons marcheurs, endurants, capables de porter de lourdes charges toute une nuit, ayant une parfaite connaissance de la montagne et des passages, et habiles à tromper la vigilance des douaniers (dont les rencontres pouvaient donner lieu à des combats mortels). Parfois la misère poussait même des femmes ou des vieillards à se livrer à la petite contrebande.
    Il faut en effet distinguer une petite contrebande, portant sur des articles courants (sucre, tabac, sel, etc..) et en petite quantité, et une grande contrebande portant sur des produits de grand commerce (chevaux, mulets, fer, draps, laine, piastres espagnoles, armes), exigeant alors une excellente et vaste organisation hiérarchisée.
    Le transport des marchandises se faisait à dos d'homme ou à dos de bêtes. Les passeurs exerçaient leur activité principalement la nuit, et ce par tous les temps et en toutes saisons (photo ci-contre).
    Les contrebandiers formaient dans les villages des groupes solidaires et égalitaires, sous l'autorité d'un responsable qui entrait en contact avec les commanditaires. Ces bandes jouissaient d'un certain prestige aux yeux des habitants.
    En effet la contrebande était considérée par eux comme une activité légitime, en accord avec l'esprit des lies et passeries (et des" fueros" aragonais), selon lesquels les échanges entre les deux versants des Pyrénées devaient rester libres. Elle était même considérée comme honorable et les contrebandiers, dont on admirait les qualités physiques (agilité, force, endurance) et morales (ruse, courage), pouvaient compter sur la sympathie et la connivence de la population, jalouse de son autonomie par rapport au pouvoir central. Y compris sur celles du clergé, comme le donne à penser ce passage d'un article de Madeleine Cabidoche (" Les gorges de Saint-Engrâce, lieux de passage ", dans la revue Pyrénées, n° 233, janvier 2008, p. 49) : " Au XIXe siècle, âge d'or de la contrebande , les femmes avaient coutume d'étaler des draps blancs, comme pour les sécher, sur les prairies de ferme en ferme, dés que les douaniers partaient en tournée. Leurs maris contrebandiers, ainsi prévenus, avaient le temps de se cacher. Le champion toutes catégories reste l'abbé Haritxabalet qui a fait passer dans un cercueil une outre de rhum à la place d'une vieille soi-disant morte. Le cercueil, précédé des enfants de chœur portant croix, cierge et clochette, passa tranquillement devant les douaniers agenouillés en signe de respect. ".    (retour au texte section 1, section 2)

  
     VOIR AUSSI les pages sur la Bolsa de Bielsa, et sur évadés de France

                                                                                                     Haut de page

  5.  Vincent de Chausenque (cliquer ici pour ouvrir une page du site Pyrénées passion qui lui est consacrée), fait, dans "Les Pyrénées ou Voyages pédestres dans toutes les parties de ces montagnes" (éditions Monhélios, tome 1, chapitre XX, page 519) le récit d'une excursion au port de Plan par l'hospice de Rioumajou pendant l'été 1836, récit qui donne une vivante idée de la fréquentation du port de Plan et mérite d'être longuement cité :
  "Depuis l'insurrection des provinces basques, des motifs de surveillance contre une contrebande qui n'est jamais bien active par les ports trop âpres du centre de la chaîne, ont fait fixer au mercredi, le seul jour où il soit permis aux Espagnols de passer le port pour aller le lendemain au marché d'Arreau. Par un hasard heureux, je m'y trouvai un tel jour [à l'hospice de Rioumajou]. Vers six heures je commençai à voir déboucher du bois qui est au fond du bassin, des hommes et des femmes portant des balles de laine ou de peaux fraîches, des ânes et des mulets chargés. A mesure que chacun arrivait, jetant sa balle à terre, il attendait que le douanier eût fait son inspection. Puis la charge était reprise et tous continuant leur route disparaissaient en aval. Parties des premiers villages de la vallée de Gistaou [Gistain], je fus surpris de voir des femmes, de jeunes filles même, faire une aussi forte course de 12 à 13 heures en portant des fardeaux et par les rudes chemins d'un port aussi élevé, car il me restait encore pour l'atteindre une montée directe de trois heures."
    
Au cours de cette montée "Sur une haute croupe semée de pins au-dessus du premier bois [celle d'où on domine l'hospice] était un tableau mouvant du plus joli effet : une foule d'Espagnols, avec leurs charges et leurs bêtes, descendaient à la file le long de cent zigzags que jamais cheval de la plaine n'eût pu aborder.
    Une femme y portait un isard que son mari avait tué la veille, et pour 3 ou 4  francs faisait ainsi plus de 25 lieues, tant pour les pauvres peuplades des montagnes l'argent est rare et le temps peu précieux."
    
Au port de Plan "[...] nous nous trouvâmes enfin sur la plus haute esplanade d'où le vent et le soleil avaient tout balayé, d'où la vue s'ouvrit immense. Là m'asseyant essoufflé, sur une de ces pierres
[les barres de quartzite]où les passants posent leurs balles et qui dans les brouillards servent à les guider , je restai ébloui du magnifique spectacle de toutes parts ouvert : la profonde vallée de la Cinqueta sous mes pieds, les montagnes espagnoles [Suelsa] en face, les masses noires et blanches de Clarabide [Bachimale, Posets] à ma gauche, et les superbes Trois Soeurs (Mont-Perdu), reflétant à l'ouest la plus éclatante lumière."
   
[...] Ramenée dans son pays par un faux espoir de tranquillité, une femme agée, tombée de lassitude sur une pierre et sans rien voir autour d'elle, les yeux tournés vers l'Espagne, se mit à dire : Por gracia de Dios vuelvo a ver la tierra de España, et une larme coulait sur sa joue amaigrie".

    VOIR AUSSI dans la revue Respyr (octobre/novembre/décembre 2020) l'article, signé Renaud de Bellefon Vincent de Chausenque, voyagzeur en montagne Pyrénées, pp. 46-49

   100 ans après, Andrée Martignon fait le récit émouvant d'une traversée pittoresque entre Tramezaygues et Gistaïn (paru dans le livre Les Pyrénées centrales, éditions ALPINA, Paris, 1946 ;les photos ci-dessous sont exraites de ce livre, légèrement recadrées) :
    "Pour le voyageur à pied, peu de courses sont aussi agréables que de passer de la vallée d'Aure à Luchon par Gistaïn et Vénasque. Je fis cette excursion en 1936, quelques semaines avant que la guerre civile espagnole ne vînt bouleverser ces contrées tranquilles. En descendant de l'autobus, à Tramezaygues, j'avais rencontré une jeune fille de Gistaïn, la belle Maria, qui, en compgnie de son père, un Aragonais sec et olivâtre, ralliait son village pour s'y marier. Son trousseau amassé jour à jour avec ses économies de servante, à Arreau, les précédait, sur un char à boeufs, dans la vallée de Rioumajou.. Charme de ces rencontres fortuites dans la montagne, qui ne nous laissent que le regret de franches minutes trop brèves ! Mon imgination, peuplée de souvenirs des bandits aragonais, célèbres dans les mélodrames, me représentait des âmes aussi farouches que les précipices de ces régions. Malgré les confidences, pendant la longue montée à l'Hospice, les songes de ma nuit s'animaient, dans cette fonda déjà sinistre, de poursuites frénétiques, à travers gorges et névés, et de faces patibulaires armées de tromblons. Le lendemain matin, à l'aube, le fiancé et son frère, arrivés de Gistaïn dans la nuit, arrimaient sur leurs épaules, dans des sacs qui leur tombaient jusqu'aux talons, draps de lit et chemisettes du trouseau, et nous montâmes avec allégresse vers le Port de Plan. Longs névés, lourdes pierrailles, prairies fleuries de gentianes et arnicas. La fiancée chantait, le père songeait, les garçons suaient. Au col, le Batoua crache sur nous un petir orage..Deux paraplies bleus, larges comme des auvents de foire, nous abritent un instant. Et nous dévalons lentement, dans un paysage dont la désolation, bientôt adouci par les pâturages, s'attendrit, à nos coeurs charmés, d'une teinte d'idylle amoureuse. Tantôt la fiancée suit le trousseau. tantôt le trousseau suit la fiancée? A l'hospice espagnol, la mère, la soeur et deux bourricots nous attendent. La nuit est close depuis longtemps lorsque l'auberge de Gistaïn
m'ouvre ses portes . Et jusqu'à une heure avancée du matin, fiancée et fiancé, frère, soeur, institutrice, cousins et amis dansèrent pour leur plaisir et aussi pour mon honneur, des
jotas mélancoliques au son de la guitare et des castagnettes. Que sont-ils devenus, un mois après, dans la folie civile, tous ces braves gens, avec leurs anciens costumes colorés, leurs abarques, leurs foulards rouges noués autour de cheveux noirs, leurs culottes courtes, et leur hospitalité exquise ? (retour au texte

       
    A gauche :
Tramezaygues ; au milieu : un aragonais ; à droite : le village de Gistaïn.

  6. La réalité de cette traversée pyrénéenne par Robinson Crusoé et ses compagnons de route dans la roman de Daniel Defoe, en novembre et décembre 1687 (plus d'un an aprés son retour de l'ile), a été établie par le trés érudit abbé gascon Léopold Médan. Dans une sérieuse étude (parue dans la Revue de Gascogne en 1910, sous le titre "Une traversée des Pyrénées centrales à la fin du XVIIe siècle. Robinson en Gascogne", pp. 385-419), modèle de critique et de déduction, il a localisé un à un les points de l'itinéraire de Robinson en Espagne à partir de Pampelune (où il doit renoncer à passer par le col de Roncevaux trés fortement enneigé : c'était dans le "petit âge glaciaire"), puis dans la vallée d'Aure (où le groupe de voyageurs affronte des ours, dont un "gigantesque", et une multitude de loups affamés, notammant dans le défilé de Rebouc), ce qui lui a permis d'affirmer qu'il avait facilement franchi la crête faîtière au port de Plan, moins enneigé. Daniel Defoe, grand voyageur, avait, vers 1690 (son roman paraît en 1719), parcouru sûrement le même itinéraire et avait donc une connaissance trés précise des lieux : il a seulement "dramatisé" la traversée dans son roman (voir ci-dessus, dans la section 4, la carte de l'ensemble des Pyrénées où figure en tirets verts l'itinéraire suivi par Robinson Crusoé entre la région de Pampelune et Toulouse).
    
(On peut :
   - lire les pages de Robinson Crusoé contenant cet épisode sur Wikisource
en
cliquant ici [chapitre 56, puis chapitres 57 et 58] ;
   - consulter dans
le blog de "La Dormeuse", la page consacrée à la traversée des Pyrénées par Robinson Crusoé [larges citations du livre
Robinson Crusoé], et dans le site auquel ce blog est associé, la page consacrée au livre ) ;
    - lire dans le livre de Jacques Brau,
Pays des Nestes et de Comminges, éditions Monhélios, 2014, les pages 266 à 269 (section : Un personnage insolite en vallée d'Aure), parfait résumé des rapports entre Robinson Crusoé et la vallée d'Aure et le port de Plan..

     Le Comité Régional de la Randonnée Pédestre mettait au point, fin 2007, un Sentier de Grande Randonnée franco-espagnol ayant pour thème : "La route Aramip, sur les traces de Robinson Crusoé" (Aramip étant l'association Aragon-Midi-Pyrénées). Une randonnée de Toulouse à Saragosse était prévue en juillet-août 2008, devant passer par le GR 86, Luchon, le GR 10, la vallée d'Aure, le port d'Urdiceto (plus connu maintenant que le port de Plan), puis, côté espagnol, par Gistain (
par le Paso del Caballos et la vallée de Christau), ou Bielsa (par la piste), puis Ainsa, Barbastro, Sariñena, Castejon de Monegros.
      (voir les sites : www.pyrenees-pireneus.com , et  http://toulouse.saragosse.free.fr ).    (retour à la carte, au texte)

                                                                                                  Haut de page

  7. Les mines de cobalt sont trés rares en Europe. Il n'en existait pas en France à cette époque, et il n'en existe actuellement que 4 ou 5 en Espagne. On y a extrait aussi du nickel.
  
 Les hollandais ont commencé à fabriquer de la faïence localement, en particulier à Delft (photo ci-dessous), au XVIIe siècle. A cette époque, qui a été son "âge d'or" (notamment, sur le plan artistique, avec Rembrandt et Vermeer) la Hollande, prospère, ayant investi dans la navigation et le commerce maritime, régnait sur les échanges mondiaux, notamment avec la Chine. Parmi les importations, la porcelaine chinoise à motifs bleus sur fond blanc eut beaucoup de succès, ce qui incita des artisans hollandais à fabriquer eux-mêmes cette poterie, consommatrice de cobalt à la base du "bleu de Delft".
    A noter en passant que l'enrichissement des Pays-bas était lié (entre autres facteurs) aux considérables revenus de la pêche au hareng, devenue possible parce que les bancs de poissons, autrefois au large de la Norvège, où un climat doux situaient la limite sud des glaces arcttiques, s'étaient rapprochés des côtes de la Hollande en raison d'une extension vers le sud de ces glaces au cours du "petit âge glaciaire". Celui-ci avait commencé vers 1300 et a régné jusqu'en 1850 environ (en témoigne par exemple un tableau de Pieter Bruegel l'Ancien peint en 1565 où on voit des chasseurs dans la neige et des personnages évoluant sur la glace). Il a été responsable par ailleurs de la présence à cette époque d'un glacier dans le versant est du pic Robiñera (voir la page consacrée aux anciens glaciers du cirque de Barrosa).

    Sur le plan géologique ce gisement de San Juan de Plan se situe dans du calcaire dévonien faisant partie d'une extension vers l'est de la nappe (chevauchement) de Gavarnie, un peu au-dessus du grès rouge du "socle".

    C'est d'abord une compagnie française qui a exploité ces mines en1650, puis une compagnie allemende au début du XVIIIe siècle (ils ont d'ailleurs, par la même occasion, introduit la pomme de terre dans la vallée de Gistain) . Ils l'ont abandonnée en 1753, la croyant épuisée (voir ci-dessous la page d'un livre).
L'irlandaisWilliam Bowles, chargé de dresser l'inventaire des ressources minières dans les Pyrénées espagnoles, constata qu'il restait en fait d'importantes quantité de minerai : la mine fut rouverte, probablement par des anglais  (lire dans l'ouvrage de André Galicia, "Aragon, terre de légendes", un chapitre intitulé "Le paso del Inglès "où il est question des mines de cobalt et de la mésaventure d'un anglais).   

<   Une page du livre Les anciens minéralogistes du royaume de France : avec des notes, par Nicholas Gobet, 1779, où l'auteur parle de ces mines de cobalt.
  
  
En 1767, Malesherbes), venu de France à dos de mulet par le port de Plan dans l'espoir de la visiter cette mine de cobalt (il s'intéressait à la botanique mais aussi à la géologie et à la minéralogie), apprend à San Juan de Plan, d'un forgeur français, qu'elle est abandonnée, et renonce à y monter (Chrétien-Guillaume de Lamoignon, 1721-1794 ; grand magistrat et administrateur, issu de la grande noblesse de robe, président de la cour des Aides, mais faisant preuve de liberté d'esprit, grand représentant des Lumières, protecteur de l'Encyclopédie , défenseur des juifs et des protestants, ami de J.-J. Rousseau, critique sévère du despotisme et de l'arbitraire monarchiques, mais défenseur courageux de Louis XVI et guillotiné sous la Terreur : un homme "aux vertus antiques et aux opinions nouvelles" [Chateaubriand]), Voir, dans le n° 163-164, 3-4 1990, pp. 147-281, de la revue Pyrénées, l'intéressant récit par Malesherbes de son voyage en Aragon..
    En 1784
un baron allemand remet la mine en exploitation et construit à Saint-Mamet, prés de Luchon, une manufacture pour y traiter le minerai transporté à dos de mulet par le port de Plan, les cols d'Azet et de Peyresourde, pour fabriquer du bleu de cobalt. C'est ainsi que, de passage à Luchon en 1787, le naturaliste Arthur Young remarque la présence d'étranges caravanes de mulets menés par d'étranges muletiers aux costumes bariolés..
    La Révolution arrête tout, mais la mine connait au XIXe siècle, à partir de 1830, un important et fructueux renouveau d'activité dont est témoin Franz Schrader lorsqu'il monte, le 9 août 1878, depuis San Juan de Plan, au pic d'Eristé par le vallon et l'Ibon de Sein (ou Sen). Le 12 juillet 1870 Henry Russell avait trouvé à la Casa del Sol à Plan, à la suite de l'attaque de brigands subie dans le Cotiella, "une foule émue de paysans français employés là aux mines", et un "M. Cordurier, ingénieur de ces mines", qui lui donna son chapeau à son arrivée nu-tête à Plan.
    Il y a le "bleu de Delft", mais il y a eu aussi le "bleu de Valentine". En effet, entre 1832 et 1864, une manufacture, installée au pied de St-Gaudens, sur la rive gauche de la Garonne, face à Valentine, a fabriqué des pièces de porcelaine de grande qualité technique et artistique, pour le décor desquelles était utilisé du bleu de cobalt qui provenait semble-t-il de l'usine de St-Mamet, donc de la mine de San Juan.

  
     Cliquer sur la photo ci-dessus (faïence de Delft, dont la couleur bleue est à base de cobalt) pour ouvrir un montage d'images associant à une carte des lieux 2 photos, l'une montrant l'ancien chemin de la mine (qui part du pont des Pecadores enjambant la gorge du rio Cinqueta en amont de San Juan), dallé en beaucoup d'endroits, face au massif duCotiella, l'autre un pan de mur (bâtiment et quai de déchargement ?) à quoi se résument les vestiges facilement accessibles de la mine de cobalt, le lieu d'extraction lui-même étant difficile à trouver).
   
A noter que cet endroit, auquel on peut monter en voiture par une piste qui part de San Juan, peut être le point de départ d'une excursion à l'Ibon de Sen ou de l'ascension de l'un des sommets qui l'entourent, par exemple le PicoBarbarisa. (retour au texte, section1, section2)

  8. Le général Juan Prim, héros militaire romantique aux yeux du peuple, fervent progressiste, néammoins monarchiste, anime dans les années 1860 l'opposition à la reine Isabelle II. Allié au général Serrano il la destitue en 1868 par un coup d'état militaire (révolution dite "La Gloriosa"). Des Cortes constituantes élues au suffrage universel votent une constitution établissant une monarchie parlementaire. Serrano est promu régent et Prim chef du gouvernement. Prim sera assassiné en 1870 par des républicains alors que l'Espagne vient de se trouver un roi en la personne de Amédée de Savoie.
   Auparavant, ayant, dans l'opposition, fomenté plusieurs prononciamentos manqués, il avait dû quitter provisoirement l'Espagne, en novembre 1867. On raconte (selon un panneau d'information planté au départ du chemin du port de Plan : photo ci-contre) que l'abbé Bruno Fierro, curé de Saravillo, qui connaissait les chemins comme personne, l'aida une nuit à s'échapper par le port de Plan. Au retour du général en Espagne l'abbé Fierro lui rappella qu'il lui devait en échange un service, à savoir gracier son frère condamné à mort. Prim lui rédigea des lettres de recommandation, mais l'abbé les déchira en disant : "Si j'avais écrit des bouts de papier pour les carabiniers, tu ne serais pas ici maintenant". Le général alors se leva, annula ce qu'il avait prévu et accompagna le prêtre au Ministère de la Justice, obtenant ainsi la grâce pour son frère. (retour au texte)

                                                                                                                                 Haut de page

   
9.  Dans son site internet le mathématicien spécialiste de mécanique, Henri Cabannes (né en 1923 à Montpellier), de l'Académie des sciences, un des 23000 évadés français (sur 30000 à 33000 tentatives) , fait un très beau et très instructif récit de son évasion par le port de Plan le 18 octobre 1943, pour, ayant interrompu ses études, passer en Espagne puis, via le Maroc et l'Algérie, rejoindre la Résistance et s'engager dans l'armée de l'air en Angleterre : on peut lire cette "odyssée " en cliquant ici pour ouvrir la page du site de Henri Cabannes où figure ce récit.
  (retour au texte)

  10. Ramond, qui s'est rendu au port de Plan en 1792, y voit (il le raconte dans les Carnets pyrénéens) "des bois coupés sur les pentes espagnoles [versant est, faibles] et dévalés sur les pentes [fortes]du port de Plan qui couvraient les rives du torrent",   sans doute dans la gorge du ravin de Caouarère, au-dessous de la bifurcation des sentiers des ports de Plan et de Caouarère. Il y eut des transports  semblables en Ariège, en particulier par le port de Salau, de bois provenant des forêts de Bonabé, dans la haute vallée de la Noguera Pallaresa, en aval de Mongarri.  (retour au texte)

  11. Cependant la vallée d'Aure est plutôt moins humide et moins enneigée que les autres vallées françaises parce qu'elle est protégée des vents d'ouest par le chaînon qui va du pic Long au pic du Midi en passant par le massif du Néouvielle et l'Arbizon, et aussi parce que, orientée sud-nord, elle est ouverte aux vents d'Espagne chauds et secs. Cette particularité retentit sur la végétation (pins sylvestres plus nombreux, phénomène de soulane accentué) et a favorisé la fréquentation du port de Plan (ainsi dans le roman de Daniel Defoé, qui connaissait les lieux, Robinson Crusoé, arrivé à Pampelune à l'automne 1688, doit renoncer à franchir les Pyrénées par le col de Roncevaux ou celui du Somport fortement ennéigés et trouve de meilleures conditions au port de Plan [tireté vert sur la carte des Pyrénées ci-dessus, section 1 ; voir la note 6]).  (retour au texte)

  12.  Cette relative autonomie allait de pair avec une organisation politique des communautés de vallée de type démocratique. Le titre de "voisin" ("vesi") était porté par les pères ou les mères de famille du village, la notion de voisinage étant intermédiaire entre celles de parenté et d'affinité (note a). Ce titre leur conférait le droit d'élire les membres (les "consuls", ou "cossous") de l'assemblée qui exerçait l'autorité suprême, et d'assister à ses réunions. Réunie sur convocation au chef-lieu, cette assemblée gérait ce qui appartenait à la communauté des "vesis" (communauté de village, ou communauté de vallée, associant plusieurs villages), décidait en particulier de la répartition des pacages, défendait ses intérêts (réglant notamment ses rapports, parfois tendus, avec les communautés voisines), faisait également office de tribunal et prenait des décisions de police (Source : Pyrénées, n° 241, janvier 2010, Jean-Louis Massourre, Les hautes vallées pyrénéennes au prisme de la démographie).
   Un détail rapporté par Louis de Froidour, chargé par Colbert de répertorier les forêts de Pyrénées (cité par l'historien Jean-François Soulet dans son livre La vie dans les Pyrénées du XVIe au XVIIIe siècle, éditions Cairn, 2006, p. 43) est révélateur de cette organisation et de l'état d'esprit des habitants : dans la vallée de Campan, quand les consuls voulaient arrêter un malfaiteur ou un criminel, ils se contentaient de lui envoyer la clef de la prison afin qu'il s'y rendit ; si au troisième avertissement il n'avait pas obtempéré, tous les habitants de la vallée se mettaient alors à sa recherche et le contraignaient à quitter le pays sans espoir de retour.

    L'indépendance, ou l'autonomie, des vallées pyrénéennes est à relativiser (comme le recommande Jean-françois Soulet) :
    - de toutes façons elles faisaient partie, sous l'Ancien Régime, des "pays d'états", qui (par opposition avec les "pays d'élection" soumis directement à la juridiction d'officiers royaux, les "élus"), sont des provinces où les états provinciaux (assemblées des représentants des trois ordres) conservaient le privilège de consentir l'impôt et de le répartir à leur guise ;
    - les Gaulois avaaient
déjà quasiment mis en place un système de démocratie directe : les peuples gaulois étaient divisés en "pagi" (dont les dimensions étaient à peu près celles d'un canton actuel) qui jouissaient d'une autarcie économique et d'une certaine indépendance politique puisqu'ils disposaient d'une véritable constitution, regroupant un ensemble de lois, et avaient des assemblées regroupant en principe tous les habitants, élisant pour un an un magistrat civil et un magistrat militaire (source : Jean-Louis Brunaux, Une démocratie à la gauloise, dossier Pour la Science, n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 50) ;   
    - plus loin dans l'espace a existé une société comparable : celle créée par des Vikings venus
en l'an 830 de Norvège et des îles britanniques s'établir en Islande alors vide de tout habitant pour y former une unité de population qui, forte de 60 à 70000 habitants, restera libre et indépendante jusque vers 1200 (source : Jesse Byock, L'Islande des Vikings, préface de Jacques Le Goff, édition Aubier/Collection historique). Cette société médiévale, dont l'histoire est connue par les "sagas", d'abord orales puis écrites aux XIIe et XIIe siécles, se singularise par les traits originaux suivants :
       .
civilisation agro-pastorale ; propriété privée ; fédération de fermes isolées, sans villes ni villages ;
       . création d'institutions de type démocratique : pas d'Etat ni d'organe exécutif ou coercitif (pas d'armée, ni de police, ni de tribunaux), mais des assemblées locales annuelles et une assemblée générale (l' " Althing "), élues, qui traitent les litiges entre fermiers et éventuellement modifient les lois ; attachement passionné de la population au droit (rappelé dans les assemblées par un " récitateur-de-la-loi ", élu) et état d'esprit la portant à la recherche de consensus ou de compromis pour apaiser les conflits ;
       . refus en principe de la hiérarchie entre individus, mais inégalités de fait, qui rapprochent le régime politique de l'oligarchie : des fermiers (les " godars "), capables par leurs talents de jouer les médiateurs pour défendre d'autres fermiers contre rétribution, forment un élite riche et influente.

     note a.  Côté français le terme "vesiau" (prononcé bésiau ; il s'écrit aussi "véziau " ; exemple : la "montagne de 4 véziaux", voir note 13), du latin vicinus (voisin), désignait aussi, au centre de la chaîne, une communauté villageoise (ou "Paroisse") et plus généralement l'association de "vesi", de "voisins, qui avaient des intérêts communs (on l'utilise aussi pour désigner la commuauté de plusieurs villages, le "Vic" [qu'on retrouve dans Vicdessos, Vic-Bigorre] , et celle de l'ensemble des Vics d'une vallée, appelé la "Vallée", le "Pays", voire parfois la "République").    (retour au texte)

  13.  En 1475, Louis XI, rattachant à la couronne les "Quatre vallées" (ou les quatre "véziaux" : Magnoac, Barrousse, Nestes et Aure ; à ne pas cofondre avec les "quatre véziaux" de la vallée d'Aure, Cadéac, Ancizan, Guchen et Grézian, propriétaires de la vaste étendue de pâturages en amont de Payolle en vallée de Campan dite "montagne des quatre véziaux"), confirme les anciens privilèges des habitants de la vallée d'Aure (parmi lesquels la possibilité justement de passer des accords avec les voisins du versant sud), qui acceptent ainsi de devenir sujets du roi, mais en restant autonomes, à charge pour eux de veiller à l'intégrité de la frontière contre les convoitises étrangères et d'entretenir une garnison au château de Tramezaïgues. En 1495 Charles VIII approuve également ces ententes.
    C'est la Révolution qui, paradoxalement, abolira ces franchises et coutumes. (retour au texte)
                                                                                    
                                                                                                                                       
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  14.  L'étymologie du mot lie est en effet la même que celle des mots lien ou alliance, c'est-à-dire les mots latin ligare (lier) et occitan ligas , et celle du mot passerie, patzeria en espagnol, la même que celle des mots paix ou pacte, c'est-à-dire le mot latin pax.  Cependant d'autres origines sont possibles pour le mot passerie : le verbe passer (il signifierait alors droit de passage), ou l'espagnol pacerias, venant du verbe paître, ou encore le mot espagnol facerias (pâturages en bordure du territoire).   (retour au texte)

    15.  Dans une monographie d'Aragnouet rédigée en 1887 son auteur (Bertrand Ousten, instituteur à Fabian) écrit : "Sous Louis XIV, par un jugement en acte du 23 juillet 1668 le Grand Roi s'empare des dites montagnes mais les consuls et habitants d'Aragnouet font opposition au jugement rendu et Sèvre et Dufaudour, conseillers du roi, délégués l'un à la généralité de Montauban et l'autre au département de la grande maîtrise de Toulouse réforment le dernier jugement et maintiennent à la commune d'Aragnouet la propriété et la jouissance de toutes leurs montagnes, à condition de payer au trésorier du roi ou à son fermier 50 sols et de tenir en bon état les chemins qui vont de France en Espagne, le long du terroir du dit Aragnouet et il est défendu au procureur du roi de troubler les habitants dans la jouissance de leurs montagnes" (Source : site de l'Amicale des Bigourdans de Paris, www.bigourdans.com ).    (retour au texte)  
 
   16.  Emile Belloc (voir la page consacrée à F. Schrader et aux pionniers du pyrénéisme) décrit ainsi (dans son livre "De la vallée d'Aure à Gavarnie par le nord de l'Espagne", p. 29) l'ancien costume aragonais de son porteur, qui demeurait à Javierre, au-dessus de Bielsa :
  "[...] une culotte courte en velours bleu, descendant jusqu'au genou, fendue sur le côté à la partie inférieure, et garnie de boutons de métal. Des bas de grosse laine dessinaient les mollets. Une large ceinture, la faga, entourait plusieurs fois les reins et l'abdomen. Par dessus la chemise, était placée une sorte de camisole en toile blanche assez grossière, ouverte sur le devant et ornée de broderies de diverses couleurs. Et pour recouvrir le tout, un gilet, on bien une veste en drap sombre très courte à col droit et à grand revers. L'avarca [ou abarca, morceau de cuir attaché par de longues lanières de cuir] ou l'alpargata [espadrille] de Barbastro servait de chaussure à ses larges pieds."   (retour au texte)

   17.  Même si chaque vallée tenait à affirmer sa personnalité par des variantes culturelles.
    Au sujet de l'habitant des Pyrénées espagnoles, le comte Aymard d'Arlot de Saint-Saud (1853-1951), qui , dans les années 1880, les a parcourues en tous sens pour en établir la carte, écrit ceci dans le livre "Contribution à la carte des Pyrénées espagnoles", 1892 :

  "Esprit ouvert, vif, intelligent, plus instruit qu'on ne croirait, sachant d'instinct lire une carte, il saisissait rapidement ce que je demandais de lui, et ses réponses empreintes de beaucoup de bon sens m'ont souvent donné sur les montagnes des aperçus que je n'aurais pas eus. Tout d'abord, surpris de l'intérêt que j'apportais à la nomenclature des noms de lieux, cols et sommets, à la direction des torrents, etc., il comprenait bien vite que mon travail ne serait pas sans quelque utilité pour les ingénieurs [...] qui s'occupent de tracés de chemins de fer, de recherches géologiques et autres études [...].
   Bonté, amabilité, générosité, franchise, honnêteté, fierté native se décelant dans le regard et la démarche, acceptation résignée des choses et des faits accomplis, grande ardeur au travail, tels sont les principaux traits du caractère des habitants de ce coin d'Espagne, auxquels il faut ajouter une certaine rudesse extérieure, un peu de susceptibilité et beaucoup de loquacité. Le montagnard catalan passe pour moins entêté que l'aragonais, dont la tête, à en croire le dicton, enfonce les clous, mais il a moins de souplesse, moins de franchise peut-être.
   On voit donc quel contraste frappant existe entre les habitants d'au-delà et d'un-deçà des Pyrénées. La comparaison n'est point, hélas ! en faveur de notre montagnard, moins vif de corps et d'esprit. L'un subit les rigueur d'un climat rigoureux et glacé, l'autre est réchauffé par les ardeurs d'un soleil africain. Chez le premier, des pluies fréquentes et des neiges abondantes contribuent à la fertilité des prairies ; le second, moins privilégié-- le massif des hautes cimes étant au midi relativement étroit,-- privé de routes et de canaux, doit lutter en plus contre l'aridité d'un sol plein de rochers brûlants et desséché par les vents. Il est en outre accablé d'impôts.. Mais avec une philosophie qui tient du fatalisme (bien que ses vallées n'aient jamais été occupées à demeure par les Arabes), il se console en répétant : "Ainsi ont été nos pères, ainsi devons-nous être, ainsi serons nos enfants !" Religieux sans ostentation ni superstition, il supporte patiemment sa vie pénible [...].
   L'hospitalité esr restée, davantage que chez nous, dans les moeurs espagnoles ; les touristes, surtout étrangers qui s'égareraient dans quelque vallée reculée de nos Pyrénées pourrait constater la différence. En Espagne j'ai toujours été profondément touché de l'accueil qui m'a partout été fait; à de rares exception près.
   [...] Au premier abord on est reçu froidement par le paysan ; mais sitôt qu'il sait à qui il a affaire, et surtout si vous avez une recommandation [...], vous êtesconsidéré comme un ami de la famille. Joignez à cela une grande discrétion, car on ne vous encourage pas ; à vous d'expliquer si bon vous semble le motif de votre passage ; puis pendant votre séjour c'est une courtoise déférence qui n'a cependant rien d'obséquieux.

  <      Monument aux fueros du Sobrarbe, Plaza del Castillo, à Aïnsa : inscription "Sobrarbe a sus fueros", au-dessus de l'emblème du Sobrarbe, le chêne (dans un disque, devant une croix [note a]).

[...] Braves Espagnols des Pyrénées, vous êtes les descendants de ces
ricos-hombres qui disaient à leurs rois d'Aragon le jour de leur couronnement : "Nous qui seuls valons autant que toi et, réunis, plus que toi, nous te faisons notre roi, pour que tu conserves nos traditions et nos libertés ; sinon, non !" [photo ci-contre]. N'oubliez pas ces fières paroles (note b), elles seules dénotent qui vous êtes, et ce que vous devez continuer à être ; je ne suis donc plus étonné de trouver chez vous tant de qualités réunies. Moi, infanzon du midi de la France, je suis heureux de les proclamer, je suis fier d'avoir parcouru vos belles montagnes où le soleil brasille d'une ardeur incomparable, d'avoir pris part à vos danses, à vos fêtes, d'avoir chanté ces gais couplets de jotas aragonesas que vous saviez si bien improviser en mon honneur ; je suis fier d'avoir contribué à faire connaître votre pays. Mon plus cher désir est que l'on vous estime, l'on vous aime, l'on vous admire, comme j'ai appris à le faire en vivant, à diverses reprises, sept mois de votre vie si calme et si profondément honnête ! Je remercie Dieu de me l'avoir permis".
    
     
note a.  Si on admet que le disque figure le soleil, il pourrait s'agir du symbole (double) de la " croix solaire ", que Henri Lefebvre, notamment, reconnait sur les tombes basques (dans son livre " Pyrénées ", éditions Cairn, 2000), et qu'on trouve surtout dans l'ouest des Pyrénées. Traditionnellement on l'interprète comme signifiant la victoire du christianisme sur le culte païen du soleil. Pour Henri Lefebvre, qui parle, en inversant les termes, de " soleil crucifié ", il aurait aussi une signification plus ancienne et plus profonde : il traduirait, chez l'homme, la tension entre d'une part la vitalité, la spontanéité, la démesure, l'ardeur, la générosité, de la nature, figurée par le soleil et parfois aussi par la lune et les étoiles, et d'autre part la rationalité, donc la contrainte, la limitation, la mesure, le calcul, la nécessité de faire des choix, qu'implique la culture, figurée par la croix (qui n'aurait pas alors sa signification religieuse, mais celle d'interdit ou de bifurcation).

    note b. En fait ce prétendu serment serait une invention d'un jurisconsulte français du XVIe siècle, aussitôt reprise par un chroniqueur aragonais. D'autre part ces "libertés" par rapport au pouvoir royal n'autorisent pas à parler d'ébauche de démocratie dans le royaume d'Aragon, étant donnée la puissance des seigneurs et du clergé , liée à leur richesse foncière (Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne, Fayard, 1996, p. 102).    (retour au texte)

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  18.  Peu avant, en 1375, une junta (assemblée) avait réuni au col de la Pierre-Saint-Martin les édiles du Roncal, en Navarre, et du Barétous, en Béarn, pour mettre fin à un conflit sanglant. Ce traité (dit " Junte de Roncal", ou "tribut des trois vaches", dû par les français aux espagnols) est encore renouvelé tous les ans, le 13 juillet, au col de la Pierre-Saint-Martin, au cours d'une cérémonie qui attire beaucoup d'habitants de ces vallées.  (retour au texte)

  19.  Notamment des raisins, comme en témoigne Arlot de Saint-Saud. Le 10 octobre 1879, dans la longue (quatre heures), difficile et fastidieuse descente du pic d'Aret, lui et ses compagnons (dont le guide Henri Passet) se reposent à une fontaine. "Après quelques instants, raconte-t-il (dans un article du Bulletin de la Société Ramond, 2e trimestre de l'année 1880, pp.79-88, "Le pic d'Arré,de Castets à Bielsa et à Gavarnie"), nous repartions avec entrain sur de douces pentes herbeuses, cueillant des noisettes tout le long du chemin, et rencontrions par un surcroît de bonheur, juste au moment où nous tombions sur le chemin de l'Hospice [de Rioumajou] un Espagnol et sa mule. Or, cette mule portait des paniers contenant des raisins gros et délicieux comme ceux de la terre promise, en acheter fut l'affaire d'un instant ; puis, après les avoir lavés et rafraîchis au filet d'une source, nous dîmes que le raisin était le meilleur des fruits : ce que nous ne pûmes absorber fut soigneusement plié dans un mouchoir et fit nos délices pendant la course du lendemain.
   [...] Nous franchîmes d'un pas accéléré les sept ou huit kilomètres qui nous séparaient de l'Hospice de Riou-Mayou."
   Il est probable que l'espagnol, avec sa mule, avait passé le port de Plan, venant de la vallée de Chistau, pour aller vendre ses raisins aux habitants de la vallée d'Aure.   (retour au texte)

  20. Il existe dans les Alpes un chemin "historique", qu'on peut rapprocher de la partie pyrénéenne de la Ténarèse, le "chemin de la Vanoise" (photo ci-contre), reliant Moûtiers, dans la Tarentaise, à Turin, dans le Piémont. Il passait par Pralognan, le col de la Vanoise, Termignon dans la Haute-Maurienne, et le col du Mont Cenis.
   Pendant plusieurs siècles, quand n'existaient ni routes ni voies ferrées, il a vu défiler, à pied ou à dos de mulet, toutes sortes de personnes : colporteurs, contrebandiers, bergers en transit avec leurs troupeaux, prêtres réfractaires sous la Révolution, troupes alpines. Transitaient par ce chemin diverses marchandises : riz, soie en provenance de Venise, draps et tissus de laine de Flandres, épices venues d'Orient. Mais aussi, à dos de mulets, une partie du minerai de plomb argentifère (comme le chemin des mines du cirque de Barrosa) tiré des mines de Peisey-Nancroix, dans la Tarentaise, entre le XVIIe siècle et leur fermeture en 1866, et surtout du sel provenant de la saline de Moûtiers (Salins-les-thermes), fermée à la même date. Les fromages ont pris le relais, d'où l'autre nom du chemin : "Route du sel et du Beaufort".
    Cet itinéraire fait aujourd'hui l'objet d'une mise en valeur.
  (Sources :
     - revue
La montagne et alpinisme, n° 240, juin, juillet, août 2010," Le chemin de la Vanoise Un tracé historique", article réalisé grâce à l'aide de Geneviève Ruffier-Lanche)
     - livre "
La traversée des Alpes. Essai d'histoire marchée", Antoine de Baecque, éditions Gallimard, 2014, p.158-162).(retour au texte)

   21. Dans son livre, Pyrénées, Ascensions et voyages, Carnets 1958-2008, éditions Espaces d'altitude et Librairie des Pyrénées, 2010, p. 66, Claude Dendaletche évoque une autre voie romaine (une "Calzada romana") transpyrénéenne qui franchit la crête frontière au Puerto d'o Palo (Col de Pau) à 1942 m. Elle "permettait de passer du Pays des Gaules vers Cesaraugusta (Zaragoza) et [...] fut empruntée par les pélerins de Compostelle jusqu'au XIe siècle, période à partir de laquelle le passage par le Somport [un peu plus à l'est] prédomina". " Je songe aux légions qui passèrent là-haut et dont quelques dalles du chemin doivent encore porter les traces " ajoute Claude Dendaletche. Du col elle descendait, côté espagnol, sur Guarrinza, grande clairière où confluent les eaux du Barranco de Acherito, du Barranco d'as Fova et du rio Aragon Subordan, et où se situe un Refugio de la Mina et des vestiges mégalithiques. En aval, dans la vallée du rio Aragon Subordan, elle passait au Monastère de Siresa et à Hecho.   (retour au texte)

   22. Une pièce de monnaie (un as de Tibère, frappé à Calagurris, ville du cours moyen de la vallée de l'Ebre) a été fortuitement découverte au Port Vieux (2378 m.).  (retour au texte)

   23. L'historien Christian Rico, dans son livre "Pyrénées romaines, essai sur un pays de frontière", édition Casa de Velasquez, 1997, p. 232, note 11, va jusqu'à émettre l'idée que les aménagements du chemin constatés aux abords du port de Plan ne sont pas anciens et qu' "on peut les lier plus sûrement à l'exploitation des mines de cobalt de Gistain dont le minerai était, à la fin du XVIIIe siècle, évacué à dos de mulets vers la France" (voir note 7).    (retour au texte)

   24. Notamment en juillet 1812, où les habitants de Bielsa allaient être attaqués par une bande de hors-la-loi. L'alcade de Bielsa fit appel aux habitants du Plan qui, armés et porteurs de tambours et trompettes se rendirent aussitôt en aval de Bielsa où, postés avec des habitants du village à deux vieux ponts, ils mirent en fuite au petit matin les bandits venus de Ainsa. Lorsqu'il y avait pénurie et famine dans le val d'Aragnouet, les habitants rejoignaient Bielsa pour subsister, ou bien les espagnols leur fournissaient du pain fabriqué avec le seigle cultivé sur leurs panares (terrasses de culture) (voir le livre de Jean-Bernard Vidal, Si Aragnouet m'était conté, P. 94).   (retour au texte)

   25. Le 13 août 1923 Alphonse Meillon rencontre un berger aragonais dans la vallée du rio Ara où il travaille à l'établissement de sa carte du Vignemale. Il a avec lui une intéressante et instructive conversation (il aurait pu en avoir une analogue avec un berger de la vallée d'Aure), d'abord sur la toponymie de la région. puis sur les rapports entre les populations des deux versants des Pyrénées. Il la raconte ainsi (dans le livre "Excursions autour du Vignemale", éditions MonHélios, 2010, pages 274 à 281) :
   " Et ce bon aragonais, qui est souvent venu à Pau et à Tarbes où il a travaillé comme terrassier, se met à me fournir des explications, dans le plus pur béarnais, très ressemblant, dit-il, au patois aragonais.
   Les noms de cette région de montagne ne sont pas toujours du plus pur castillan ; j'ai constaté, en effet, que certains termes de la nomenclature de ces montagnes ont une forme béarnaise, légèrement
aragonisée, si l'on peut s'exprimer ainsi.
   Dans les vallées de Broto,de Torla, de Biescas et de Panticosa, on parle bien un peu de castillan, mais surtout l'aragonais.
   En cette région frontière, sur les deux versants, on saisit les traces que laisse la pénétration réciproque des peuples voisins. J'ajoute même qu'ici, un lien naturel et solide que rien n'a pu rompre, ni les traités, ni les frontières devenues remparts, unit ces populations montagnardes, issues de générations de peuples pasteurs de même origine. Il y a ici quelque chose d'analogue à ce qui s'est produit en Pays basque, où la langue basque est la langus nationale, tandis que la langue française fait figure d'étrangère, au même titre que la langue espagnole.
  Avec notre berger nous traduisons et essayons d'appliquer les dénominations géographiques ou noms génériques communément admis, aux formes, à la nature ou à la situetion des lieux. [...]
   Monté depuis plusieurs jours de Broto il se plaint amèrement d'avoir trouvé dans dans
son pâturage des troupeaux français qui, ayant précédé le sien, y avaient tondu sévèrement les herbages.
   C'est là un reproche qui, de tout temps, a provoqué bien des discordes, des luttes, des combats inévitables. Les causes de tels conflits é
taient nombreuses. Parfois ce sont des pâturages qui manquent d'eau pour abreuver les troupeaux, tandis que sur les versants voisins les sources pures abondent. Ici il y a de bons herbages ; un peu plus loin ils sont mauvais. Dans les premiers, l'herbe est bien exposée, drue, grasse et nourrissante ; dans les mauvais, elle est desséchée, brulée et envahie de plantes incomestibles pour le bétail.
   Les époques jouent aussi un rôle ; certains pâturages exposés au Midi sont de bonne heure débarassés de la neige. On les recherche d'abord. On se disputera également, plus tard, les versants nord, qui conservent plus longtemps leur fraîcheur. Les versants du côté espagnol sont déjà grillés par le soleil, tandis que les versants français sont encore abondamment pourvus et frais.
 
Toutes ces causes provoquent des deux côtés de la chaîne, des impatiences naturelles, que les bergers ne préméditent pas, mais que le bétail leur impose par sa migration instinctive.
   Si l'on recherche l'origine des traités de lies et passeries (accords conclus entre vallées françaises et vallées espagnoles) dont nous parlé avons plusieurs fois à propos de la vallée d'Aussoue
[Ossoue], il faut remonter fort avant dans l'histoire, jusqu'au temps où les Pyrénées ne constituaient pas une limite politique. Alors le massif montagneux unissait les hommes, bien plus qu'il ne les séparait. La Bigorre se trouvait alors sous la dépendance de l'Aragon, et la Navarre chevauchant la chaîne débordait vers le Béarn.
   Unies sous la même domination ces vallées n'avaient pas à subir les contre-coups économiques de deux politiques différentes. On arrivait naturellement à conclure des accords selon les nécessités locales et en tenant compte des facteurs que nous venons d'énumérer qui conditionnent le travail des pasteurs.
   Il en résultait des règlements pour l'usage des pâturages, des eaux, des bois, même sur l'occupation des
cuyéus ou cabanes, et aussi par rapport aux antiques hôpitaux ou refuges établis tant en France qu'en Espagne, dans les hautes vallées les plus fréquentées où l'on recevait les passants qui franchissaient les montagnes. Des moines de l'ordre des Hospitaliers dirigeaient ces établissements et offraient aux passagers, secours et abri. De telles conventions pastorales furent ensuite absorbées dans les traités politiques internationaux. Mais tous ces documents diplomatiques n'empêchèrent jamais les moutons de passer d'un versant à l'autre, s'ils trouvent l'herbe mieux à leur goût. Les moutons sont plus forts que les diplomates. (retour au texte)

  

    (SOURCES :
  - 
de BELLEFON (Patrice), CLIN (Michel), BALCELLS  ROCAMORA (Enrique), LE NAIL (Jean-François) : Tres serols - Mont-Perdu, Patrimoine mondial de l'UNESCO.
  - BRAU (Jacques) : Pays des Nestes et de Comminges des origines à nos jours, éditions MonHélios, 2014.

  -
BRIVES (Annie) : Pyrénées sans frontière, éditions Cairn, 2000.
  -
Collectif (bi-lingue) : Rapports historiques de la vallée de Bielsa avec la France, édité par la mairie de Bielsa et le musée ethnologique municipal de Bielsa, 1997 (article : Lies et passeries entre les vallées de Bielsa (Béousse), d'Aure et de Barège au XVIe et XVIIe siècles, par Célia FONTANA CALVO, pp. 11-36 et 121-145).
  -
sous la direction d'André LEVY : Dictionnaire des Pyrénées. Encyclopédie illustrée France-Espagne, édition Privat, 1999 (articles : Lies et passeries, par B. KAYSER et Le Plan d'Arem, par Ph. MARC, p. 486).
  -
RATIO (Raymond) : Histoire Franco-Espagnole et Rioumajou-Cinca, éditions Cairn, 2013.
  -
RICO (Christian) : Pyrénées romaines. Essai sur un pays de frontière (IIIe siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C.), Bibliothèque de la Casa de Vélasquez, 1997.
  -
SERMET (Jean) : communications déposées aux Archives départementales des Hautes-Pyrénées :
        .
La froutière des vallées d'Aure et de Bielsa,
(notamment la 6e section : Les lies et passeries et leur mise en pratique) ;
        . Port du Plan ou de Rioumajou (2527 m), croix 327.
  -
SOULET (Jean-François) :
        . La vie dans les Pyrénées du XVIe au XVIIe siècle,
éditions Cairn (collection La vie au quotidien), 2006 ;
        . Les Pyrénées au XIXe siècle,
éditions Eché, 1987.
  - VIDAL (Jean-Bernard) : Si Aragnouet m'était conté
, éditions Cairn, 2011.)

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  Page mise à jour le 16 février 2021