Photos :
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     Vallées de La Gela, de Saux, de Badet et du rio Pinara : les mines de La Géla
 

                     
    En haut, cartes situant et détaillant les mines de La Géla, dans le vallon descendant du Port Vieux vers le grand replat de la vallée de La Géla.
     En bas, PHOTO de la plate-forme regroupant des bâtiments et des installations techniques, à 2010 m d'altitude, au-dessous des principaux sites d'extraction du minerai. De l'autre côté de la petite gorge où coule le torrent qui descend du Port Vieux, on voit les lacets du chemin du Port Vieux. En haut et à gauche de la photo, ensoleillé, le grand replat.


     
    PHOTO du vallon descendant du Port Vieux dans la vallée de La Géla, prise du sommet du pic de La Géla, en face.
    Les incrustations situent les différents sites répartis en trois étages :
  - en haut (environ 2160 m), les principaux lieux d'extractions (galeries, tranchées) avec leurs déblais, et des ruines de bâtiments perchées sur un éperon ;
  - en bas (2010 m) la plateforme ;
  - entre les deux, un étage intermédiaire où se situent d'autres galeries. A en croire la carte IGN cet étage était relié à la plateforme par un câble aérien, sans doute à une époque tardive de l'exploitation. Des vestiges de ce qui semble avoir été une conduite d'eau sont visibles entre une retenue et la plate-forme.
   
    C'étaient des mines de plomb argentifère principalement, c'est-à-dire de galène (comme celles du pic Liena), et accessoirement de fer (sidérite, pyrite, chalcopyrite). Le minerai était donc pourvoyeur de plomb et d'argent. Les filons sont enchassés dans des schistes ardoisiers ordoviciens, entre deux failles distantes de 100 m.
    
    Ces mines ont une longue histoire (note 1). Elles ont peut-être été exploitées déjà par les romains. Dès le XVe siècle, du fer était extrait dans le val de La Géla. Elle sont signalées (sous le nom At-Géla) dans un inventaire des gîtes métallifères pyrénéens au XVIIe siècle (par Jean de Malus en 1600), époque où existait une forge au confluent des Nestes d'Aure et du Moudang, travaillant le fer (voir la carte de Roussel).

    Entre 1755 et 1912 leur exploitation a été sporadique. C'est au milieu du XIXe siècle qu'elle a été le plus active. Plusieurs concessionnaires différents, industriels ou affairistes, se sont succédés (note 3). Le 6 août 1862 les communes de Guchan et Bazus-Aure, propriétaires en indivis des pâturages (depuis 1495), y autorisent prospection et exploitation par le célèbre ingénieur Maréchal. Les aménagements pour le transport et le traitement du minerai ont varié (voir un exemple ci-dessous). Des avalanches les ont parfois détruits. La rentabilité s'est souvent avérée inférieure aux promesses d'une prospection hâtive.
    A partir de 1912 l'exploitation (par la société Penarroya puis la Société des mines de La Géla aprés la guerre 1914-1918) semble avoir été plus continue, avec des aménagements plus importants. Sur la plateforme les ruines datent peut-être de cette époque : ruines de logements et de ce qui semble avoir été une petite usine de concassage, triage et lavage, alimentée par une conduite d'eau descendant d'un petit barrage sur un torrent 200 m au-dessus. Le minerai était descendu dans la vallée par des tombereaux tirés par des boeufs. L'exploitation de ces mines s'est arrêtée en 1931, du fait de la chute des cours du plomb et de l'argent à la fin des années 1920. Quelques centaines de tonnes de concentré de plomb en auront été extraites.
    Dans les années 1920 les ouvriers montaient travailler aux mines à la fin du printemps et restaient sur place jusqu'à l'automne (moyennant quelques escapades pour voir leurs familles), dans des baraquements avec dortoirs et cantines. Une année, à la fin du mois d'octobre, lors d'abondantes chutes de neige, une avalanche emporta ces baraquements, dont la cantine : heureusement les ouvriers, qui travaillaient aux mines à ce moment-là, ont été épargnés (note 2).

    
    Il existe au bas de la pente, au bord du grand replat, vers 1780 m d'altitude, pas loin du petit torrent qui descend du port Vieux, des pans de mur étagés qui ont été vraisemblablement ceux d'une ancienne laverie, bâtiment qui implique des plans étagés (voir la page de photos consacrée à cette hypothétique laverie). Si on en croit un document (voir ci-dessous) l'eau nécessaire au lavage provenait du proche petit torrent qui draine le vallon où sont exploitées les mines, mais aussi, du moins dans les années 1920, du déversoir du grand lac de Barroude, capté par une conduite métallique. Le minerai des mines de La Gela y était peut-être descendu par un câble aérien. A une période plus ancienne elle a peut-être été utilisée aussi pour le traitement du minerai provenant des mines du pic Liena

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PHOTOS de l'ensemble du site minier.
   En haut, les mines, dans le versant nord du pic de Port Vieux (en haut, à droite), telles qu'on les voit du chemin qui monte au Port Vieux. En bas et à droite de la photo, la plateforme (2010 m), et à gauche du centre de la photo, les lieux d'extraction, au-dessus (2160 m) et à la base de la petite falaise, avec les déblais rougeâtres au-dessous des galeries et tranchées d'où était extrait le plomb argentifère..
   En bas et gauche, les installations techniques de la plateforme, au pied d'une petite falaise, avec semble-t-il un système de lavage et de triage (et peut-être la station inférieure d'un petit câble aérien faisant descendre le minerai, si on en croit la carte IGN).
   En bas et à droite, la plate-forme, avec les ruines de bâtiments, sur fond de muraille de Barroude (la dent du Gerbats et, à droite, le pic de La Géla).
 

      
   Vue dominante sur les bâtiments supérieurs de la zone d'extraction, au bord de la petite gorge dans le flanc gauche de laquelle ont été creusées des galeries. Une tranchée et d'autres bouches de galeries sont visibles derrière, en haut du pierrier. A gauche, le chemin muletier qui plus haut monte au port Vieux.
  
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PHOTOS des lieux d'extraction du plomb argentifère.
   En haut, à hauteur des bâtiments supérieurs, des galeries et une tranchée.
   En bas : à gauche et au centre, l'entrée de deux galeries, l'une à l'étage supérieur, fermée par une grille, l'autre à l'étage moyen ; à droite, une tranchée, à côté des bâtiments.
   

    
   PHOTOS des bâtiments supérieurs, sur un éperon au bord d'une petite gorge.
   En haut, deux photos superposables, l'une ancienne, prise en 1903, l'autre actuelle (août 2007), montrant le panneau d'information sur les mines (sur lequel figure la photo ancienne), au bord du chemin du Port Vieux. Au fond, une partie de la muraille de Barroude (pic Gerbats à gauche, pic de La Géla à droite).
   En bas : à gauche, le flanc de la petite gorge, sous les ruines, percé de galeries ; à droite, les bâtiments supérieurs, dominant le grand replat de la vallée de La Géla.
 

       
  
Autre PHOTO montrant, sous les ruines des bâtiments supérieurs, des galeries, ou des amorces de galeries, percées dans le flanc gauche de la petite gorge.
   En arrière-plan, par-delà la vallée de La Géla, de gauche à droite : le pic Gerbats (2904 m), le pic de La Géla (2851 m), la Hourquette de Chermentas (2439 m), le pic de Bassia de Nère (2613 m) et le pic de Piau (2696 m).


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    Exemples de projets d'aménagement (l'auteur du site remercie M. Jean Prugent et Me Eugénie Embrun pour les lui avoir communiqués) qui n'ont peut-être pas été réalisés, ou seulement en partie :
 
 - ci-dessus, celui, daté de1863, d'un industriel, Henri Maréchal, associé à deux toulousains, les fréres Pontic, à l'appui d'une demande de concession aux communes de Guchan et Bazus-Aure (villages de la vallée, en aval de St-Lary, propriétaires indivis des pâturages environnants). C'est le plan (avec d'épaisses courbes de niveau) des aménagements projetés pour le transport du minerai, en particulier celui d'un "glissoir" (c'est le mot qui figure sur le plan). Il s'agit d'une glissière hydraulique, c'est-à-dire d'une rigole en pente où un rapide écoulement de l'eau entraine le minerai. Construite vraisemblablement en 1864, longue de 400 m., entre un bassin collecteur à 2005 m. d'altitude, au niveau de la plate-forme, et un bassin récepteur, à 1870 m., voisin de la laverie, elle avait une armature en bois, supportée par des piliers en maçonnerie (dont il resterait des vestiges ?). Elle semble avoir fonctionné pendant quelques années. Etaient aussi en projet, dans le grand replat de la vallée de La Géla, un chemin de fer et une maison : mais ils ne semblent pas avoir été construits.  

- ci-contre, extrait d'un plan, non daté, ou d'un projet, d'installations minières au bord du "plareau de La Géla", comportant : une "Usine et laverie" (à laquelle paraissent correspondre les pans de mur actuels). Un "câble" y amenait le minerai des mines de La Géla, et une "conduite forcée" y amenait l'eau captée au déversoir du lac de Barroude (voir une des photos ci-dessous). A noter, à gauche, l'"ancien sentier des mines de Liena".

  SOURCES (rassemblées avec l'aide de Jean Prugent, auteur d'un site Web sur la vallée de Moudang) : Frantz-E. Petiteau, Autrefois en vallée d'Aure, Alan Sutton, p.164-171 (chapitre de Yvan Tixador) ; Thèse de Claude Dubois, 2004 ; Philippe Vivez, Les richesses oubliées de Parzan, dans Rapports historiques de la vallée de Bielsa avec la France, mairie de Bielsa, p.147-164 ; André Péré, Mines des vallées des Nestes (Aure et Louron) ; Archives départementales des Hautes-Pyrénées, S 617.

    
                 
   
Pièces métalliques trouvées dans la vallée de La Géla, les unes (à gauche) dans le grand replat, provenant soit des mines de La Géla, soit du câble aérien du chemin des mines (s'il a bien existé), une autre (à droite) à proximité des ruines de la probable laverie, qu'on voit au fond. En 1917, il semble qu'ait été projetée et peut-être réalisée, par la "Société anonyme des mines de La Géla", une usine-laverie destinée à la fois à fournir de l'electricité et à recevoir de l'eau nécessaires pour broyer et laver le minerai, grâce à une conduite forcée de 20 cm de diamètre, captant l'eau au déversoir du lac de Barroude et descendant dans le ravin (voir le projet ci-dessus).

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VOIR AUSSI
  
- la page consacrée au chemin des mines sur le versant français
  

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   NOTES :
  1. Cette histoire est difficile à reconstituer à partir des documents : il faut faire la part entre les projets non réalisés et ceux qui l'ont été partiellement ou totalement. Sur le terrain les installations les plus récentes ont souvent effacé les vestiges des plus anciennes.

  2. L'auteur du site remercie Madame Simone Fréchou, de Guchan, pour lui avoir apporté ces informations, et pour lui avoir permis de prendre connaissance d'un classeur, resté dans sa famile, où sont archivés des documents ayant trait à l'administration des mines de La Gela.

.   Dans ce classeur, le dernier des oncles de Mme Fréchou (dont trois ont travaillé aux mines), Mr Joseph Fréchou, qui faisait office d'intendant en plus de son travail aux mines (il a travaillé à la réalisation du captage de l'eau au déversoir du lac de Barroude), a collecté, pendant l'année 1927, des lettres échangées avec les fournisseurs des denrées inhérentes au fonctionnement de l'exploitation minière (matériel technique, produits alimentaires, etc.), des avis d'expédition et les factures correspondantes. Voici trois exemples de ces documents qui donnent une image de l'exploitation d'une mine :

  Il s'agit d'une lettre, à en-tête de la Société des mines de La Géla, adressée au préfet des Hautes-Pyrénées par le directeur de la société, Mr Goar, pour demander le renouvellement du permis d'exploiter un dépôt d'explosifs (de la cheddite) et de détonateurs.

  Ce document est l'avis d'expédition, par une compagnie de Paris, de pièces pour "marteau perforateur" (ou marteau-piqueur) pneumatique, qui devaient être livrées à la gare d'Arreau. La perforation pneumatique avait remplacé la perforation manuelle, par rapport à laquelle elle constituait un gros progrès, en 1922 aux mines du pic Liena, et peut-être la même année aux mines de La Gela.

   D'autres factures ou lettres concernent toutes sortes d'autres matériels techniques : explosifs, mèches, détonateurs, charbon, boulons, fil de fer, tôle, bois, huile, gomme pour lampe de mine, etc.

  Cette lettre, pittoresque mais instructive, adressée par un propriétaire-viticulteur de Lézignan au directeur des mines, annonce l'arrivée de 10 barriques de vin à 11° (de 220 litres chacune). Cette quantité donne une petite idée du nombre d'ouvriers qui travaillaient aux mines, evidemment très approximative faute de savoir au bout de combien de temps sera renouvellée la commande et quelle est la consommation individuelle des ouvriers.
   Le viticulteur déconseille un vin à 9° qu'il juge trop léger pour le climat de la vallée de La Gela et surtout pour les ouvriers étrangers "habitués au gros vin d'Espagne ou d'Italie".
   D'autres lettres ou factures concernent des livraisons de pommes de terre (une fois de 600 kg, une autre fois de 1500 kg), de viande, de salaisons, de légumes, de café, de compote; etc.

  


   3. Voici un épisode représentatif de cette histoire au XIXe siècle :
   En 1837 Karl Wagner, joailler à Paris, très au courant des questions de mines de plomb argentifère, attire l'attention d'Edouard Lartet sur l'intérêt des mines de l'At-Géla
(d'abord avocat à Ornézan dans la Gers, Lartet est surtout connu comme paléontologue et précurseur de la préhistoire pour avoir découvert des fossiles de grands singes et de nombreux fossiles d'animaux disparus associés à des outils de silex façonnés par l'homme ; il a ainsi établi l'ancienneté de l'espèce humaine, et proposé la chronologie de l'ère quaternaire).
   Une prospection rigoureuse confiée par Wagner à un ingénieur allemand se révèle optimiste quant à la responsabilité de ces mines..
  
Lartet et Wagner s'associent à Firmin Carrère, médecin à Hèches, et à Mention, banquier, pour former un groupe hétéroclite qui fait le 12 novembre 1837 une demande de concession de la mine (située sur le territoire d'Aragnouet, canton de Vielle-Aure, dans des pâturages appartenant en indivis aux communes de Guchan et Bazus-Aure) au préfet des Hautes-Pyrénées.
   En 1839 une lettre de Wagner à Lartet lui apprend que les travaux d'exploitation sont avancés. Deux galeries ont été creusées.
   Mais par la suite les choses se gâtent : un ingénieur des mines de Luchon met en garde les concessionnaires sur la rentabilité de la mine ; en 1845 des difficultés administratives surgissent, les héritiers d'une famille faisant valoir leurs droits sur la concession des mines de la vallée d'Aure dont les limites n'ont jamais été précisées ; Lartet est pris par l'achat par l'Etat de fouilles à Sansan (12 km au sud d'Auch) ; Carrère n'assure pas aussi assidûment que prévu la surveillance de la mine.
   Finalement, le 15 septembre 1846, l' exploitation de la mine n'ayant pas donné les résultats espérés, la "Socièté des mines de Guchan" (leur dénomination officielle) est mise en liquidation.
   Par la suite, une société achète la concession mais fait faillite en 1853 ; une autre, anglaise, renonce au bout d'un an après avoir obtenu une concession de huit kilomètres carrés à La Géla en 1860.
   Ce sera en 1863 que des français prendront le relais et déposeront une demande de concession pour une exploitation plus sérieuse : les frères Pontie de Toulouse et le célèbre ingénieur Henri Maréchal, propriétaire à Aragnouet.
   (Source : article de André Péré, "Mines des vallées des Nestes (Aure et Louron)", reproduisant une communication faite au Congrès de la Fédération des Sociétés Savantes Pyrénées-Languedoc-Gascogne, à Saint-Girons, en 1975)
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